Nestlé: Trois PDG en un an et encore une démission: que se passe-t-il?
Le groupe Nestlé, basé à Vevey (VD), ne trouve décidemment pas le repos et vit une véritable crise de leadership. Après le départ du CEO Laurent Freixe, qui a chuté à cause d’une liaison, Philipp Navratil est devenu le troisième patron en un an. Mardi, le président du conseil d’administration Paul Bulcke a également annoncé sa démission anticipée. Que se passe-t-il chez cette valeur autrefois sûre du paysage entrepreneurial suisse?
Une mentalité trop axée sur les actionnaires
Le plus grand producteur alimentaire mondial, fort de ses 159 ans d’histoire, était synonyme d’un moteur de croissance stable avec des marques comme Maggi, Nescafé et Nesquik. Mais depuis la guerre en Ukraine, l’action a perdu 31% de sa valeur.
Les difficultés remontent à l’arrivée, en 2017, du CEO germano-américain Ulf Mark Schneider, rappelle «The Economist». Il a d’abord marqué des points en cédant des divisions peu rentables du groupe sur l’eau, les glaces, ainsi que les soins de la peau. Mais il a aussi imposé une nouvelle philosophie.
«Au lieu de miser sur la croissance organique et l’amélioration progressive des marges, il s’est trop focalisé sur les actionnaires: réductions massives de coûts, rachats d’actions pour 53 milliards de francs et objectif de marge inhabituellement élevé pour Nestlé», analyse Patrik Schwendimann, de la Banque cantonale zurichoise. En clair, la valorisation boursière a fini par primer sur la rentabilité durable du groupe.
Les clients ont choisi des marques moins chères
Nestlé aurait, un temps, relégué au second plan le marketing et l’innovation produit. «Autrefois, la règle était claire: un produit Nestlé devait l’emporter lors des tests consommateurs à l’aveugle», rappelle Patrik Schwendimann. Or, malgré un budget plus élevé consacré à la recherche et au développement de l’industrie alimentaire mondiale, les résultats n’ont pas suivi.
Avec la guerre en Ukraine, Schneider a dû affronter une flambée des coûts des matières premières, des chaînes d’approvisionnement perturbées, la hausse des taux d’intérêt et un recul de la consommation. Sa réponse: augmenter les prix. Mais cette stratégie a poussé une partie des clients vers des marques moins chères.
Les scandales de Nestlé
La situation a empiré avec une série de scandales: vente d’aliments pour bébés trop sucrés dans les pays émergents, pratiques interdites de purification d’eau minérale et, surtout, le drame des pizzas surgelées Buitoni contaminées à l’E. coli, qui a coûté la vie à deux enfants.
Face à cette crise, le président du conseil Paul Bulcke a écarté Schneider au profit de Laurent Freixe, vétéran du groupe chargé de redorer l’image de Nestlé. Mais ses liaisons ont rapidement créé de nouvelles turbulences. Le fait que Freixe, et bientôt Bulcke, soient partis pourrait donc être une chance pour Nestlé, estime Patrik Schwendimann.
Un tandem qui doit ramener le calme
Le futur président du conseil, Pablo Isla, ex-patron d’Inditex (Zara), apporte une solide expérience internationale. Quant au nouveau CEO, Philipp Navratil, 49 ans, il connaît parfaitement la maison après plus de vingt ans passés chez Nestlé.
Ce tandem pourrait parvenir à rapidement ramener le calme, selon l’analyste. D’autant que la situation du groupe reste solide. Les comparaisons avec Credit Suisse sont jugées abusives: «Nestlé reste un bastion, avec d’importantes réserves au bilan et des positions de numéro un ou deux sur la plupart des marchés.»
20min.ch

AFP