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PLF 2021: Les fabricants locaux de polyester tirent la sonnette d’alarme

Annoncée dans le PLF 2021, l’augmentation des droits de douane (de 2,5% à 17,5%)  qui devait être appliquée sur l’importation du produit fini de polyester discontinu destiné au rembourrage a été abrogée, à la demande d’un groupe parlementaire de la majorité (amendement n°4). Les deux principaux arguments avancés par la première Chambre pour justifier le rejet de l’augmentation de la taxe à l’import est le suivant : «L’industrie nationale de cette filière (fibre en polyester) ne peut pas répondre aux besoins du marché local, outre la protection des entreprises nationales consommatrices de la fibre polyester discontinue de rembourrage».

Les producteurs nationaux de fibre de polyester discontinue de rembourrage contestent cet argumentaire en précisant que l’abrogation favorise l’importation massive de fibres en polyester. Une baisse du droit d’importation profiterait à une poignée d’importateurs, qui prétendent que l’offre importée leur revienne moins chère, quitte à ruiner la production locale, sans tenir compte des enjeux écologiques, de l’impact sur l’environnement et sur le tissu économique marocain du non-traitement des déchets PET, qui jusqu’à présent continuent d’être enfouis, alors que ces plastiques sont des bombes écologiques. Les industriels alertent sur les conséquences de cette décision.

Pour ceux qui ne la connaissent pas, la fibre de polyester est une matière artificielle synthétique très utilisée dans l’industrie textile et de l’ameublement, pour le rembourrage. Elle est produite à partir des bouteilles en plastique recyclées.

Contactés par un quotidien de la place, les dirigeants de l’AMITH, ont soutenu l’invalidation de la proposition contenu dans le PLF 2021 au motif que : «L’argument qui recommande d’augmenter les droits de douane à 17,5% pour encourager la production locale ne tient pas, étant donné que 80 à 85% des besoins en fibres polyester portent sur la fibre vierge et semi-vierge qui n’est pas produite localement». L’Amith soutient également que si le passage des droits de douane à 17,5% est validé, la décision portera un coup dur à toute la filière textile de maison, qui compte plus de 150 entreprises, et qui utilise majoritairement de la fibre vierge et semi-vierge pour le rembourrage». Selon les dirigeants de l’AMITH, il faut donc absolument que les droits de douane restent à 2,5% tant que la production locale n’est pas disponible en quantité et en qualité suffisantes.

Les producteurs nationaux de fibre de polyester dénoncent le fait que la volonté Royale peine à être audible et en profitons pour lever toutes ambiguïtés relatives à la protection du secteur et à notre capacité à subvenir aux besoins du marché national de la fibre de polyester discontinue destinée au rembourrage.

Explications d’Abdeslam El Eulj, PDG de Famacolor, pionnier dans l’industrie du polyester :

  • Même avec des droits de douane en deçà du seuil de viabilité de l’activité, c’est-à-dire à 17,5%, comme annoncé initialement dans le PLF 2021, FAMACOLOR CASAFIBRE peut à elle seule combler 100% du besoin du marché, sans le nouveau venu DOLIDOL. Ce qui démontre que la disponibilité, en quantité et en qualité suffisantes, de la production locale est directement liée aux facteurs de production et à la différence de traitement accordé par les Etats. Dans les pays asiatiques (Chine, Indonésie, Inde), principales bases de sourcing des fibres importées au Maroc, la main-d’œuvre est moins coûteuse, avec plus d’heures de travail qu’au Maroc. Ces pays encouragent l’exportation tout en protégeant leur marché par des taux de douanes élevés à l’import (70% en Chine, 29% pour l’Indonésie, 24% en Inde). S’y ajoutent des ressources énergétiques 90% moins coûteuses quand les concurrents fonctionnent au charbon, sinon 33% moins chères lorsqu’ils fonctionnent à l’électricité. L’enquête 2013/C372/12 du Journal Officiel de l’Union européenne pointe directement les avantages offerts par les Etats asiatiques à leurs industriels. On y trouve la fourniture de matières et intrants par les autorités publiques à des prix modiques, l’octroi d’aides au développement ou de bonifications d’intérêts par les banques, des aides à la logistique, la réduction de l’impôt sur les bénéfices au profit des entreprises axées sur l’export, ou encore la fourniture d’infrastructures, de terrains équipés, viabilisés, et des services. En définitive, l’argument qui recommande d’augmenter les droits de douane pour encourager la production locale tient. Nous ne le répéterons jamais assez, notre pays doit nous protéger et nous appuyer, car sinon, nous ne serons jamais compétitifs face à la concurrence des pays asiatiques.
  • Un amalgame est entretenu entre les différentes fibres ! Nous pensons que les députés n’ont pas compris les enjeux et cela ne les déresponsabilise pas face aux risques qu’ils font courir au secteur. 4 ans de pourparlers de longue haleine et de concertation avec les Ministères et la douane, le Ministère de tutelle, chapeauté par Monsieur le Ministre Moulay Hafid El Alamy et son équipe, ont été nécessaires pour qu’une timide mesure susceptible de nous donner une bouffée d’oxygène figure dans le PLF 2021. Parmi ces mesures figure l’éclatement de la nomenclature de la fibre polyester discontinue destinée au textile (Nomenclature 5503200010) de celle destinée au rembourrage (Nomenclature 5503200020). Cette différenciation de nomenclature a permis d’augmenter à 17,5% le tarif douanier de la fibre destinée au rembourrage et garder intact les droits de douane pour la fibre destinée à la filature. Le but de l’éclatement de la nomenclature est de concilier les intérêts de l’industrie textile et les nôtres. Notre demande ne lèse nullement le secteur du textile puisque nous opérons dans celui du rembourrage.
  • L’annulation de l’augmentation des droits de douane (de 2,5% à 17,5%) va à l’encontre du principe de protection de la production locale. Ce qui serait en porte-à-faux avec les efforts de maîtrise des importations, notamment à travers la sensibilisation des opérateurs pour ralentir le rythme d’importation et le relèvement des droits d’importation observé dans plusieurs secteurs d’activités (hors zones de libre-échange) en vue de renforcer la protection de la production nationale et encourager la substitution des importations par la production locale, comme stipulée dans le PLF 2021.
  • Une telle décision va à l’opposé de la politique environnementale qui constitue un des axes majeurs de la politique Royale qui vise l’encouragement d’une industrie marocaine permettant de diminuer le niveau de la pollution par le plastique. Les députés doivent inciter par des mesures d’encouragement les investisseurs à se lancer dans le recyclage en répondant à l’appel Royal et non le contraire. Dans les conditions actuelles de marché, l’investisseur ne peut s’aventurer dans un secteur non protégé, hautement concurrentiel et risqué. A la place, tout industriel sensé investira dans des secteurs protégés comme la literie ou la chocolaterie, qui bénéficient de 40% de droits de douane.

Conséquences de la décision :

  • Le creusement du déficit de la balance commerciale par l’encouragement de l’importation au détriment de la production locale et un impact négatif sur la réserve des devises. L’enjeu est d’éviter une fuite de devises d’environ 150 MDH par an. En effet, la baisse des tarifs douaniers encourage l’importation des produits polluants (issus du recyclage du plastique), met en péril des investissements marocains au profit des sociétés étrangères et freine la création d’emplois directs et indirects au Maroc. Surtout dans le contexte actuel marqué par la crise de la Covid-19.
  • La mise en faillite des deux producteurs locaux et le gel de plusieurs projets de développement. Le secteur compte une vingtaine d’entreprises en exercice. L’entreprise FAMACOLOR CASAFIBRE s’est lancée la première sur ce marché en investissant plus de 120 MDH dans son usine de fabrication de fibre polyester discontinue régénérée. L’unité a démarré sa production en 2017 et a permis de créer plus de 160 emplois directs et près de 4.000 indirects. Un autre industriel de renom, en l’occurrence le Groupe Palmeraie (Dolidol), convaincu lui aussi, a commencé l’installation de son usine en 2019 (projet Dolicen) et projette d’apporter sa contribution au secteur au premier trimestre 2021. Le secteur accueille ainsi un nouvel entrant, avec la création d’une unité de fabrication de fibre en polyester discontinue et mousse à Casablanca. Le projet Dolicen va mobiliser un investissement initial de 200 millions de DH et devrait créer plus de 460 emplois directs et plus que 4 000 indirects.
  • Des droits de douane sur l’importation des fibres en polyester à 2,5% certes réconfortent les importateurs, gros demandeurs de fibre textile plus fine, mais présentent plusieurs inconvénients, notamment la contamination du milieu marin par les plastiques avec des poissons infectés, une agriculture qui peine à subvenir au besoin de la population faute de sol et nappes phréatiques de qualité, ou encore des paysages dégradés. Si la situation actuelle est maintenue, nous risquons de devenir un centre d’enfouissement pour les pays asiatiques, avec tous les impacts que cela peut avoir sur les secteurs comme la pêche, l’agriculture et le tourisme.
  • Le Maroc se priverait d’entrées de devises de l’ordre de centaines de millions de dollars en livrant à elle-même une industrie locale qui pourrait à terme générer des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects, créatrice de valeur ajoutée, qui dépollue son environnement. Nous sommes perplexes devant la quantité de déchets PET non valorisés, qui partent à l’enfouissement, pour souiller nos côtes, terrains agricoles et nappes phréatiques, compromettant ainsi le futur de secteurs économiques phares. Un dénouement catastrophique et sombre que nous cherchons tous à éviter. Le tableau ci-dessous montre les quantités annuelles du plastique importé sous différentes formes et qui partent à l’enfouissement, faute de moyen de valorisation et de compétitivité du secteur du recyclage. (Source : Office des Changes).
Année201720182019
ProduitPoids en KgPoids en KgPoids en Kg
PET 39076158 483 42364 056 40063 278 596
PET 39076910 377 500,111 308 679,912 541 832
Déchets plastiques 3915901 558 683,204 905 7908 133 196
Préformes 392333 753 267,055 021 657,968 640 357
Total74 172 87385 292 527,892 593 981

Les recommandations et propositions des producteurs locaux :

  • En confirmant l’augmentation des droits de douane, la deuxième chambre des conseillers fera la démonstration que la protection de l’environnement est une priorité au Maroc, que la COP22 n’était pas une conférence de passage et qu’elle a donné l’impulsion et le déclic nécessaires aux industriels marocains pour investir dans le secteur de la valorisation des déchets PET.
  • Il convient de revoir cet amendement et passer le taux des droits d’importation de 2,5% à 30%, pour la fibre de polyester discontinue destinée au rembourrage.
  • A l’instar du secteur du textile, l’industrie du polyester mérite une attention particulière de la part de l’Etat pour être compétitif face à la concurrence étrangère, notamment asiatique (Chine, Indonésie, Inde).
  • Nous attendons toujours la création de la vingtaine de Centres de tri, comme promis par l’Etat depuis 2015, pour faciliter la fourniture de matières premières et bouteilles en plastique à nos unités de valorisation. Il est également primordial de contrôler le rendement de ces centres et destiner leurs productions exclusivement aux industriels en règle vis-à-vis des normes environnementales.

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