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Programme National des Pépinières d’Entreprises : Le gâchis!

Dans son dernier rapport annuel 2021, la Cour de Comptes a relevé les nombreuses anomalies qui caractérisent la gestion du Programme National des Pépinières d’Entreprises (PNPE). Ce programme vise la création de 4.000 entreprises et de 40.000 postes d’emploi, la réalisation d’investissements privés à hauteur de 2 MMDH ainsi que la réduction du taux d’échec des entreprises nouvellement créées.

À cet effet, l’État a alloué des crédits budgétaires s’élevant à 160 MDH audit fonds, en vue de contribuer au financement du PNPE. À cet égard, 36 conventions ont été signées pour la mise en place de 36 pépinières d’entreprises au niveau national, en vue de les mettre à disposition des communes concernées, qui sont chargées de leur gestion. Ce programme vise à créer des espaces d’incubation provisoire pour les activités portées par de jeunes entrepreneurs et à les accompagner.

En ce qui concerne le bilan quantitatif du programme, seules 27 pépinières d’entreprises ont été édifiées pour un montant d’environ 281,85 MDH, dont une part de 158,45 MDH financée via le Fonds de promotion de l’emploi des jeunes tandis que le reste a été mobilisé par les autres partenaires.

S’agissant de l’état opérationnel des pépinières réalisées, il convient de noter que cinq pépinières, dont le coût de réalisation est de 34,36 MDH, ne sont toujours pas fonctionnelles, alors que 17 autres, dont le coût de réalisation s’élève à 206,85 MDH, sont partiellement opérationnelles avec un taux de fonctionnement moyen de 72%. À noter également que les travaux de réalisation de deux autres pépinières, ayant coûté 24,69 MDH, sont suspendus et que trois autres pépinières réalisées ont été réaffectées à d’autres types d’activités.

Quant aux résultats atteints dans le cadre de ce programme, ils demeurent en deçà des objectifs escomptés et ne sont pas adéquats avec le montant des investissements publics mobilisés. En effet, les pépinières opérationnelles n’ont créé que 2.765 emplois sur les 40.000 attendus et 87 entreprises sur les 4.000 prévus, soit des taux de réalisation respectifs de 2% et de 7%.

Les résultats modestes obtenus, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, sont dus à des insuffisances en termes de conception et de suivi du programme à l’instar de l’absence d’études de faisabilité, la non-formalisation du programme ainsi que l’absence d’organe central de gouvernance et de pilotage du programme. En ce qui concerne les conventions de partenariat relatives à la mise en place des pépinières, il a été relevé l’absence d’objectifs et d’indicateurs spécifiques pour chaque projet, l’absence de mécanismes de suivi et d’accompagnement des bénéficiaires, ainsi que l’attribution de rôles essentiels aux communes sans tenir compte de leurs capacités et de leurs moyens limités.

En outre, le programme a été mis en œuvre en l’absence de mécanismes permettant de garantir la cohérence des activités ciblées par ces pépinières avec la nature de l’activité économique prédominante au niveau des communes concernées, d’identifier des sites d’accueil appropriés afin d’accroître l’attractivité des pépinières, d’estimer le coût de réalisation de ces projets et de s’assurer de l’existence du besoin avant la mise en place des pépinières.

Par ailleurs, l’évaluation de l’exploitation des pépinières d’entreprises opérationnelles a révélé que de nombreux locaux professionnels ont été attribués aux bénéficiaires en l’absence de cahiers de charges et sans conclusion de contrats de bail dans certains cas. De plus, certaines clauses des contrats conclus ne sont pas compatibles avec les objectifs du PNPE comme c’est le cas de la durée de bail, censée garantir le principe de rotation dans l’exploitation des locaux professionnels. Il a également été noté l’absence de mesures particulières pour intégrer l’approche genre, la non-conformité des activités effectivement pratiquées avec celles ciblées, l’attribution de certains locaux professionnels à des bénéficiaires ne remplissant pas les critères prévus par le programme ainsi que le non- apurement de la situation juridique du foncier abritant les pépinières d’entreprises.

En outre, l’exploitation des locaux professionnels par les bénéficiaires manque de base légale ou contractuelle en raison de l’expiration de la durée de validité des contrats conclus et du non- paiement des loyers, puisque le reste à recouvrer a atteint plus de 34 MDH pour 13 pépinières (pour lesquelles l’information est disponible). De plus, certains bénéficiaires ont procédé au transfert, à des tiers, de l’exploitation des locaux qui leur sont attribués ou à des morcellements desdits locaux en vue d’une sous-location ou à leur fermeture privant ainsi le reste des personnes cibles de bénéficier de ces projets.

De plus, les communes chargées de la gestion des pépinières n’ont pas mis en place les comptes spéciaux, prévus dans les conventions de partenariat, comme support de gestion budgétaire de ces équipements publics. En outre, ces communes n’ont pas procédé à la mise en place des cellules de suivi et de conseil et à l’organisation des cycles de formation au profit des bénéficiaires, ce qui s’est traduit par l’absence des services d’accompagnement et d’appui.

Dans l’ensemble, la conception et la mise en œuvre des pépinières d’entreprises, ayant coûté plus de 281,85 MMDH, font face à plusieurs carences qui impactent négativement aussi bien l’atteinte des résultats escomptés que la durabilité et la performance des pépinières réalisées. Par conséquent, toutes les pépinières réalisées se sont écartées du modèle de gestion qui leur avait été initialement fixé et des objectifs y afférents, ce qui est va à l’encontre de l’esprit et la finalité du Programme National des Pépinières d’Entreprises.

Compte tenu de ce qui précède, les CRC ont recommandé de revoir la formulation du PNPE en vue de l’intégrer dans les différentes stratégies gouvernementales relatives à la création des entreprises et la promotion de l’emploi, et de veiller à la cohérence et la convergence des programmes de réalisation des espaces d’accueil provisoires d’entreprises et des activités qui y sont menées, avec les autres programmes visant l’appui et l’accompagnement des porteurs de projets, et cela après la conduite d’un benchmark des expériences similaires pour s’inspirer des bonnes pratiques à faire déployer au sein des pépinières d’entreprises.

Quant aux pépinières d’entreprises déjà réalisées, les CRC ont recommandé à toutes les parties prenantes, y compris les communes, d’une part, d’identifier les pépinières d’entreprises à fort potentiel de réussite et de les gérer conformément aux règles et normes régissant les espaces d’accueil provisoire des entreprises, et d’autre part, de réaffecter les pépinières d’entreprises, ne pouvant fonctionner conformément aux règles et objectifs du PNPE, à d’autres types d’activités.

Au niveau de la gestion des pépinières d’entreprises, les CRC ont recommandé de prendre les mesures nécessaires en vue de recouvrer les loyers dus aux bénéficiaires, de libérer les locaux professionnels occupés sans titre et de veiller à la création des comptes spéciaux ou des budgets annexes permettant la maîtrise des revenus et des dépenses desdites pépinières. De plus, Elles ont insisté sur la nécessité d’activer les mécanismes de gouvernance des pépinières d’entreprises, tout en impliquant les autres organismes publics et privés concernés par ce type de projets

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