L’inflation: Amie ou ennemie de l’immobilier?
- Par Alain BECHADE
- Professeur émérite du CNAM, professeur à l’ICH de Rabat.
« Les statistiques immobilières sont encore artisanales, locales, peu sophistiquées, partielles… »
Les prix de l’immobilier au Maroc peuvent donner une impression de situation erratique, mais classique ; pourtant il n’y a pas de prudence rationnelle possible sans chiffres fiables. Où en sommes-nous ? Même si l’immobilier représente 60% des actifs mondiaux, il ne dispose pas toujours d’informations fiables : le Maroc ne fait pas exception. Les chiffres publiés sont souvent subjectifs : s’ils émanent des promoteurs, ils ne concernent que le neuf, alors que l’essentiel du marché est constitué de l’existant dont les prix seraient plutôt à la baisse. Les prix du neuf tirent souvent les prix de l’ancien à la hausse ce qui est incohérent, car ils sont dépendants à l’égard du crédit donc des taux financiers ; il s’en suit que les prix immobiliers sont la plupart du temps contingentés par la finance et l’économie, au Maroc comme ailleurs.
Pas de bon immobilier sans bonne économie et pas de bonne économie sans bonne finance. Ce sont donc ces statistiques dédiées qui nous informent le mieux sur la réalité des prix immobiliers, surtout à venir. Le PIB marocain pourrait se tasser en 2018 (comme dans beaucoup de pays en raison de la situation géopolitique internationale), mais c’est le RNB/habitant qui détermine le pouvoir d’achat immobilier: une pression sur les prix immobiliers devrait donc exister cette année au Maroc. L’éclatement des publications selon les intérêts des sources, ainsi que la métropolisation des populations, vont continuer à accentuer les disparités de prix : on ne peut donc pas raisonner avec des moyennes de prix, les différences entre Rabat, Casablanca ou Marrakech le prouvent, même au niveau local : on ne peut donc pas parler de « prix au Maroc », mais dans telle ou telle métropole.
L’immobilier, surtout haut de gamme, au royaume chérifien a une dépendance relative vis-à-vis d’acquéreurs étrangers. La formation des prix immobiliers dans ce segment est donc fragile, car relative, et les prix annoncés faussent les statistiques, car le RNB/habitant de ces étrangers est supérieur. Ces prix ne devraient donc pas être intégrés sans pondération en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) dans les statistiques : les moyennes cachent donc de grandes disparités. L’inflation est-elle amie ou ennemie de l’immobilier? L’inflation semble être à tendance haussière au Maroc, il faut donc tenir compte du fait que l’indexation des flux, qui a l’apparence d’être positive, peut masquer l’érosion de la valeur des actifs (stock). Inflation et illusion font bon ménage en immobilier. Les statistiques immobilières sont donc encore artisanales, locales, peu sophistiquées, partielles : or le salut viendra du partage des chiffres vérifiés et leur analyse objective au bénéfice de tous.