Comment le « plan de paix » américano-israélien va morceler Gaza

Depuis l’annonce du cessez-le-feu le 10 octobre, la division de Gaza en une soi-disant « zone verte » sous contrôle de l’armée israélienne et une soi-disant « zone rouge », où les Palestiniens ont été déplacés et confinés, s’est consolidée. Les deux zones sont séparées par une « ligne jaune » invisible.
L’administration du président américain Donald Trump a indiqué que la reconstruction serait limitée à la « zone verte », où Israël et ses alliés travaillent sur des projets de « communautés sûres alternatives ».
Bien que certains rapports de la semaine dernière aient laissé entendre que ces projets avaient été abandonnés, des collègues du secteur humanitaire m’ont informé que la première communauté de ce type devait toujours être construite à Rafah, au sud de Gaza, et que dix autres étaient prévues le long de la ligne jaune et vers le nord.
Si ces « communautés sûres » voient le jour, elles consolideraient une fragmentation mortelle de Gaza. Le but de ces camps n’est pas de fournir une aide humanitaire, mais de créer des zones de dépossession contrôlée, où les Palestiniens seraient soumis à un filtrage pour recevoir des services de base, mais interdits de retour dans la « zone rouge » inaccessible et bloquée.
Ces projets représentent une version recyclée de ce qu’Israël cherchait depuis longtemps à faire à Gaza. La création de « bulles » – un euphémisme initial que j’avais entendu proposé par les autorités israéliennes lorsque je coordonnais des opérations humanitaires en Palestine pour l’ONU – était la première itération de zones où les Palestiniens seraient filtrés et conditionnés à recevoir une assistance contrôlée.
C’est la sombre réalité du soi-disant accord de cessez-le-feu à Gaza. Il ne conduira pas à la paix ; il fragmentera encore davantage Gaza et compromettra la perspective de souveraineté palestinienne. On pourrait l’appeler un plan de morcellement de Gaza.
Lundi, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté pour légitimer le plan en approuvant un Board of Peace pour gérer Gaza et une Force internationale de stabilisation (ISF) pour assurer la sécurité. Mais quelles zones ces forces vont-elles réellement sécuriser ? Il n’existe pas de paix véritable à maintenir. Selon les cartes des « communautés sûres alternatives » que j’ai pu consulter, l’ISF serait positionnée le long de la ligne jaune et protégerait ces camps nouvellement établis.
Sans surprise, le Hamas a rejeté la résolution du Conseil de sécurité. Il était évident que ses dispositions n’étaient pas le fruit d’un accord négocié. Dans le plan Trump en 20 points, joint à la résolution, le point 17 peut désormais être invoqué : « si le Hamas retarde ou rejette cette proposition, les opérations d’aide à grande échelle mentionnées ci-dessus se poursuivront dans les zones sans terrorisme remises de l’armée israélienne à l’ISF ». Ainsi, les « communautés sûres alternatives » pourraient devenir les seuls centres de distribution d’aide, prolongeant le blocus total sur les Palestiniens de Gaza.
La logique meurtrière des ordres d’évacuation qui a marqué les deux dernières années et qui a chassé les Palestiniens de leurs foyers est désormais intégrée dans le plan approuvé par le Conseil de sécurité. Ceux qui restent en dehors de ces communautés, dans la « zone rouge », risquent d’être étiquetés comme « partisans du Hamas » et donc inéligibles à la protection selon l’interprétation déformée du droit international par Israël, et soumis à des opérations militaires continues, comme déjà observé ces derniers jours.
Le sort des Palestiniens dans la « zone rouge » reste inexplicablement absent des plans officiels. En réalité, les organisations humanitaires capables de sauver des vies sont écartées par un processus d’enregistrement israélien destiné à étouffer toute critique et à vérifier la conformité du personnel.
Le modèle de communautés contenues n’est pas entièrement nouveau. Les Britanniques avaient créé des « villages nouveaux » en Malaisie dans les années 1950, les Américains des « villages stratégiques » au Vietnam dans les années 1960, et les autorités coloniales de Rhodésie (aujourd’hui Zimbabwe) des « villages protégés » dans les années 1970, dans le cadre de contre-insurrections.
Les populations civiles étaient contraintes et forcées à vivre dans des camps où elles étaient filtrées en échange d’aide. L’objectif était de diminuer le soutien populaire aux mouvements de résistance luttant contre la domination coloniale. Cela a échoué.
En Afrique du Sud, le gouvernement de l’apartheid avait créé des bantoustans, pseudo-territoires indépendants destinés à concentrer et contrôler la population noire. Ils ont également échoué à empêcher l’effondrement du régime.
À Gaza, le plan de paix imposé plutôt que négocié laissera l’occupation israélienne non seulement intacte, mais renforcée. Le Conseil de sécurité a approuvé une mesure qui va à l’encontre des décisions de la Cour internationale de justice sur le territoire palestinien occupé, blanchissant de fait un terrain de crime génocidaire et créant un monument à l’impunité.
Tout cela se déroule dans le cadre d’un soi-disant cessez-le-feu, alors que des Palestiniens continuent d’être tués pour avoir franchi des lignes invisibles tracées par une occupation illégale.
Le monde pourrait saluer cette phase comme la fin de la guerre, et les États réticents à sanctionner Israël se réjouiront sans doute de relancer le commerce et de réduire la surveillance publique.
Sortir de ce statut quo dangereux exigera la responsabilité même que les États-Unis et Israël ont tout fait pour éviter : la mise en œuvre des décisions de la CIJ. Tandis que les puissances occidentales vident ces institutions de leur substance, de nouvelles coalitions politiques doivent se former pour exiger l’application égale du droit international.
À son niveau le plus élémentaire, cela signifie :
- la livraison sans entrave de l’aide humanitaire à tous les Palestiniens, où qu’ils soient dans la bande de Gaza ;
- et une reconstruction dirigée par les Palestiniens, qui garantisse qu’ils ne soient pas condamnés à une survie précaire à perpétuité.
Le précédent établi à Gaza ne se limiterait pas aux « communautés sécurisées » de Gaza scellées par les forces internationales : il affaiblirait encore les fondations de l’ordre prétendument fondé sur des règles. La seule issue est un retour au principe ignoré tout au long de ce processus : le droit inaliénable d’un peuple à déterminer son propre avenir.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la ligne éditoriale d’Al Jazeera.



