
L’année 2025 marque un tournant majeur dans la structure des recettes fiscales marocaines. Pour la première fois, les recettes nettes de l’impôt sur les sociétés (IS) ont dépassé celles de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), inversant ainsi un équilibre budgétaire en place depuis plus d’une décennie.
À fin septembre 2025, les recettes nettes de l’IS atteignent 72,2 milliards de dirhams, contre 71,8 milliards pour la TVA, selon le dernier Bulletin mensuel de statistiques des finances publiques publié par la Trésorerie Générale du Royaume.
Cette progression spectaculaire (+30,9 % en un an) s’explique par :
- la hausse des bénéfices des grandes entreprises, notamment dans les secteurs à forte rentabilité comme les banques, l’OCP, les télécoms et l’énergie ;
- la réforme progressive du barème de l’IS engagée à partir de 2023, qui a élargi la base imposable et uniformisé les taux ;
- l’amélioration du recouvrement grâce à la digitalisation de la gestion fiscale et au contrôle renforcé des grands contribuables.
Période | TVA (MDH) | IS (MDH) | Écart IS – TVA (MDH) | Variation TVA (%) | Variation IS (%) |
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Sept. 2021 | 49 508 | 33 959 | -15 549 | — | — |
Sept. 2024 | 66 895 | 55 170 | -11 725 | +35,1 % | +62,5 % |
Sept. 2025 | 71 752 | 72 234 | +482 | +7,3 % | +30,9 % |
En parallèle, la TVA, longtemps première source de recettes fiscales, affiche une croissance plus modérée : +7,3 % entre septembre 2024 et 2025, contre +35 % sur la période 2021–2024. Ce ralentissement traduit :
- un reflux de la consommation des ménages dans un contexte d’inflation persistante ;
- un repli des importations taxables, lié à la décélération de la demande intérieure ;
- et un effet de base élevé après la forte reprise post-Covid.
Ce dépassement symbolique reflète une évolution structurelle du modèle fiscal marocain : la croissance des recettes dépend désormais davantage de la rentabilité des entreprises que de la consommation des ménages.
L’État voit ainsi se renforcer le poids des impôts directs (sur les bénéfices et les revenus) au détriment des impôts indirects (sur la consommation). Ce basculement, bien que positif pour les finances publiques à court terme, pose plusieurs questions de fond.