
La combinaison d’un endettement en hausse et de taux durablement élevés pose la question de la soutenabilité du crédit à la consommation. Au premier trimestre 2025, l’encours des crédits à la consommation atteint 58,8 milliards de dirhams, poursuivant sa progression malgré un contexte de taux débiteurs élevés (7,13 %). Ce niveau reste supérieur à celui observé en 2021, soit 6,47% (55,3 Mds dhs ), traduisant une certaine résilience de la demande des ménages face au durcissement des conditions de financement.
Après une stabilisation en 2022, l’encours est reparti à la hausse en 2023 (+0,8 Md dhs), puis en 2024 (+0,6 Md dhs au T1), malgré une forte remontée des taux en 2023, à 7,18 %, conséquence directe de la politique monétaire restrictive menée par Bank Al-Maghrib pour contenir l’inflation.
Cette dynamique interroge. En effet, la demande de crédits à la consommation reste soutenue, malgré un contexte de taux plus élevés depuis 2023. Plus encore, les variations de taux ne semblent pas avoir un impact direct à court terme sur les encours, ce qui peut traduire un besoin structurel de financement des ménages, ou une faible élasticité au coût du crédit. Cela suggère aussi un déphasage entre la politique monétaire et la dynamique de crédit, voire des comportements d’anticipation.

Du coup, la baisse des taux au 4é trimestre 2024 (6,99 %) n’a pas entraîné de rebond spectaculaire de la demande, mais la hausse à nouveau au 1ér trimestre 2025 (7,13 %) n’a pas non plus freiné l’expansion des encours, ce qui suggère une forme de désensibilisation aux hausses de taux à court terme.
Un comportement confiant des ménages
Pour plus de détails, le crédit à la consommation affiche une progression soutenue depuis fin 2022, avec une croissance en glissement annuel avoisinant les 20 % début 2025. La consommation des ménages en tête de course!
Entre 2017 et 2024, le total des nouveaux crédits automobiles au Maroc a bondi de 83,3 %, passant de 9,6 à 17,6 milliards de dirhams.
Ce rythme élevé, relativement stable sur la période observée, témoigne d’un appétit marqué des ménages pour le financement de biens et services à court terme. Il pourrait aussi traduire une certaine résilience de la demande intérieure, dans un contexte post-crise. Les ménages poursuivent leur recours au crédit, malgré des taux relativement stables ou élevés, portés par une forte demande de consommation.
Les crédits à la consommation ont affiché une croissance continue et dynamique, dépassant les 15 % en glissement annuel depuis mi-2023, atteignant près de 20 % début 2025. Cette évolution s’est opérée sans baisse significative des taux débiteurs, qui ont au contraire connu des variations cycliques mais sans tendance baissière franche.
Cela reflète un regain de confiance des ménages et peut-être une reprise de la consommation intérieure. Pour autant, l’analyse de l’évolution du crédit bancaire, selon les dernières données de Bank Al-Maghrib, met en lumière une dynamique contrastée entre une normalisation progressive du marché du crédit à la consommation, après plusieurs années d’instabilité, et les tensions sur le pouvoir d’achat : certains ménages ont recours au crédit pour maintenir leur niveau de vie, plutôt que pour accroître leur consommation.
L’évolution des prêts personnels reflète aussi l’érosion du pouvoir d’achat
Le marché des prêts personnels reste donc un indicateur sensible du climat de confiance et de la santé financière des ménages marocains. Les prêts personnels ont significativement augmenté entre 2017 et 2024, soit près de 50%.
Dans un contexte de hausse des prix et de ralentissement des revenus réels, de plus en plus de ménages marocains ont recours au crédit non pas pour consommer davantage, mais pour maintenir leur niveau de vie.
Entre 2019 et 2024, ce marché a connu une trajectoire irrégulière, marquée par une chute brutale en 2020 due à la crise sanitaire, suivie d’un fort rebond en 2021. Après deux années de quasi-stagnation (2022–2023), le total des nouveaux crédits repart à la hausse en 2024 (+8,6 %), atteignant 7,86 milliards de dirhams.
L’augmentation progressive des encours de prêts personnels depuis 2021 peut également être interprétée comme le signe d’une pression croissante sur le budget des ménages. En effet, dans un contexte de hausse des prix et de ralentissement des revenus réels, de plus en plus de ménages marocains ont recours au crédit non pas pour consommer davantage, mais pour maintenir leur niveau de vie.
Risque de surendettement élevé
En phase avec un contexte économique prudent et un environnement monétaire resserré, une augmentation trop rapide peut aussi être un signe de risque d’endettement excessif. Preuve : Contrairement aux autres catégories, le total des nouveaux crédits revolving a fortement diminué entre 2017 et 2024. Il a chuté de 53, 52% à 33 millions dirhams. Les crédits revolving, de par leur nature sont considérés comme présentant un risque plus important de surendettement pour les consommateurs. Les institutions financières sont de plus en plus sensibilisées à cette problématique, tant par souci éthique que par les exigences réglementaires.
En effet, l’Encours brut (montant total restant dû par les consommateurs) des crédits revolving a connu une augmentation très significative, soit 93,67% à 306 millions de dirhams entre 2017 et 2024.
Bref, pour préserver la stabilité financière tout en soutenant les ménages, il est important de renforcer le suivi du risque d’endettement, et d’agir sur le pouvoir d’achat via des mesures ciblées. Un suivi macroéconomique étroit reste également essentiel pour anticiper les déséquilibres.
