
Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes
Les dispositions de la règlementation des changes régissant les comptes en devises englobent seize catégories de comptes.
La première catégorie consiste dans les comptes en devises ouverts par les banques auprès de leurs correspondants à l’étranger.
Cette catégorie de régimes de comptes en devises a fait l’objet du précédent entretien avec.Bakkou.
Dans le présent entretien, nous allons interroger l’économiste au sujet de la deuxième catégorie de régimes des comptes en devises , à savoir ceux détenus par les exportateurs de biens et de services.
Quelles sont les modalités de fonctionnement des comptes en devises des exportateurs de biens et de services ?
Les modalités de fonctionnement des comptes en devises des exportateurs de biens et de services consistent en un certain nombre d’opérations pouvant être enregistrées au crédit et au débit de ces comptes.
Quelles sont les opérations pouvant être enregistrées au crédit de ces comptes ?
-70%, au maximum, des recettes d’exportation rapatriées y compris le paiement du crédit acheteur accordé par une banque marocaine et les remboursements en principal du crédit fournisseurs, diminuées, le cas échéant, des réductions de prix et des commissions à l’exportation prélevées à la source ou par voie de transfert.
Ce taux peut être porté à 85% pour les sociétés relevant du secteur des industries aéronautiques et spatiales immatriculées auprès de l’Office des Changes conformément aux dispositions de l’article 17 de l’IGOC-24, ainsi que pour les opérateurs catégorisés par l’Office des Changes conformément aux dispositions de l’article 17 bis de l’IGOC-24 .
Les devises rapatriées et n’ayant pas fait l’objet d’une alimentation du compte en devises, peuvent être portées au crédit du compte ouvert auprès de la banque ayant reçu les fonds, dans la limite des taux susvisés et ce, dans un délai maximum d’un an à compter de la date de cession des devises sur le marché des changes ;
-Les sommes provenant d’un autre compte en devises ou en dirhams convertibles ouvert au nom du même exportateur ;
-Les montants initialement débités du compte au titre d’annulation de règlements en partie ou en totalité ;
-Les sommes prélevées pour couvrir des dépenses au Maroc. Ces sommes peuvent être re-créditées au compte de l’exportateur dans un délai maximum d’une année à compter de la date de leurs prélèvements ;
-70% de la valeur de la facture, encaissée en billets de banque étrangers ,et ce, sur présentation de la facture correspondante et de l’original de la déclaration douanière souscrite à l’occasion de l’importation des billets de banque étrangers datée de moins de 30 jours. Cette déclaration doit être annotée par la banque ayant reçu les billets de banque à hauteur des montants encaissés. Ladite banque est tenue de conserver une copie de la déclaration annotée pour les besoins du contrôle ;
-Versement des devises billets de banque prélevées et non utilisées suite à l’annulation de voyages professionnels, dans un délai de 30 jours à compter de la date de prélèvement des devises, et ce, sur présentation du passeport justifiant que le bénéficiaire de la dotation n’a pas quitté le territoire national ;
-Versement du reliquat des devises billets de banque prélevées et non utilisées au titre de voyages professionnels réalisés, dans un délai de 30 jours à compter de la date d’entrée sur le territoire national ,et ce, sur présentation de la déclaration douanière souscrite au bureau douanier d’entrée. Le reliquat des devises non-utilisées et ne pouvant être justifié par une déclaration d’importation doit être cédé dans le même délai à une banque ou à un opérateur de change manuel ;
-Les intérêts sur les dépôts à vue.
Pourriez-vous nous éclairer davantage au sujet des opérations citées ci-dessus ?
La première opération concerne le montant des fonds pouvant être logés dans les comptes en devises des exportateurs.
Ces montants ne doivent pas dépasser 70% des recettes encaissées au titre d’une opération d’exportation.
Autrement dit , si un exportateur encaisse un montant en devises au titre d’une opération d’exportation, il peut loger 70% au maximum de ce montant dans son compte en devises ouvert auprès d’une banque marocaine . Quant au reliquat, il doit obligatoirement le céder sur le marché des changes.
Ce taux peut être porté à 85% pour les sociétés relevant du secteur des industries aéronautiques et spatiales immatriculées auprès de l’Office des Changes , ainsi que pour les sociétés catégorisées par l’Office des Changes.
Mais en lisant la première opération indiquée ci-dessus, il y est mentionné que les recettes d’exportation rapatriées comprennent également le paiement du crédit acheteur accordé par une banque marocaine et les remboursements en principal du crédit fournisseurs. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Oui en effet, lorsqu’une banque marocaine accorde un crédit au client non-résident d’un exportateur marocain, cette banque verse dans ce cas le montant correspondant en dirhams à l’exportateur marocain, ce dernier pourra convertir une partie de ce montant en devises et le loger par la suite ces devises dans son compte en devises, et ce, dans la limite de 70 % des recettes générées par l’opération d’exportation concernée.
De même, lorsqu’un exportateur accorde un crédit à son client non-résident, dans ce cas, cet exportateur pourra loger les montants au titre des remboursements en principal , et ce, dans la limite de 70 % des recettes générées par l’opération d’exportation concernée..
Pourriez-vous nous éclairer davantage sur la deuxième opération ?
La deuxième opération concerne toujours les fonds pouvant être logés dans les comptes en devises des exportateurs.
Ces fonds englobent ceux provenant d’un autre compte en devises ou en dirhams convertibles ouvert au nom du même exportateur.
Cette disposition autorisant les exportateurs détenteurs de comptes en devises à effectuer des virements d’un compte en devises vers un autre compte en devises est logique.
En effet, puisque l’exportateur est autorisé ,en vertu de l’article 66 de l’IGOC-24, à détenir plusieurs comptes en devises, donc cela va de soi que cette instruction lui permet d’effectuer des virements d’un compte vers un autre compte.
Et pourquoi un exportateur peut –il être amené à détenir plusieurs comptes en devises ?
Chaque compte en devises est libellé dans une devise donnée. Or, il arrive qu’un exportateur génère des recettes en différentes devises (par exemple en USD, en euro, etc.) et que ce même exportateur est appelé à effectuer des dépenses en ces mêmes devises.
Ces dépenses prévisibles en devises exposent cet exportateur à des risques inhérents aux fluctuations défavorables des cours de change.
Cela explique pourquoi la règlementation des changes autorise les banques marocaines à détenir plusieurs comptes en devises au nom d’un même exportateur.
Quid de la troisième opération indiquée ci-dessus ?
La troisième opération concerne toujours les fonds pouvant être logés dans les comptes en devises.
Ces fonds englobent les montants initialement débités du compte au titre d’annulation de règlements en partie ou en totalité.
Cette opération signifie que lorsqu’un exportateur effectue un paiement à partir de son compte en devises pour la réalisation d’une transaction économique donnée(une importation de marchandises par exemple) et que cette transaction est annulée (par exemple non-conformité de la marchandise importée aux spécifications définies dans le contrat commercial), dans ce cas l’exportateur est autorisé par la règlementation des changes à réalimenter son compte en devises par le montant précédemment viré pour le paiement de cette transaction annulée.
Pourriez-vous nous éclairer davantage sur la quatrième opération ?
La quatrième opération concerne les montants initialement débités du compte pour couvrir des dépenses au Maroc.
Cette opération signifie que le droit à l’alimentation de comptes en devises par les recettes en devises au titre d’une opération d’exportation est sauvegardée pendant une période d’une année.
Pour mieux illustrer cela, prenons l’exemple d’un exportateur ayant encaissé le premier février 2025 une somme en devises au titre d’une opération d’exportation, par virement bancaire dans son compte en devises.
Cet exportateur aura la possibilité de céder cette somme sur le marché des changes et de réalimenter son compte en devises par un montant équivalent à cette somme dans un délai d’un an.
Quid de la cinquième opération. Pourriez-vous nous expliquer davantage cette opération ?
La cinquième opération concerne toujours les fonds pouvant être logés dans les comptes en devises des exportateurs.
Ces fonds englobent en effet, en sus des recettes encaissées par virement bancaire (la première opération indiquée ci-dessus), les recettes encaissées en billets de banque étrangers (facture encaissée en billets de banque étrangers).
Bien entendu, pour que la banque accepte de loger ces devises dans le compte en devises, elle doit se faire remettre par l’exportateur le document justifiant que lesdites devises ont été importées de l’étranger ( déclaration douanière souscrite à l’occasion de l’importation des billets de banque étrangers).
La sixième et la septième opérations portent sur des opérations spécifiques concernant les voyages professionnels. Pourriez-vous nous expliquer davantage ces opérations ?
La sixième et la septième opérations concernent toujours les fonds pouvant être logés dans les comptes en devises des exportateurs.
Ces fonds englobent les devises en billets de banque précédemment prélevées dudit compte et non utilisées, soit partiellement au cours de voyages professionnels réalisés, soit totalement en cas d’annulation de voyages professionnels.
La dernière opération porte sur les intérêts sur les dépôts à vue.
Bien entendu, comme il s’agit de comptes ouverts réellement auprès de banques étrangères (le correspondant étranger de la banque marocaine), ces comptes sont appelés à générer des taux d’intérêt, qui peuvent par conséquent être portés au crédit desdits comptes.