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Les comptes en dirhams convertibles des résidents : de quoi s’agit-il ?

Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes

Lors des précédents entretiens, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des dispositions de la règlementation des changes régissant les comptes en devises.

 Les explications fournies par O.Bakkou nous ont permis de saisir l’état actuel de cette règlementation , ainsi que les changements devant être opérés pour réformer cette règlementation.

Dans le présent entretien, nous allons interroger Bakkou au sujet d’une autre composante de la règlementation des changes régissant le régime des comptes , à savoir les comptes en dirhams convertibles des résidents.

L’instruction Générale des Opérations de Change-24 prévoit un ensemble de dispositions régissant les comptes en dirhams convertibles des résidents. Pourriez-vous nous faire une description globale de ces dispositions ?

Effectivement, la règlementation des changes prévoit un ensemble de dispositions régissant les comptes en dirhams convertibles des résidents.

Ces dispositions sont éditées, d’une part dans l’Instruction Générale des Opérations de Change-24(l’IGOC-24), et d’autre part, dans des circulaires de l’Office des Changes.

Les dispositions éditées dans l’IGOC-24 concernent deux régimes : les comptes en dirhams convertibles des exportateurs et les comptes en dirhams convertibles « dotations voyages d’affaires ».

Quant aux dispositions éditées dans les circulaires de l’Office des Changes, elles concernent quatre régimes : les comptes en dirhams convertibles des EX- MRE, les comptes en dirhams convertibles des personnes ayant souscrit à la contribution libératoire, les comptes en dirhams convertibles des entreprises bénéficiant du statut CFC et les comptes en dirhams convertibles des personnes physiques marocaines résidentes, non inscrites au registre de commerce, disposant de revenus de source étrangère.

Lors des précédents entretiens, vous avez décrit l’IGOC-24 et les circulaires de l’Office des Changes comme étant des dispositions dont l’objet serait, d’une part, de définir les opérations économiques librement réalisables et, d’autre part,  de fixer les conditions de réalisation de ces opérations. Ou pourra-t-on situer « les comptes en dirhams convertibles des résidents » dans cette configuration de la règlementation des changes ?

Comme vous l’avez souligné dans votre question, la règlementation des changes a pour objet, d’une part, de définir les opérations économiques extérieures librement réalisables, et d’autre part, de fixer les conditions de réalisation de ces opérations.

Les opérations économiques extérieures englobent toutes les opérations qui donnent naissance à une créance (ou une dette ) entre résidents et non-résidents, telles les importations de marchandises et de services, les investissements étrangers au Maroc et marocains à l’étranger, etc.

Quant aux conditions de réalisation des opérations précitées, il s’agit d’un ensemble de dispositions établies dans l’objectif de veiller sur le respect par les opérateurs concernés du principe de l’effectivité des opérations d’importation de biens. Ces dispositions comprennent une panoplie d’obligations ayant trait aux :

-Modalités de règlement des opérations économiques extérieures  : les opérations d’achats de devises et le transfert de ces devises à l’étranger par virement bancaire ;

-Démarches pré-règlements : formalités devant être accomplies auprès des banques, préalablement à l’exécution par ces dernières des paiements au titre des importations ;

-Démarches post-règlements : formalités devant être accomplies par les banques et les bénéficiaires des opérations économiques extérieures précitées, après le paiement des importations.

Quant à l’effectivité, elle symbolise deux principales obligations :  d’une part, le paiement au titre de l’opération concernée doit être effectué pour la réalisation d’une opération réelle et non pas fictive (effectivité absolue) et, d’autre part, ce paiement doit être effectué pour une valeur qui ne dépasse pas la valeur réelle de l’opération en question (effectivité relative).

 Donc, pour répondre à votre question, les dispositions relatives aux comptes en dirhams convertibles se situent au niveau des deux composantes précitées.

En effet, les comptes en dirhams convertibles se situent au niveau de la première composante dans la mesure où ces comptes ont, par définition, pour objectif d’accorder un statut privilégié à une catégorie particulière de personnes en matière de degré de convertibilité de la monnaie en question, en leur permettant notamment de réaliser des opérations économiques non libres dans le cadre du droit commun.

De même, les comptes en dirhams convertibles se situent également au niveau de la deuxième composante dans la mesure où ces comptes permettent à cette catégorie particulière de personnes de s’affranchir de certaines conditions précitées : elles peuvent effectuer les paiements en devises au titre d’une panoplie d’opérations sans obligation de présentation à chaque fois aux banques des documents justificatifs.

Vous dites ci-dessus que les comptes en dirhams convertibles ont pour objectif d’accorder un statut privilégié à une catégorie particulière de personnes en matière de degré de convertibilité de la monnaie en question, en leur permettant notamment de réaliser des opérations économiques non libres dans le cadre du droit commun. Est-ce que la règlementation des changes ne peut pas éditer des dispositions en faveur de ces personnes sans que cette règlementation conditionne cette faveur par l’ouverture d’un compte en dirhams convertibles ?

Effectivement, il est techniquement possible d’éditer des dispositions favorables au profit d’une catégorie particulière de personnes sans que ce cadre favorable ne soit conditionné par l’ouverture d’un compte en dirhams convertibles.

En effet, il suffit de prévoir dans ce cas une disposition stipulant que les banques sont autorisées à effectuer une telle opération, sur présentation d’un document justifiant la qualité de la personne concernée (exportateur, EX-MRE, etc.)

Toutefois, il convient de signaler à cet égard que ces dispositions favorables établies par les comptes en dirhams convertibles ne sont pas conditionnées seulement par le statut des personnes concernées, mais également par les recettes en devises inhérentes à ce statut : recettes au titre des exportations, etc.

Par conséquent, ce « stratagème » qu’est « les comptes en dirhams convertibles » demeure le seul instrument pour concevoir ce régime règlementaire favorable.

Vous dites également que les comptes en dirhams convertibles ont pour objectif de permettre à certaines catégories particulières de personnes de s’affranchir de certaines conditions prévues par la règlementation des changes énumérées ci-dessus : obligation de présentation aux banques des documents justificatifs à l’occasion de chaque paiement en devises réalisé par les banques. Est-ce que la règlementation des changes ne peut pas éditer des dispositions en faveur de ces personnes sans que cette règlementation conditionne cette faveur par l’ouverture d’un compte en dirhams convertibles ?

Effectivement, il est techniquement possible d’éditer des dispositions favorables en matière de conditions de réalisation des opérations économiques au profit d’une catégorie particulière de personnes sans que ce cadre favorable ne soit conditionné par l’ouverture d’un compte en dirhams convertibles.

Comment ?

A Travers la disposition relative à l’obligation de domiciliation des paiements en devises auprès d’un guichet bancaire donné.

La domiciliation, pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?

La domiciliation est une formalité qui consiste à obliger une entité donnée à exécuter un certain nombre d’opérations auprès d’un seul guichet bancaire choisi par l’ entité concernée.

Cette formalité est généralement conçue pour les opérations durables dans le temps (qui donnent lieu à plusieurs flux), telles les opérations d’importation et celles relatives aux voyages pour études à l’étranger.

Ces opérations donnent lieu généralement à une série de paiements, sur la base des mêmes documents justificatifs.

A titre d’exemple, pour les voyages pour études à l’étranger, le tuteur de l’étudiant peut procéder mensuellement aux paiements en devises au titre des frais du loyer, de séjour et de scolarité, sur la base de certains documents justificatifs à remettre une fois au guichet domiciliataire de ces opérations.

Ce guichet domiciliataire disposera ainsi des informations relatives à une série de paiements afférents à une même opération (voyage pour études à l’étranger).

Ainsi, cette formalité de domiciliation s’inscrit parfaitement dans la logique générale des dispositions relatives aux formalités bancaires préalables à la réalisation des paiements au titre des diverses opérations.

Cette logique se fonde sur la disponibilité auprès des banques des informations nécessaires pour assurer la traçabilité de l’ensemble paiements en devises, et ce, afin de pouvoir vérifier à postériori l’effectivité des opérations objet de ces paiements.

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