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La psychologie de la femme au travail

PAR MOHSSINE BENZAKOUR

Psychosociologue- Médiateur- Formateur- Conseiller

 

Il y a une quarantaine d’année, les jeunes filles n’avaient pas besoin-le droit- d’apprendre un métier parce qu’elles devaient se consacrer au soin du ménage, à l’éducation des enfants et au bonheur de leur mari. Leur raison d’être fut d’être belle, pudique, bonne cuisinière, couturière et d’épouser un mari qui subvenait à leurs besoins. La femme se trouvait dans une situation d’infériorité par rapport à l’homme et ceci sur le plan culturel, économique, politique et juridique. Mais depuis le début du 20e siècle, beaucoup de femmes s’opposent à cette image de leur sexe et combattent leur discrimination et la prédominance masculine, s’organisent en mouvements de libération, s’attaquent aux préjugés et exercent des métiers de plus en plus variés.

De nos jours les avis sur cette nouvelle image de la femme sont encore divisés. Une grande partie de la population, y compris des femmes, ne voient que des désavantages si les femmes exercent un métier hors de la famille.

En premier lieu, un travail rémunéré signifie pour la femme un doublement de son travail. Dans beaucoup de cas, en effet, la femme doit, après ses heures de travail à l’extérieur, encore faire les travaux de ménage. Ainsi, une femme qui doit s’occuper de la garde des enfants, des charges familiales et qui exerce en plus une profession, va être surmenée et surchargée.

En outre, la femme ne sera pas forcément heureuse elle-même, si elle exerce une profession. Cet état des choses est indépendant de la volonté des femmes et elles se heurtent souvent dans leur métier à d’innombrables injustices, dues le plus souvent aux préjugés sexistes des hommes.

Enfin, de nombreuses femmes souffrent d’un sentiment de culpabilité parce qu’elles ont l’impression de délaisser leurs enfants lorsqu’elles travaillent à l’extérieur. Elles se demandent si une crèche, une gouvernante ou des grands-parents sauront remplacer la présence d’une mère. De plus, la relation entre le mari et la femme ne risque-t-elle pas de souffrir aussi si la femme exerce une profession ? Ces préoccupations, même si elles ne sont pas fondées, perturbent souvent l’équilibre psychologique des femmes et leur rendent difficile l’exercice d’une profession.

Malgré ces problèmes, le travail rémunéré rapporte aussi de grands avantages à la femme et à sa famille.

Par son travail, la femme peut s’assurer tout d’abord une indépendance matérielle à l’égard du mari. Elle pourra ainsi réaliser quelques-uns de ses rêves que le mari ne pourrait pas payer seul. De plus, elle se trouvera dans une situation moins précaire en cas de divorce où c’est souvent la femme qui se retrouve dans une mauvaise situation matérielle avec des enfants à charge et les difficultés d’une nouvelle vie à recommencer.

La femme contribue également au bien-être accru, à une plus grande aisance matérielle de la famille qui grâce au double salaire peut agrandir son pouvoir d’achat et acheter des articles dont elle devrait sinon se priver, par exemple des vacances.

Il est vrai aussi que la femme sort de l’isolement de ses quatre murs et elle peut se sentir utile et s’évader de l’ennui quotidien. Si elle a fait des études en vue d’un métier précis qu’elle s’est choisi par goût et intérêt, elle peut épanouir sa personnalité et se donner l’occasion de se connaître elle-même, développer toutes ses facultés.

Bien que la situation de la femme se soit en générale amélioré au cours du 20e siècle, il faut, pour être complet, souligner que la femme qui travaille rencontre encore des discriminations notoires.

Une première injustice, c’est que souvent le salaire d’une femme reste souvent moins élevé que celui d’un homme, même si les deux font le même travail. En effet, la femme a par rapport à l’homme souvent une formation professionnelle moins poussée et elle est contrainte d’accepter un travail mal rémunéré et pénible.

Les femmes sont aussi les premières touchées par le chômage, de nouveau à cause d’un manque de qualification, mais aussi en vertu de certains principes sexistes. Le comble se sont les patrons qui hésitent à embaucher des femmes parce que leur absence pour cause de maternité lui reviendrait trop chère.

Trop de préjugés empêchent en outre les femmes, même très qualifiées de gravir les pentes de la hiérarchie professionnelle, très peu de femmes accèdent à des postes de direction. Trop de préjugés phallocrates et misogynes restent enracinés dans les têtes des employeurs masculins (préjugés biologiques, psychologiques, religieux, scolaires). Il n’y a chez nous aucune loi qui interdise à une femme de devenir plombière, conductrice d’autobus, mécanicienne, huissier. Pourtant on continue à les voir plus dans des professions « typiquement féminines» : secrétaire, institutrice, maîtresse, infirmière.

Cependant les remparts des professions « masculines » tombent de plus en plus.

Ainsi les premières pionnières ont envahi des métiers jusque-là réservés aux hommes, la police, l’armée, le bâtiment, par exemple, et y font bonne figure et on reconnaît que les femmes sont capables de tout faire, exactement comme les hommes, qui eux aussi ne sont pas tous aptes à exercer tous les métiers.

Un autre avantage, non négligeable, c’est que la répartition des tâches se répercute sur celle des travaux ménagers. Si l’on travaille à deux à l’extérieur, on le fait aussi de plus en plus en famille, à la maison (bien que rares sont les hommes qui le déclarent en publique). Ceci conduit inévitablement à une nouvelle image de l’homme qui devra s’adapter à sa compagne, aider à élever les enfants et à faire le ménage. L’homme peut en tirer une relation nettement plus intime et affectueuse avec ses enfants que par le passé où le père était trop souvent absent de l’éducation des enfants et en était craint par la seule image autoritaire qu’il donnait trop souvent.

On peut donc affirmer que les femmes ont certes acquis de nouveaux droits et que la situation dans les pays comme le Maroc s’est améliorée, sans toutefois être parfaite. En effet trop de préjugés persistent.

LE SEXISME ou la discrimination fondée sur le sexe :

Le terme «sexisme» vise à mettre en évidence le déséquilibre hiérarchique qui existe entre les hommes et les femmes, et qui permet de maintenir le pouvoir dans les mains de ceux qui l’ont déjà (on utilise des différences physiques visibles pour justifier une hiérarchie des statuts entre groupes sociaux). Les stéréotypes de sexe conduisent à une vision binaire du monde qui oppose quasi terme à terme les rôles sociaux de sexe prescripteurs de pratiques et les caractéristiques du féminin et du masculin. Ces stéréotypes ne créent pas les inégalités ; ils les légitiment en les naturalisant. Et ce faisant, ils se rendent invisibles, d’où la difficulté à les débusquer.

Au Maroc la gravité du problème s’accentue quand le sexisme devient une idéologie qui érige la différence sexuelle en différence fondamentale, déterminant un jugement sur l’intelligence, les compétences et les comportements (suprématie mâle).

Le sexisme, la discrimination et la violence :

Nos traditions culturelles, nos comportements et nos représentations mais aussi nos idéologies posent dans leurs majorités une différence de statut et de dignité entre la femme et l’homme, ce qui constitue une discrimination propice au développement de la violence (blagues sexistes et salaces, injures, chansons obscènes moqueries humiliantes, «main aux fesses », frotteurs dans les transports en commun, harcèlement moral et/ou sexuel, viols et autres agressions sexuelles, violences conjugales, prostitution,  excision et mutilation génitales, mariages forcés, esclavage).

Dans le monde du travail, toutes les formes de violence existent, qui vont des injures sexistes au viol (humiliations, injures et propos à caractère sexiste et sexuel, pornographie, exhibition sexuelle, harcèlement sexuel, agressions sexuelles, viols).

Nombre d’agissements sexistes dans le cadre du travail sont aujourd’hui non reconnus par la loi marocaine, comme les discriminations en matière d’accès à l’emploi, de carrière ou de rémunération qui se traduisent par des actes de gestion qui conduisent à traiter de manière défavorable une personne à raison de son sexe par rapport à une autre personne placée dans une situation comparable. Il en est de même du harcèlement sexuel qui vise des agissements aujourd’hui bien identifiés mais non réprimés.

Plancher gluant :

Le concept de plancher gluant fait référence aux facteurs, rencontrées par les femmes, qui les obligent à rester à un niveau inférieur. S’occuper des enfants et des tâches ménagères est l’un des facteurs les plus connus. Ainsi, les secteurs où nous trouvons le plus de femmes sont les secteurs liés au social, au médical, à l’enfance, à l’agriculture, textile (ouvrières) ou bien encore à la vente.

Les femmes en position de pouvoir :

Elles font face à deux types d’attentes de rôle stéréotypées : le rôle de la femme chaleureuse, expressive, gentille et conciliante ; et celui du leader dur, confiant et ambitieux. Il y a une incongruité entre ces deux rôles en ce que la femme ne peut être féminine et puissante à la fois. Celle qui adopte trop de comportements normalement associés au leadership -et donc à l’assurance masculine -ne sera pas considérée comme une vraie femme ; et celle démontrant une trop grande amabilité féminine sera considérée trop douce pour être une bonne leader.

Il est à noter toutefois que l’incongruité du rôle de la femme et du rôle de leader varie selon le contexte. L’incongruité et les sanctions pourront donc être plus fortes dans les milieux dits plus «masculins» (milieux politiques, militaires et d’affaires) et dans tout autre milieu où le regard sur le rôle de la femme est plus traditionnel. Cela ne veut par ailleurs pas dire que les stéréotypes de genre sont absents des milieux plus « féminins» (milieux de l’enseignement, des soins de santé et des services sociaux). Notons que comme il ne peut y avoir de pouvoir en dehors de la relation, il ne peut y avoir de relation sans pouvoir.

Et pour conclure sur une note positive, le monde du travail au Maroc (surtout l’entreprise), prend de plus en plus conscience de la variable « bonheur au travail » et montre du respect envers ses employés, leur confie un travail suffisamment intéressant pour qu’ils le prennent à cœur et crée une bonne ambiance au travail.

Et pour un état psychologique équilibré pour la femme comme pour l’homme au travail, il faut respecter ses employés, leurs donner un travail intéressant, créer une bonne ambiance, un environnement d’équité et d’ouverture d’esprit, reconnaître l’employé pour son travail, lui permettre d’être soi-même, créer un bon équilibre travail-vie privée, perdurer de bonnes relations avec les collègues, donner les moyens de faire correctement son travail et bien sûr un salaire correct.

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