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NARSA face au “motard cool”, près d’un mort sur deux

Le directeur général de la NARSA, Nasser Boulaajoul, a dévoilé, lundi à Rabat, le programme d’urgence de sécurité routière pour l’été 2025, axé sur la prévention, la répression et la veille opérationnelle.

La NARSA alerte sur la forte exposition des motocyclistes, qui représentent désormais 43,2 % des décès routiers au Maroc (janvier–mai 2025). Rappel : en 2024, les accidents corporels ont bondi de +16,2 %, avec 4.024 décès, dont plus d’un sur quatre concerne un piéton et près d’un sur deux un motocycliste.

Ce chiffre inquiétant coïncide avec des importations massives de motocyclettes chinoises puissantes et bon marché, souvent mal encadrées peu contrôlées et mal utilisées.

Les importations de cycles, motocycles et leurs pièces détachées ont enregistré une hausse spectaculaire de 78,7 % 681 millions de dirhams à fin mars 2025, atteignant +300 millions de dirhams (MDH) supplémentaires par rapport à la même période en 2024.

Cette évolution traduit une forte demande sur le marché national, probablement stimulée par :

  • La croissance de la mobilité individuelle en zones urbaines , périurbaines, et rurales,
  • L’essor du commerce électronique et de la livraison à domicile,
  • Et un intérêt croissant pour les moyens de transport à deux roues, parfois électriques.

… mais à haut risque pour la sécurité routière

Les deux-roues sont parmi les usagers les plus vulnérables sur la route :

Taux élevé d’accidents mortels : Les motocyclistes sont surreprésentés dans les statistiques d’accidents.

Faible protection physique : Contrairement aux automobilistes, ils n’ont pas de carrosserie protectrice.

Manque de formation : Dans certains pays comme au Maroc, l’accès à une moto se fait sans formation ni permis rigoureux.

Facteurs aggravants:

  • Non-port du casque 
  • Surcharge des motos (transport de plusieurs personnes ou de marchandises).
  • Conduite imprudente ou non respect du code de la route.
  • Éclairage ou freins défectueux sur des véhicules mal entretenus.

La NARSA peut-elle vraiment ancrer une culture de conduite responsable chez les motocyclistes, face à l’anarchie croissante des générations Z et Alpha ?

La réponse courte : pas sans une stratégie profondément révisée, multisectorielle et durable.

Ce qui va dans le bon sens : Le programme d’urgence estival 2025 est plus offensif que par le passé : contrôle technique, radars, campagnes ciblées, sanctions renforcées. Le focus sur les deux-roues est enfin assumé, avec des mesures spécifiques pour les motocyclistes. La NARSA développe des outils pédagogiques nouveaux (caravanes, ateliers, simulations), adaptés au terrain.

Mais les obstacles sont profonds :

  1. Explosion incontrôlée du parc moto, dopée par l’importation de modèles chinois puissants, souvent sans normes ni immatriculation.
  2. Générations Z et Alpha baignées dans une culture de vitesse, de défi et de visibilité sur réseaux sociaux, avec très peu de rapport à l’autorité ou à la sanction.
  3. Permis souvent absent, casque négligé, pas de formation à la sécurité routière dès l’école.
  4. Effet d’impunité massif dans les grandes villes : peu de contrôles réels, peu de confiscations, peu de suivi.
  5. Urbanisme non adapté : absence de voies pour motos, conflits avec piétons et voitures, espaces publics chaotiques.

Donc, pour espérer ancrer durablement une culture de conduite responsable :

  • Il faut lier sécurité routière et réforme éducative (intégrer la sécurité dans les écoles dès le collège).
  • Instaurer un permis progressif pour deux-roues, même en dessous de 50 cc.
  • Encadrer l’importation de motos rapides et imposer des normes techniques strictes.
  • Travailler pour réorienter l’image du “motard cool” vers celle du “motard vivant”.
  • Impliquer les collectivités locales, les marques de motos, les plateformes de livraison, les auto-écoles, etc.

Conclusion : La NARSA seule ne pourra pas inverser la tendance. Il faut une stratégie nationale de transformation culturelle, avec des leviers économiques, éducatifs, technologiques et médiatiques. Sans cela, la génération Z pilotera sa propre mise en danger — sans frein, ni casque, ni conscience.

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