Jorge Leon: «L’OPEP+ vient de lancer une bombe sur le marché pétrolier»

Huit pays membres de l’OPEP+ ont annoncé samedi une forte hausse de production de pétrole pour le mois de juin, accélérant le rythme de réouverture des vannes au risque de plomber des cours déjà très bas.
L’Arabie saoudite, aux côtés de la Russie et de six autres membres du cartel, vont sortir de terre 411’000 barils par jour, comme en mai, selon un communiqué, alors que le plan de réintroduction initial prévoyait une augmentation de seulement 137’000 barils.
«L’OPEP+ vient de lancer une bombe sur le marché pétrolier»
Jorge Leon, de Rystad Energy.
«Après le signal du mois dernier, la décision d’aujourd’hui envoie un message clair: le groupe change de stratégie et cherche à regagner des parts de marché après des années de coupes», poursuit-il. Un revirement qui permet aussi de «tisser de bonnes relations avec les États-Unis de Donald Trump», selon l’analyste.
Peu après sa prise de fonctions, le président américain avait demandé à l’Arabie saoudite de produire davantage pour faire baisser les prix de l’or noir.
«Punir les tricheurs»
Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), menée par Riyad, et leurs alliés conduits par Moscou, ont noué en 2016 un accord appelé OPEP+ pour mieux peser sur le marché. Ces 22 pays, pour la plupart très dépendants de la manne pétrolière, jouaient jusqu’à récemment sur la raréfaction de l’offre pour doper les prix, gardant en réserve des millions de barils.
Après avoir repoussé à plusieurs reprises la réintroduction de ces volumes, ils ont enclenché début avril le processus et appuient désormais sur l’accélérateur.
Une telle hausse de la production, en dépit de prix déjà très faibles sur le marché – autour de 60 dollars le baril – peut avoir pour objectif de «punir les tricheurs» parmi les membres de l’OPEP+, ceux «qui ne respectent pas leurs quotas», estime Arne Lohmann Rasmussen, de Global Risk Management.
Cours au plus bas depuis 2021
Ces dissensions internes n’expliquent cependant pas à elles seules la décision de l’OPEP+, qui peut aussi être motivée par la volonté d’anticiper les potentielles évolutions géopolitiques.
Car si les discussions sur le nucléaire iranien et la recherche d’un cessez-le-feu durable entre la Russie et l’Ukraine aboutissent, les États-Unis pourraient assouplir leurs sanctions contre Moscou et Téhéran, permettant l’exportation de nouveaux barils.
Dans ce contexte, l’OPEP+ préfère avancer ses pions en augmentant sa production rapidement. Cette stratégie pourrait cependant accentuer le repli des cours de l’or noir, de quoi mettre en danger aussi les acteurs américains du secteur. La production ne serait plus rentable pour eux «en dessous de 55 dollars sur une période prolongée», explique Ole Hvalbye, analyste chez SEB. Il se pourrait donc que l’Arabie saoudite soit en train de «tester» l’influence qu’elle a sur les cours, pour envoyer au marché le signal qu’elle «peut produire quel que soit le prix».
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier a marqué un tournant pour les cours. Le baril, qui s’échangeait autour des 80 dollars, a dégringolé depuis en raison de l’assombrissement des perspectives économiques.
La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, les deux principaux consommateurs de pétrole, a notamment contribué à réduire les prévisions de demande, provoquant une chute des prix à des niveaux plus connus depuis février 2021. agences