Facebook sans WhatsApp: Un juge en a décidé autrement
Un juge américain a infligé un revers aux autorités du pays qui accusaient Facebook de pratiques anticoncurrentielles en rejetant lundi leurs plaintes déposées fin 2020, faisant grimper le réseau social au-dessus des 1000 milliards de dollars (environ 920 milliards de francs) de capitalisation boursière pour la première fois.
L’autorité américaine de la concurrence (FTC) et les procureurs représentant 48 États et territoires estimaient que Facebook abusait de sa position dominante et de ses coffres bien remplis pour évincer la concurrence et demandaient notamment à la justice de forcer l’entreprise à se séparer d’Instagram et WhatsApp.
Mais selon le juge James Boasberg, «la FTC n’est pas parvenue à présenter suffisamment de faits pour établir de manière plausible» que le groupe disposait vraiment d’un pouvoir monopolistique sur les réseaux sociaux. La plainte de l’agence «ne dit presque rien de concret sur la question clé du pouvoir réel de Facebook (…), c’est presque comme si l’agence s’attendait à ce que le tribunal approuve sans broncher l’idée répandue selon laquelle Facebook est un monopole», remarque le magistrat dans son argumentaire.
Concernant les allégations formulées par les procureurs généraux à l’encontre des rachats par Facebook d’Instagram en 2012 et de WhatsApp en 2014, le juge a estimé que, déposées en 2020, elles étaient bien trop tardives. Il a par ailleurs affirmé que la politique selon laquelle Facebook empêchait le transfert des données vers des applications concurrentes comme Twitter, TikTok ou Snapchat, n’était pas contraire aux lois sur la concurrence.
Le réseau social s’est félicité de ces décisions, qui «reconnaissent les défauts des plaintes gouvernementales déposées contre Facebook». «Nous rivalisons tous les jours équitablement avec d’autres entreprises pour gagner le temps et l’attention des gens», a affirmé un porte-parole. À Wall Street, l’action du groupe de Mark Zuckerberg, a terminé dans la foulée en hausse de 4,2%, dépassant pour la première fois le seuil symbolique des 1000 milliards de dollars de capitalisation.
Porte ouverte
Le juge laisse toutefois une porte ouverte: s’il rejette entièrement la plainte des procureurs généraux, il donne à la FTC trente jours pour présenter de nouveaux documents étayant plus précisément ses accusations.
Ces décisions interviennent au moment où les autorités américaines élèvent le ton face à Google, Apple, Facebook et Amazon, les fameux Gafa. D’autres poursuites ont ainsi été lancées ces derniers mois contre Google pour abus de position dominante, et de nombreuses enquêtes sur les Gafa sont toujours en cours.
Des élus américains sont aussi décidés à s’en prendre à la toute-puissance de ces géants: une commission parlementaire a approuvé la semaine dernière plusieurs propositions de loi cherchant entre autres à obliger Facebook à laisser ses utilisateurs quitter le réseau social en emmenant leurs contacts et informations personnelles chez un concurrent. Il est aussi prévu d’interdire aux colosses de la tech d’acquérir des concurrents pour préserver leur pouvoir de marché. Ces textes doivent encore passer par la Chambre des représentants, à majorité démocrate, puis par le Sénat, où leur sort est plus incertain.
Comme Microsoft
Facebook avait déposé en mars des requêtes en irrecevabilité concernant les plaintes de la FTC et des procureurs généraux, estimant alors que l’enquête de la FTC «ignorait complètement la réalité de l’industrie dynamique et ultra-compétitive de la high-tech au sein de laquelle Facebook opère».
En plus de forcer Facebook à revendre Instagram et WhatsApp, l’agence voulait que le groupe de Mark Zuckerberg cesse de contraindre les développeurs à accepter certaines conditions et qu’il lui demande son feu vert pour toute opération de rachat. Les procureurs réclamaient pour leur part d’être prévenus de toute acquisition supérieure à 10 millions de dollars.
Des accusations anticoncurrentielles de même ordre avaient été lancées à la fin des années 1990 contre le groupe informatique Microsoft. Après près de trois ans de procédure, le ministère de la Justice n’était toutefois pas parvenu à démanteler la firme.(AFP)