
Une forme juridique en perte de vitesse
Entre 2017 et 2023, le paysage entrepreneurial marocain a connu des mutations importantes, notamment dans le choix des formes juridiques. Les Sociétés Anonymes (SA), longtemps considérées comme la structure de référence pour les grandes entreprises, voient leur poids s’éroder progressivement au fil des années.
Une érosion continue entre 2017 et 2023
Selon le rapport annuel de l’Observatoire Marocain de la TPME (OMTPME), le nombre de SA existantes est passé de 9 174 en 2017 à 8 118 en 2023, soit une baisse de 11,5 %. Cette diminution constante reflète une tendance structurelle : la désaffection progressive pour un modèle devenu trop rigide, au profit de formes plus flexibles.
Créations : un renouvellement trop faible pour enrayer le recul
Malgré quelques fluctuations, les créations de SA restent faibles : entre 140 et 183 créations par an, soit un taux de renouvellement moyen situé autour de 1,6 à 2 % du stock d’entreprises.
Cela témoigne d’un manque d’attractivité de la SA pour les entrepreneurs :
- Capital social minimum élevé (300 000 DIRHAMS ),
- Gouvernance lourde (conseil d’administration, direction générale…),
- Contraintes réglementaires (commissaire aux comptes, AG obligatoires…).
Des disparitions en hausse : l’érosion se confirme
Le nombre d’entreprises SA disparues chaque année ne cesse d’augmenter :
Année | Créations | Disparitions |
---|---|---|
2018 | 183 | 262 |
2019 | 160 | 371 |
2020 | 140 | 279 |
2021 | 149 | 285 |
2022 | 153 | 383 |
2023 | 149 | 410 |
Le pic de disparitions en 2023 (410 entreprises) est révélateur. Même si les créations se maintiennent autour de 150 par an, elles ne suffisent pas à compenser les pertes, ce qui contribue à la réduction continue du stock total.
Ces disparitions peuvent s’expliquer par :
- des cessations d’activité (notamment pour les entreprises vieillissantes),
- des fusions et absorptions,
- des transformations juridiques (ex : passage de SA à autres formes).
Des taux de survie élevés mais peu rassurants
Le taux de survie apparent des SA reste élevé, situé entre 95 et 97 % selon les années. Cela montre que les SA sont, en moyenne, des structures stables et résistantes.
Mais ce chiffre masque une réalité plus préoccupante : le stock total d’entreprises diminue malgré cette bonne tenue, à cause d’un manque de renouvellement.

Le basculement vers les formes plus souples
La SARL-AU (Société à Responsabilité Limitée à Associé Unique) connaît une croissance remarquable entre 2017 et 2023. Sa part dans les entreprises personnes morales actives est passée de 22,1 % à 40,5 %, soit une progression de plus de 18 points en six ans. Entre 2017 et 2023, la SARL-AU (Société à Responsabilité Limitée à Associé Unique) a connu une croissance spectaculaire, passant de 58 441 entreprises en 2017 à 141 593 en 2023. Cela représente une hausse de +142 % en seulement six ans, soit un quasi-triplement du nombre d’entreprises
Longtemps dominante dans le paysage entrepreneurial marocain, la SARL (Société à Responsabilité Limitée) voit sa part relative décliner de manière continue. En 2017, elle représentait 70,2 % des entreprises personnes morales actives (EPMA), contre seulement 54,1 % en 2023, soit une baisse de 16,1 points de pourcentage. Cette érosion s’explique moins par une disparition massive des SARL que par la progression rapide d’autres formes juridiques, notamment la SARL-AU . En effet, si le nombre absolu de SARL reste relativement stable (de 185 731 à 189 315 entre 2017 et 2023), leur poids dans l’ensemble du tissu économique diminue
Vers la marginalisation de la SA ?
La Société Anonyme apparaît aujourd’hui comme un modèle de gouvernance dépassé, trop contraignant dans un environnement économique où la flexibilité juridique et la réactivité sont devenues des priorités.
- Les SA existantes perdurent, mais sont de moins en moins remplacées.
- La concentration du tissu SA autour d’entreprises anciennes accentue les risques d’un déclin structurel à long terme.
Le constat est sans appel : à moins d’une réforme profonde du statut, la SA est en voie de marginalisation dans le tissu économique marocain. AB