EconomieFlashLa Une

1 million d’emplois d’Akhnnouch: Des promesses de campagne?

La campagne électorale s’annonce chaude pour le patron des RNIstes. Aziz Akhannouch vient d’exposer les grandes lignes de son futur programme économique. Consacre-t-il  un abus récurrent de «promesses démesurées» ou casse –t-il les codes de la logique du mépris de la vérité? Les économistes savent très bien que quiconque que les chiffres sont têtus et leur lecture doit être maniée avec précaution.  

1 million d’emplois à créer !

Quand vous y pensez il doit vous faire rêver. Akhnouch promet de créer un million d’emplois durant le prochain quinquennat. Autrement dit, 200.000 nouveaux emplois chaque année. Cela veut tout bonnement dire atteindre un taux de croissance économique annuel de 8%. Pourquoi? Les économistes savent que chaque point additionnel de croissance crée en moyenne 25.000 emplois au Maroc.

Une étude publiée par OCP Policy Center a démontré que chaque point de croissance a créé 26.700 emplois au Maroc entre 2000 et 2013. Pour un taux de croissance moyen de 4,5%, cela correspond à la création d’environ 120 000 emplois annuellement, est-il souligné.

Tout le monde le sait d’ailleurs, le contenu en emploi de la croissance est faible au Maroc. Prenons l’exemple de l’année 2006, l’arrêté des comptes nationaux fait ressortir une croissance de l’économie nationale se situant à 7,6%, soit le plus haut niveau entre les années 2000 et 2020. Le HCP nous informe, à ce titre, que l’effectif  des  chômeurs  était  de  1.062  mille  personnes  en  2006 contre 1.197 mille personnes en 2005, soit  135 mille chômeurs en moins. Le taux de chômage national, quant à lui, a baissé de 1,4 point entre 2005 et 2006 passant de 11,1% à 9,7%.

Pour bien comprendre la complexité du lien entre la croissance économique et le chômage au Maroc, l’OCP Policy Center fait savoir qu’un point additionnel de croissance engendre en moyenne une diminution du taux de chômage d’environ 0,15%. Il s’agit toutefois, d’un lien peu significatif qui reste bien inférieur à la moyenne des pays du G-20 (0.26% en moyenne).

De là on comprend parfaitement qu’Akhnouch a placé la barre très haut, défiant même les ambitions de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement qui table sur une croissance annuelle moyenne de 6% par an à l’horizon 2035.

Vive la précarité !

Poussant l’analyse encore plus loin. Supposant que Monsieur le ministre sait très bien de quoi il parle et que son objectif de créer 1 million d’emplois est réalisable. Se pose alors la question de savoir s’il s’agit bien d’un emploi décent et non informel?  

Nous avons démontré plus haut qu’il est quasi impossible que l’économie marocaine crée 1 million  d’emplois formels durant le quinquennat prochain. La seule piste possible pour rendre l’ambition de notre ministre accessible c’est l’emploi informel. Et c’est là où le bât blesse! Surtout lorsqu’on sait que la part de l’emploi informel dans le secteur privé culmine à plus de 60%. Plus grave encore, une grande partie des travailleurs occupaient des emplois à faible productivité en 2019, avec un taux d’informalité de 70,8 %, note un rapport de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

N’oubliez pas Monsieur le ministre que quel que soit l’emploi crée, la qualité et la dignité humaine doivent être privilégiées à la quantité.

Nous vous tirons nos chapeaux Monsieur le ministre si vous êtes en mesure de répondre favorablement à l’appel de l’OIT : « Renforcer les fondements institutionnels d’une croissance  économique  et  d’un  développement  inclusifs, durables et résilients, en améliorant les systèmes de protection sociale, en favorisant la formalisation et en veillant à ce que tous les travailleurs, quels que soient leurs arrangements contractuels, aient le droit à la liberté syndicale et à la négociation collective, bénéficient de conditions de travail sûres et salubres et d’un salaire minimum adéquat ».

Nous vous tirons nos chapeaux Monsieur le ministre si vous êtes à même de faire face à la fragilité et la situation vulnérable des travailleurs agricoles, à l’hétérogénéité de leurs conditions sociales et économiques pour éradiquer la pauvreté au travail.

On aurait aimé vous faire confiance, mais la nature des emplois annoncés à créer devrait être de faible productivité et de mauvaise qualité.

Vous avez dit Entrepreneuriat !

Akhnouch promet d’accompagner 250.000 jeunes à travers le programme « Força », un dispositif permettant un accompagnement et un financement  à hauteur de 100.000 dirhams sous forme de prêts d’honneur sans intérêt.

L’initiative est louable et mérite d’être saluée. Sauf qu’il faut souligner que le prêt d’honneur est décerné sur dossier, sans garantie ni caution. Et là, le ministre Akhnouch risque gros de reproduire la mauvaise expérience du projet mort-né « Crédit jeunes promoteurs » où l’Etat aurait dû intervenir finalement au titre de la loi de Finances 2019 en renonçant à ses dettes.

C’est bien de déclencher ce choc culturel, d’autant plus que l’activité entrepreneuriale au Maroc est parmi les plus faibles au monde avec près de 4% de la population adulte (Egypte ≈7%, Tunisie ≈10%, Canada ≈15%), selon les résultats de l’étude « POST CREATION », menée par le CRI de Casablanca-Settat.

Vous le savez très bien que nous, Monsieur le ministre, le choc entrepreneurial commence par un choc de mentalités, notamment dans notre système éducatif. Mais aussi, et surtout, mettre en place un environnement favorable à l’entrepreneuriat.

Seriez-vous capable d’atténuer la pression fiscale, lutter contre la corruption et la concurrence déloyale pour ne citer que ces trois obstacles? Bon vent ! M.M

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page