
La cour des comptes a établi un bilan inquiétant sur les chambres professionnelles et leur contribution effective au développement des activités sectorielles, note son Rapport annuel au titre de 2023-2024. Détails.
Les chambres professionnelles jouent un rôle important dans la promotion et le développement de l’économie nationale, eu égard à leurs attributions en matière de représentation, de consultation et de développement.
Toutefois, elles sont confrontées à un ensemble de difficultés, liées à l’exercice de ces attributions, notamment en ce qui concerne la représentation de tous les professionnels, la coordination avec les autres acteurs, l’amélioration de leur gouvernance et la diversification des services rendus aux ressortissants. En 2023, le budget global alloué aux chambres professionnelles s’est élevé à environ 1.005 MDH, et le nombre de leurs salariés a atteint 1.314 personnes.
En ce qui concerne les attributions des chambres professionnelles, il a été constaté que parallèlement aux chambres, d’autres organismes publics interviennent également dans le domaine du développement économique et social notamment les ministères de tutelle, les différents établissements publics intervenant dans le secteur et les collectivités territoriales, entraînant, ainsi, un chevauchement au niveau de l’exercice de leurs attributions avec celles de ces chambres. Il convient de souligner, à ce sujet, l’absence de mécanismes de coordination et de convergence des actions des différents acteurs.
Concernant la représentation au sein des chambres professionnelles, elle ne reflète pas suffisamment la diversité des domaines d’intervention de ces dernières, ni les spécificités économiques et sociales du tissu économique qu’elles représentent. Dans certains cas, la représentation n’inclut pas certains professionnels et secteurs ou certaines collectivités territoriales disposant de potentiels économiques ou industriels importants au niveau de la région. En outre, les chambres connaissent une insuffisance des données concernant leur ressortissants. Dans ce sens, il y a lieu de noter que le taux d’inscription de professionnels sur les listes électorales par rapport au nombre potentiel de ressortissants demeure faible.
Pour ce qui est de la planification stratégique, la plupart des chambres d’agriculture, des pêches maritimes et d’artisanat n’ont pas mis en place des plans stratégiques, permettant d’orienter leur action, ce qui se répercute négativement sur l’accomplissement de leurs missions, leurs modes de gestion et sur la réalisation de leurs objectifs. A cet égard, il convient de souligner que les chambres de commerce, d’industrie et de services ont élaboré leurs plans stratégiques suite à la signature des conventions relatives aux plans de développement de ces chambres entre le ministère de tutelle et le ministère de l’économie et des finances en 2018. Cependant, ces plans n’ont pas pris en compte les plans de développement faisant l’objet des conventions susmentionnés.
En ce qui concerne la représentation des chambres au sein des conseils d’administration des institutions partenaires, les chambres professionnelles sont membres aux conseils d’administration de plusieurs établissements publics relevant de leur ressort territorial. Toutefois, elles ne participent pas à toutes les réunions de certains conseils d’administration ou à toutes leurs sessions, et qu’elles n’ont pas développé une vision leur permettant d’avoir une participation plus significative aux réunions de ces conseils. De plus, le rôle de consultation et de proposition des chambres professionnelles demeure limité, et ce en raison de plusieurs facteurs, notamment le manque de ressources humaines disposant de compétences techniques et juridiques requises. De même, l’implication et la contribution des chambres professionnelles à l’élaboration des stratégies nationales et locales de développement restent limitées .
Concernant les missions d’appui et de formation, certaines chambres de commerce, d’industrie et de services ont procédé à la création des instituts de formation professionnelle. Cependant, le recours à ce mécanisme comporte certains risques liés aux conflits d’intérêts, en raison de l’incompatibilité entre l’adhésion à la chambre et l’exercice de fonctions de gestion au sein des associations précitées. S’agissant des chambres des pêches maritimes, elles n’ont organisé qu’un nombre limité de formations pour les professionnels, faute de ressources financières et humaines spécialisées dans les domaines liés à la pêche et à l’aquaculture. Quant aux chambres de l’artisanat, elles ne disposent pas d’une vision claire à moyen terme définissant les thèmes et les domaines des formations, se contentant d’intégrer des activités de formation de nature générale dans leurs plans d’action annuels.
En ce qui concerne les services rendus aux adhérents, les chambres professionnelles n’ont pas initié la numérisation de leurs services, ce qui limite leur capacité à fournir des services répondant aux besoins de leurs membres et à contribuer au développement de leur environnement. En outre, la création de guichets de proximité dans les chambres de commerce, d’industrie et de services, à travers des partenariats avec les institutions concernées (Office marocain de la propriété industrielle et commerciale, l’Agence marocaine pour la promotion de la petite et de la moyenne entreprise…) n’a pas connu le succès escompté.
S’agissant de l’organisation administrative et financière, il a été constaté que les chambres professionnelles dépendent, principalement, des subventions de l’Etat pour couvrir l’essentiel de leurs dépenses, faute de ressources propres suffisantes leur permettant d’exercer leurs compétences et de financer leurs projets. En outre, l’adoption et l’opérationnalisation des mécanismes de bonne gouvernance demeure limitée, et avec un des degrés différenciés d’une chambre à l’autre, ce qui se répercute négativement sur leur gestion et la réalisation de leurs objectifs.
Au vu de ce qui précède, la Cour a recommandé au ministère de l’industrie et du commerce, au ministère de l’agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, au ministère du tourisme, de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire, chacun dans son domaine de compétence, de revoir le positionnement des chambres professionnelles dans leur écosystème territorial et de renforcer leur rôle dans le but de contribuer efficacement au développement des secteurs concernés et de promouvoir les investissements.
Elle a préconisé, également, de renforcer la représentation au sein des instances des chambres professionnelles pour refléter la diversité et les spécificités des secteurs et des activités qu’elles représentent au niveau territorial ; et d’établir un contrat-programme entre l’État et les chambres d’agriculture, des pêches maritimes et d’artisanat. La Cour a recommandé, enfin, de mettre en place de mécanismes de partenariat et de coordination en ce qui concerne les attributions communes entre les chambres professionnelles et les autres acteurs concernés ; et le renforcement de la représentation des chambres au sein des conseils d’administration des institutions partenaires.
