ExpertsFlash

Contrôle fiscal et droit à l’erreur : sont-ils compatibles ?

Mohammed HASSANI ABOUMEHDI

Expert Comptabe DPLE – Commissaire aux comptes

 

 

Notre système fiscal au Maroc est qualifié de déclaratif dans son ensemble avec paiement spontané. En effet, le contribuable marocain se voit taxé et/ou imposé sur des éléments qu’il soumets lui-même à l’attention de l’Administration fiscale sous sa responsabilité et en respect du principe de bonne foi avec une liquidation et un paiement des impôts et taxes de manière spontanée. Ce régime n’exclut pas, bien évidemment, le pouvoir d’appréciation et de contrôle adossés à un droit de communication et de constatation dont dispose l’Administration, à cet effet, pour qualifier le caractère suffisant et exhaustif des éléments constituant l’assiette fiscale.

Ainsi, la législation fiscale marocaine a mis en place un certain nombre de dispositions visant à orienter le contribuable dans ses démarches et clarifier ses droits et obligations en matière fiscale de manière à mettre en place un cadre de référence régissant le système fiscal dit déclaratif tout en veillant à préserver légitimement les intérêts de l’État en matière de recettes fiscales qui constituent la principale source de financement de son budget. Le texte fiscal actuel, regroupé principalement dans le Code Général des Impôts (CGI) et la loi 47-06 sur la fiscalité locale, prévoit, également, la définition des grands principes à retenir pour lever les ambiguïtés sur les champs d’application des impôts et taxes dus par la contribuable. Il est complété, à titre d’outil de simplification et d’aide à la mise en conformité, par des circulaires d’application qui traitent des dispositions générales, de leur contexte, des motivations derrière toute mise à jour et des exemples pratiques pour la mise en application desdites dispositions.   L’Administration pourra être amenée à diffuser des notes de service complémentaires et des réponses à des questions fiscales faites par des contribuables avertis ou d’autres assistés par des professionnels en la matière (Experts comptables, comptables agréés, etc.).

Ceci étant, malgré la multitude de la base documentaire disponible, la probabilité d’occurrence d’erreur par le contribuable n’est pas à écarter. En effet, ce dernier pourrait, de bonne foi, omettre la prise en compte d’éléments imposables dans sa déclaration, rater une obligation déclarative ou commettre des erreurs quant à la présentation des informations comptables de son activité pouvant donner lieu à la révision de la base imposable des impôts et taxes dont il est redevable à l’Administration.

À l’instar des textes régissant les obligations fiscales du contribuable, les procédures fiscales mettant en exergue tous les aspects de contrôle et de contentieux pour les différents impôts et taxes sont détaillées et commentées avec précision. Ce qui donne aux Services des impôts toute la latitude d’appliquer les procédés de redressement et de liquidation des manquements observés dans la situation du contribuable sans préjudice de l’application des pénalités et majorations qui s’imposent. Le Contrôle fiscal peut, à cet effet, consister en une vérification de comptabilité couvrant la totalité ou partie des opérations effectuées et tous ou partie des impôts auxquels est soumis le contribuable.  Ce dernier peut se voir être soumis, également, à l’examen de l’ensemble de sa situation fiscale.

Compte tenu de ce qui précède, force de se poser une question fondamentale : existe-t-il une incompatibilité entre le contrôle fiscal est le droit à l’erreur ? La réponse à cette problématique trouve son origine dans la flexibilité du législateur devant la volonté du contribuable à régulariser sa situation.

Cette flexibilité est incarnée, d’abord, dans le texte fiscal à travers l’article 221 bis du CGI introduit dans la loi de finances n°70-15 pour l’année budgétaire 2016. Ce dernier dispose que lorsque l’administration constate des erreurs matérielles dans les déclarations souscrites, elle invite le contribuable par lettre notifiée à souscrire une déclaration rectificative dans un délai de trente (30) jours suivant la date de réception de ladite lettre. La procédure de régularisation de la situation, amplement détaillée dans le même article, donne au contribuable le droit au bénéfice de l’exonération des majorations et pénalités prévues respectivement aux articles 184 et 208 du même Code. Il en est ainsi pour les remises gracieuses et modérations accordées au contribuable à sa demande sur les majorations, amendes et pénalités qui lui sont applicables dans le cadre de la régularisation de sa situation avec l’Administration. Ce bénéfice est accordé en vertu de l’article 236 2° alinéa et est conditionné par la présentation par le contribuable des causes et circonstances ayant motivé la demande de suppression totale ou partielle des sanctions en vigueur.

En 2019, le projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2020 a apporté une nouveauté qui s’inscrit, de facto, dans le même esprit. La volonté de l’Administration d’inviter le contribuable à une mise en conformité par rapport aux obligations fiscales et, par la même occasion, la recherche continue de l’élargissement de l’assiette fiscale sont deux facteurs essentiels ayant conduit le législateur a voté de nouvelles dispositions avantageuses pour le contribuable mettant en évidence, encore une fois, ce droit à l’erreur dont dispose ce dernier.  La forme définitive de ces dispositions prévoit, entre autres, la non-imposition pour la période non prescrite des contribuables exerçant une activité passible à l’impôt sur le revenu et qui s’identifient pour la première fois auprès de l’Administration. En effet, ces derniers qui exerçaient dans le secteur informel et qui, bien que non identifiés, étaient sous les radars de l’Administration via le procédé d’examen de l’ensemble de leur situation fiscale, ne seront imposés que sur les seuls revenus acquis à partir du 1er janvier 2020, date à partir de laquelle, ils sont invités à s’identifier fiscalement.

Un autre avantage, qualifié de disposition phare du projet de loi de finances 2020, consiste à ouvrir une fenêtre supplémentaire au « Pardon » exercé par l’Administration au profit des contribuables dont les déclarations fiscales comportent des erreurs, des insuffisances ou des omissions concernant des opérations non comptabilisées, ayant pour conséquence une insuffisance de chiffre d’affaires ou de la base imposable. Ces derniers peuvent, désormais, régulariser leurs situations vis-à-vis de l’Administration au titre des exercices clôturés au cours de 2016, 2017 et 2018 en procédant au paiement spontané des seuls droits complémentaires sans les majorations ni les pénalités y afférentes. Ce droit à l’erreur est, d’autant plus, gratifié par une dispense du contrôle fiscal pour chacun des impôts et taxes et chacun des exercices précités ayant fait l’objet de ladite déclaration rectificative.

Le législateur a accompagné cette disposition transitoire d’un mécanisme de mise en œuvre qui la rend sous forme d’une « régularisation anticipée » des impôts et taxes dus à l’Administration à la suite des irrégularités que cette dernière avait déjà constatées suite à l’examen des données contenues dans les déclarations fiscales des intéressés. Ceci étant, l’Administration a impliqué les professionnels de la comptabilité dans cette procédure, en l’occurrence les Experts Comptables et les Comptables Agréés, en exigeant du contribuable une note explicative établie par lui avec l’accompagnement de ces derniers dans ce sens pour motiver la non régularisation totale ou partielle des irrégularités portées à la connaissance des contribuables concernés.

Enfin, et en vue d’encourager la mise en conformité et l’adhésion volontaire à l’impôt, l’Administration a proposé dans le PLF 2020 des amnisties offertes aux contribuables disposant de liquidités (cash non déclaré) et à ceux désirant la régularisation spontanée au titre des avoirs et liquides détenus à l’étranger ainsi que des valeurs mobilières et patrimoine immobilier acquis par des disponibilités non déclarées, aux comptes courants d’associés et aux prêts accordés aux tiers. Ces derniers bénéficieront d’une dispense de contrôle de l’ensemble de leur situation fiscale conditionnée par le paiement de contributions minimales libératoires de tout impôt, amendes, majorations et pénalités qu’ils auraient à payer en cas de régularisation selon le droit commun.

 

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page