
Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes
Lors du précédent entretien, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des dispositions de la règlementation des changes régissant les comptes en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance.
Les explications fournies nous ont permis de comprendre les modalités de fonctionnement de ces comptes.
Ces modalités soulèvent bien entendu des questionnements concernant leurs pertinences.
Ce sujet fera l’objet du présent entretien.
Quel regard portez-vous sur les dispositions de la règlementation des changes régissant les comptes en devises « investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance » ?
A mon avis, le régime des comptes en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance n’a pas de raison d’être.
Pourquoi ?
Car le régime précité gagnerait à être intégré dans un régime unifié de comptes en devises ouverts au nom des entités résidentes.
Ce régime unifié sera destiné à faciliter la réalisation par les entités résidentes des opérations courantes et en capital librement réalisables en vertu de la règlementation des changes.
Cette configuration réglementaire aura pour implication qu’il ne sera plus nécessaire de prévoir un régime particulier intitulé « comptes en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance».
Mais comment ce compte uniforme en devises doit-il fonctionner concrètement ?
Ce compte sera appelé à enregistrer au crédit toutes les opérations courantes ou en capital librement réalisables en vertu de la règlementation des changes en vigueur.
De même, il devra enregistrer au débit toutes les opérations courantes ou en capital librement réalisables en vertu de la règlementation des changes en vigueur.
Bien entendu, ce compte doit enregistrer également les opérations d’achat d’autres devises, les opérations de cession de devises sur le marché des changes et les frais de tenue de compte.
Est-ce que cette proposition ne risque-t-elle pas de créer un vide juridique ?
Non , en fait toutes les opérations pouvant être enregistrées au crédit des comptes en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurancesont des opérations prévues par d’autres articles de l’IGOC-24.
Cela signifie que ces opérations peuvent être effectuées librement selon les modalités prévues par l’IGOC-24.
Par conséquent, la disposition « les comptes en devises des résidents peuvent enregistrer au crédit toutes les opérations courantes ou en capital librement réalisables en vertu de la règlementation des changes en vigueur » sera susceptible de permettre aux titulaires de ces comptes, en l’occurrence les sociétés d’assurance et de réassurance , d’enregistrer librement les opérations précitées dans leurs comptes.
Quid des opérations pouvant être enregistrées au débit des comptes en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance » ?
Si j’ai bien compris, votre question est : est-ce que les opérations pouvant être enregistrées au débit des comptes en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance» sont parfaitement intégrables dans le compte en devises uniforme proposé ?
Absolument
Oui, les dispositions relatives aux opérations pouvant être enregistrées au débit des comptes en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance» sont parfaitement intégrables dans le compte en devises des résidents uniforme proposé.
En effet, ce régime de compte en devises des résidents proposé est un compte destiné à enregistrer au débit les opérations suivantes :
-Les opérations courantes ou en capital librement réalisables en vertu de la règlementation des changes en vigueur ;
-Les opérations d’achat d’autres devises ;
– Les opérations d’achat de devises sur le marché de change.
-Les frais de tenue de compte.
Ces opérations englobent bien entendu celles prévues par le compte en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance».
En effet, les opérations courantes ou en capital librement réalisables en vertu de la règlementation des changes en vigueur englobent naturellement deux opérations parmi celles citées au débit des comptes en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance , à savoir :
-Les règlements afférents aux opérations d’investissement et placement des sociétés d’assurances et de réassurance telles que définies par l’article 176 de l’IGOC-24 ;
– Les règlements relatifs aux instruments de couverture effectués conformément aux dispositions de l’IGOC-24.
Quant aux deux autres opérations prévues en matière de débit du « compte en devises des résidents uniforme » proposé, elles sont presque identiques à celles prévues actuellement en matière de débit du compte en devises au titre des investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance.
Est-ce que le régime de compte uniforme en devises ne risque-t-il pas d’avoir un impact négatif sur les réserves de change du Maroc ?
Non, ce compte est neutre en matière d’impact sur les avoirs de réserve, et ce, pour les deux principales raisons suivantes :
-D’une part, les devises logées dans lesdits comptes sont des devises confiées par des entités résidentes (les entités appelées à effectuer des opérations courantes ou en capital) à des entités résidentes (les banques marocaines).
-D’autre part, les opérations susceptibles d’être effectuées à partir desdits comptes sont des opérations déjà libres sur le plan de la règlementation des changes (ces comptes n’offrent aucun avantage particulier en matière de régime convertibilité à leurs titulaires).
Par conséquent les devises logées dans lesdits comptes restent dans le marché des changes marocain.