Québec: L’insécurité alimentaire s’enracine même au sein de la classe moyenne

Les banques alimentaires le constatent depuis quelques années, et des données le confirment : l’insécurité alimentaire s’étend désormais aussi de façon importante à la classe moyenne, passant de 8,5 % à 18,5 % en quatre ans dans ce segment de population.
Si l’insécurité alimentaire a augmenté en moyenne de 82 % au Québec entre 2019 et 2023 et touche désormais 1,7 million de Québécois, la hausse a été de 131 % parmi la classe moyenne, selon une étude de l’Observatoire québécois des inégalités (OQI) publiée aujourd’hui.
L’Observatoire se dit notamment préoccupé
par le fait que ce sont les niveaux d’insécurité alimentaire moyenne et élevée qui ont connu l’augmentation la plus marquée.
Les 3 stades d’insécurité alimentaire
Légère : Incertitude quant à la capacité de se procurer des aliments ou de ne pas avoir une alimentation suffisamment variée.
Moyenne : La qualité ou la quantité de nourriture est compromise pour les enfants ou les adultes.
Sévère : Repas sautés, consommation réduite d’aliments et, à l’extrême, privation de repas pendant une journée complète ou plus, et perte de poids.
Cette situation a entraîné la popularisation de nouveaux termes de recherche sur Google : les repas de misère
(struggle meals; traduction libre) et budget meals (repas économiques) afin de partager des idées de recettes à base d’aliments bon marché ou traînant dans les fonds de placard.
Cette précarité ne s’explique pas uniquement par la hausse du prix des aliments (+23,7 % entre 2020 et 2024).
En effet, les coûts reliés au logement (+24 % sur 4 ans) ont eux aussi augmenté plus rapidement que l’inflation. Comme ceux-ci sont incompressibles, c’est le panier d’épicerie qui écope, selon l’OQI, qui note que l’insécurité alimentaire touche désormais près d’un locataire sur trois (31 %).
Et la situation ne risque pas de s’améliorer, si l’on se fie aux dernières données de l’inflation. En octobre 2025, les coûts du logement (+5,9 %) et ceux de l’alimentation (+3,7 %) sont repartis à la hausse sur une période de 12 mois, donc il ne faudrait pas se surprendre que cette tendance se poursuive
, mentionne l’économiste Geoffroy Boucher, auteur de l’étude.
Même avec un emploi
L’insécurité alimentaire a même augmenté chez les personnes qui ont un emploi, passant de 9,7 % en 2019 à 18,6 % en 2023. Parmi ces 800 000 personnes, environ 140 000 étaient en situation d’insécurité alimentaire sévère, note l’Observatoire.
Il souligne que des mesures gouvernementales supplémentaires (hausses du salaire minimum, des allocations sociales et des pensions), dont le coût est estimé à 4,7 milliards de dollars, auraient permis de juguler le phénomène de l’insécurité alimentaire au Québec en 2023. Ce montant représente 3 % du budget provincial de 2023.
C’est un gros montant, mais, d’un autre côté, ça nous coûte cher en matière de santé et de services sociaux d’avoir des gens en précarité avancée.Une citation deGeoffroy Boucher, économiste à l’OQI
M. Boucher croit aussi qu’une meilleure répartition de la richesse permettrait aussi de financer de telles mesures. Les inégalités se sont en effet accentuées depuis cinq ans. Ainsi, entre 2020 et 2024 au Québec, le revenu disponible des 20 % les plus riches a augmenté de 51 %, alors qu’il a baissé de 1,9 % chez les 20 % les plus pauvres.
La seule (petite) bonne nouvelle contenue dans le rapport concerne l’insécurité alimentaire chez les personnes bénéficiaires de l’aide sociale. Au total, l’insécurité alimentaire chez les personnes vivant dans un ménage prestataire de l’assistance sociale a augmenté de 42 % entre 2019 et 2023, soit une hausse moindre que celle observée dans l’ensemble de la population (81,7 %)
, note l’étude.
L’entrée en vigueur d’un nouveau programme (nouvelle fenêtre) (avec notamment des allocations plus élevées), auquel 30 % des prestataires sont admissibles, peut expliquer ces chiffres, selon l’étude.
Disparités régionales
Six régions sont au-dessus de la moyenne québécoise (19,8 %) pour le taux d’insécurité alimentaire. Il s’agit de Laval (26,3 %), de Lanaudière (26,2 %), de Montréal (22,3 %), de Chaudière-Appalaches (21,5 %) et de la Montérégie (21,3 %).
Cette situation n’est pas propre au Québec. Selon le dernier Bilan Faim, le recours aux banques alimentaires a doublé au Canada entre mars 2019 et mars 2025, avec un nombre record de 2,2 millions de visites en mars dernier.
Ces cinq dernières années, la hausse est la plus élevée en Alberta (+134 %), en Ontario (+125 %), au Québec (+116 %) et en Colombie-Britannique (+80 %). radio-canada



