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CESE: Les exportations marocaines face à la Taxe carbone UE

Le présent avis du CESE, élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, porte sur l’impact du mécanisme
d’ajustement carbone aux frontières européennes (MACF)
sur les exportations marocaines. Il examine les
principaux enjeux liés à l’entrée en vigueur de ce mécanisme ainsi que les défis auxquels le pays est confronté et formule des recommandations permettant de s’adapter à cette nouvelle mesure réglementaire, de renforcer sa compétitivité et d’accélérer sa transition bas carbone. Il a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale du CESE, lors de sa 173ème session ordinaire tenue le 28 août 2025.

Le MACF constitue un des instruments majeurs du pacte vert européen, conçu en articulation avec le système d’échange de quotas d’émission (SEQE1) de l’Union européenne (UE). Il vise à prévenir les fuites de carbone et à garantir des conditions équitables de concurrence entre les industriels européens et ceux des pays tiers.
Son entrée en vigueur est prévue pour janvier 2026, avec une application initiale ciblant les secteurs à fortes émissions de GES (acier, aluminium, ciment, engrais azotés, hydrogène et électricité). En pratique, le MACF se traduit par une augmentation du prix des produits importés par l’UE, correspondant au coût des émissions de GES générées lors de leur production, équivalente à celle appliquée aux industriels européens dans le cadre du SEQE1.

Certains partenaires commerciaux de l’UE appréhendent, néanmoins, ce mécanisme comme
une barrière à l’accès au marché européen plutôt qu’un instrument de portée environnementale visant à
atteindre la neutralité carbone.
À court terme, l’impact du MACF sur le Maroc demeure limité, puisqu’il ne concerne qu’une faible part des exportations estimées par l’UE à 3,7 %, concentrées principalement sur les engrais.

Les entreprises concernées à date, principalement de grandes industries, sont déjà engagées dans des démarches de décarbonation ou alors disposent des moyens nécessaires pour s’adapter audit mécanisme.

Au-delà de 2026, l’UE prévoit d’étendre l’application du MACF à d’autres produits, aux émissions indirectes et aux produits en aval. Cette extension pourrait concerner un volume plus important d’exportations marocaines et partant affecter la compétitivité de secteurs-clés de l’économie nationale, tels que l’automobile, le tourisme, l’agriculture et l’aéronautique.
Il est à noter, par ailleurs, que certains partenaires commerciaux du Maroc ont d’ores-et-déjà commencé à
adopter des mécanismes similaires, ce qui est de nature à accentuer les pressions sur les exportations
nationales et impacter leurs niveaux de compétitivité.


Le Maroc poursuit depuis plusieurs années des politiques environnementales, énergétiques et industrielles ambitieuses, visant à développer une industrie décarbonée, à réduire les émissions de GES pour in fine atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Il s’appuie notamment sur la stratégie nationale bas carbone qui intègre des mesures spécifiques pour anticiper l’entrée en vigueur du MACF et en atténuer les effets sur les industries exportatrices. La stratégie prévoit, en outre, l’instauration progressive d’une taxe carbone nationale et le développement d’un marché national du carbone conforme aux normes internationales.


Parallèlement et depuis l’instauration du mécanisme, les pouvoirs publics avaient lancé diverses actions pour accompagner les industriels dans l’adaptation de leurs exportations aux nouvelles exigences techniques et environnementales. Le Maroc doit toutefois relever un ensemble de défis pour adapter au mieux son industrie aux exigences du MACF.

Certains chantiers structurants de la transition bas carbone, tels que l’élargissement de l’accès à
l’électricité renouvelable, en particulier en moyenne tension et la réduction de la dépendance aux énergies fossiles fortement émettrices de GES, progressent à un rythme qui ne permet pas encore d’être pleinement en phase avec les impératifs de compétitivité imposés par le mécanisme susvisé.

Par ailleurs, les coûts liés à la modernisation des outils de production pour intégrer des solutions bas carbone demeurent très élevés pour les industriels nationaux, s’agissant en particulier des PME. Celles-ci font également face à un manque patent de ressources humaines spécialisées dans la mesure des GES selon les standards européens.


Partant de ce constat partagé par les différentes parties prenantes, le Conseil souligne l’importance d’une
action intégrée et coordonnée visant à préparer efficacement les exportateurs nationaux aux exigences du
MACF, à accélérer la décarbonation des secteurs énergétique et industriel dans le cadre de la stratégie
nationale bas carbone, à mobiliser les financements nécessaires, à renforcer les capacités techniques et
institutionnelles du pays et à consolider la coopération internationale et régionale. La finalité cardinale est
de positionner le Maroc comme une base industrielle et d’exportation verte, pleinement alignée sur ses
engagements nationaux de réduction des émissions de GES. Pour ce faire, le CESE propose un ensemble de recommandations, dont il est permis de citer :

  • Instituer un dispositif national d’accompagnement du MACF, rassemblant l’ensemble des institutions
    concernées, en vue de garantir l’harmonisation des actions et la réactivité face aux évolutions futures du mécanisme.
  • Créer un fonds national de soutien et d’accompagnement des PME exportatrices vers l’UE, visant à :
    ✓ couvrir partiellement les dépenses liées à l’établissement de leurs bilans carbone ;
    ✓ soutenir leurs investissements pour la décarbonation de leurs installations industrielles et
    renforcer leur compétitivité sur le marché européen.
  • Mettre en place des cursus spécifiques pour le développement des compétences en calcul des bilans
    carbone, tant au niveau universitaire que dans la formation professionnelle et continue.
  • Accélérer le déploiement des énergies renouvelables sur l’ensemble du territoire et garantir l’accès à
    l’électricité verte pour toutes les entreprises, avec un suivi de traçabilité, en particulier au niveau de la moyenne tension.
  • Accélérer le déploiement de l’accès au gaz naturel pour les industries concernées par le MACF afin de réduire leur dépendance aux autres énergies fossiles, fortement émettrices de GES.
  • Engager rapidement des négociations avec l’UE pour obtenir l’accréditation européenne du système
    national de vérification des émissions de GES, afin de permettre aux exportateurs d’utiliser un dispositif national reconnu et partant de réduire leurs coûts.
  • Réaliser, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, des études approfondies sur les effets des différents outils de tarification carbone (taxe carbone ou système d’échange de quotas d’émission) afin d’anticiper leurs répercussions sur l’économie nationale et sur la compétitivité des exportations.
  • Développer, à moyen terme et en concertation avec les industriels nationaux, un système d’échange de quotas carbone au Maroc pour accélérer la décarbonation des secteurs énergétique et industriel, tout en mettant en place un mécanisme d’ajustement aux frontières pour garantir une concurrence équitable entre produits nationaux et importés.
  • Renforcer la coopération Maroc-Afrique pour développer une capacité régionale de négociation sur le MACF, afin de défendre les intérêts des pays africains à faible émission et de négocier un traitement différencié favorable (moratoire, taux spécifiques, etc.) pour leurs produits, conformément à l’article 2 de l’Accord de Paris et aux principes de transition juste.

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