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Banque mondiale Voici combien coûte le manque de confiance chez les Marocains

 

La Banque mondiale dans son dernier Mémorandum 2017 intitulé « Le Maroc à l’Horizon 2040 : Capital immatériel et Les Voies de l’Émergence économique » lance une alerte sur la dégradation notable du capital confiance au Maroc. Moins de 10% des citoyens marocains croient que les gens sont dignes de confiance. Une tendance baissière qui n’est pas prête à s’estomper, dont le manque à gagner explique encore cette « modernisation sans développement » ! Détails…

 

Accroches

« Ce manque de confiance au sein de notre société et la faible capacité à travailler ensemble autour d’objectifs communs coûte au Maroc un manque à gagner de l’ordre de 60.000  dollars américains  par habitant »

« le niveau de confiance sociale en général est assez faible au Maroc, non seulement par rapport au niveau mondial, mais également en comparaison à d’autres pays en développement »

Nous sommes là face au spectre du degré zéro de confiance interpersonnelle!  S’il n’y a qu’un seul ingrédient qui pourrait gâter la recette de la Banque mondiale et la renvoyer aux calendes grecques, c’est bel et bien la confiance.  Elle ne peut ni se décréter, ni s’acheter, ni se prêter, ni même se voler! Car elle reste intimement liée à la personne en soi, l’histoire, la culture et à  l’économie politique  interne des pays. Impossible pour le Mémorandum 2017 intitulé « Le Maroc à l’Horizon 2040 : Capital immatériel et Les Voies de l’Émergence économique » d’atteindre les objectifs escomptés sans ce capital confiance, qui s’est nettement dégradé chez les Marocains pour céder place à un comportement opportuniste et égoïste ! Les experts soulignent que « le niveau de confiance sociale en général est assez faible au Maroc, non seulement par rapport au niveau mondial, mais également en comparaison à d’autres pays en développement ». Plus inquiétant encore, « au vu de toutes les enquêtes sur les valeurs mondiales conduites successivement depuis 2000, il apparait que non seulement le niveau de confiance au sein de la société est faible au Maroc, mais qu’il a diminué au fil du temps », peut-on lire. Comment peut-on alors emprunter la voie de l’émergence économique  au moment où la confiance en autrui, un des aspects les plus importants du capital social, s’envole en éclats.  Les rédacteurs du rapport le confortent eux même : « le capital social conditionne l’efficacité de toutes les  autres formes de capital  discutées jusqu’à présent (capital produit, capital institutionnel ou  capital humain) et donc le processus de création de richesse dans son ensemble». Ce manque de confiance au sein de notre société et la faible capacité à travailler ensemble autour d’objectifs  communs coûte au Maroc  un manque à gagner de l’ordre de 60.000  dollars américains  par habitant. Nul ne pourrait nier les effets positifs des politiques de développement mises en place, mais  qui « pourraient être décuplés si ces améliorations étaient accompagnées d’une augmentation du capital social ».  Bien qu’il est difficile de la mesurer avec précision,  « une étude économétrique réalisée dans le cadre de ce  Mémorandum conclut qu’une augmentation de 10 points de pourcentage concernant la confiance  interpersonnelle  au sein de la société en général engendrerait une augmentation de l’ordre de 0,6 point de pourcentage le taux annuel de croissance, d’année en année ou une augmentation cumulée de l’ordre de 7% de la croissance sur une décennie (Foa 2015).  Sur la base du PIB du Maroc en 2015, ceci correspondrait à un gain de  l’ordre de 7 à 8  milliards de dollars américains sur  les dix prochaines années s’il y avait un retour fort de la confiance  au sein de la société », note-t-on. Ah, s’il y avait un retour…!  Un chemin long à l’épreuve d’un environnement plus complexe tant l’exemplarité fait défaut.  Ce devoir d’exemplarité devrait émaner des plus hautes sphères de l’État, une priorité absolue pour que les miracles (économique, éducatif, etc.) prennent leur sens.  Prenant l’exemple du système éducatif, qui devrait lui-même montrer l’exemple et s’appliquer les valeurs. « Dans les pays où les étudiants travaillent en groupe au niveau des cycles primaire et secondaire, comme la Suède, l’Autriche et les États-Unis d’Amérique, le niveau de confiance dans la société est comparativement plus élevé », est-il souligné.

La dégradation de l’actif confiance au Maroc est nettement perceptible dans les  liens collectifs fragiles notamment en matière de vivre-ensemble et de civisme. Entre voisins, amis, et même en familles,  le niveau de confiance  semble emprunter une courbe baissière. Il en est de même du  niveau de confiance institutionnelle devenue relativement faible, notamment envers le gouvernement, les partis politiques, le parlement…Sans parler des lieux de travail, où un climat de méfiance et une mauvaise ambiance pourraient impacter négativement la productivité et conduire à des problèmes de stress, dépression, etc. « Les affinités personnelles au travail ne permettent que rarement la construction de liens amicaux forts », alertent les experts. Cette perte de confiance peut se révéler toxique pour l’esprit coopératif et le sens d’appartenance. Le rapport informe que le Maroc a enregistré un repli de son niveau de confiance de 9,4% au cours des différentes enquêtes sur les valeurs mondiales depuis quinze ans. L’enquête effectuée par l’Institut de recherche marocain IRES en 2012 révèle  également que moins de 10% des citoyens marocains croient que les gens sont dignes de confiance. Le pire c’est que l’exception marocaine brille encore une fois par la prépondérance de la suspicion et la défiance au sein de la société. « Si une confiance moindre dans les groupes ouverts constitue un phénomène commun à la plupart des pays, quels que soient les niveaux de revenus, le Maroc représente un cas singulier  de ce point de vue », est-il souligné. Si le regain de confiance ne peut se décréter, la responsabilité de l’État ne peut aussi être ignorée. Un modèle économique basé sur la commande publique, la consommation intérieure et l’envol des crédits ne saurait conduire à l’émergence économique souhaitée. Revoir le modèle économique en place dépend préalablement de la capacité des institutions à revaloriser le niveau des infrastructures et des normes sociales. Les pays riches seraient riches en raison de « la qualité du lien social et de la confiance au sein des sociétés ». Et si les citoyens marocains tendent de plus en plus à perdre confiance, c’est principalement du fait d’un capital social qui serait « négatif».  Ce « plafond de verre » qui entrave l’accélération de la transformation structurelle ne serait en mesure de mener le Maroc d’aujourd’hui que vers le processus de « modernisation sans développement ». Ce développement ne pourra, d’ailleurs, jamais émaner de facteurs extérieurs  et de nombreux travaux de recherche ont démontré la  relation entre le capital social  et la croissance économique. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer la capacité remarquable d’auto-organisation de la société japonaise et sa contribution marquante au miracle économique japonais comme l’examine Fukuyama. En analysant les tenants et les aboutissants de l’économie marocaine, les experts de l’institution de Bretton Woods observent que le coût d’opportunité explique en partie le retard pris dans l’atteinte des objectifs escomptés. A l’épreuve d’un contexte mondial menaçant qui tend à miner davantage la confiance interpersonnelle au sein de la société marocaine, il est vivement conseillé d’investir dans l’accumulation du capital social. « Investir dans l’intégrité d’une société est un investissement rentable, car lorsque vous avez à la fois la loyauté  et la confiance, vous créez une relation d’intégrité. Cette relation—cette intégrité—est un actif qui produit de la valeur économique », est-il conclu. MM

BON A SAVOIR

  • La durée de scolarisation moyenne en Corée du Sud était de 5 années en 1960, un niveau que n’a atteint  le Maroc qu’en 2010.
  • Seuls 18% des ménages marocains possèdent une voiture aujourd’hui, contre 30% des ménages français en 1960.
  • Près d’un quart des ménages ruraux n’a pas d’accès direct à une route et vit à au moins 10 km des services de santé de base.
  • Les Marocains dépensent 40% de leur budget en produits alimentaires, contre 35% pour les ménages français en 1960 et seulement 20% aujourd’hui.
  • Le taux de mortalité infantile mesuré au Maroc en 2015 se situe au même niveau que celui des pays européens en 1960, soit environ  24  décès pour 1000 naissances.
  • La Malaisie et les Philippines ont progressé à une cadence supérieure à 5% alors que leurs taux d’investissement ne dépassaient pas 25% du PIB contre 31% pour le Maroc.
  • Autour de l’usine emblématique de Renault à Tanger, moins de 10% des fournisseurs de rang 1 livrant quotidiennement l’usine sont à capital majoritaire marocain.

 

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