
Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes,
Lors du précédent entretien, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet de son avis sur les dispositions de la règlementation des changes régissant les conditions de réalisation des opérations d’investissement à l’étranger.
En réponse, Bakkou a indiqué que ces conditions soulèvent deux principales remarques.
La première remarque concerne la condition relative à l’obligation de paiement des opérations d’investissement à l’étranger dans la limite de montants bien déterminés. Cette question a été traitée lors du précédent entretien.
Quant à la seconde remarque, elle concerne la condition relative à l’obligation d’accomplissement de certaines formalités par les personnes concernées par lesdites opérations auprès des banques. Cette question fera l’objet du présent entretien.
Vous avez lors du précédent entretien affirmé que les formalités documentaires bancaires régissant les opérations d’investissement à l’étranger soulèvent quelques remarques de votre part. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Les formalités documentaires bancaires prévues en matière d’opérations d’investissement à l’étranger consistent en un ensemble de documents justificatifs devant être remis aux banques, préalablement à l’exécution par ces dernières, des paiements au titre des opérations précitées.
Ces documents, tels que définis par l’article 169 de l’Instruction Générale des Opérations de Change-24(l’IGOC-24), sont les suivants :
-Une fiche comportant des informations sur la personne morale résidente et sur l’investissement à réaliser à l’étranger , établie par l’investisseur conformément au modèle joint en annexe 5 de l’ IGOC-24, accompagnée, le cas échéant, des contrats de prêts et/ou d’avances en compte courant d’associés ;
-Le « plan d’affaires » de l’investissement à réaliser ;
-L’engagement avoirs à l’étranger signé et légalisé par les autorités compétentes, établi conformément au modèle joint en annexe 6 de l’IGOC-24 ;
– Le budget de fonctionnement lorsque l’investissement porte sur des bureaux de liaison, de représentation ou de succursales ;
– Une attestation émanant d’un commissaire aux comptes certifiant « sans réserve » la comptabilité de l’investisseur, au titre de l’exercice précédant l’année où l’investissement sera réalisé.
Ces documents doivent à mon avis être allégés.

Vous dites ci-dessus que ces documents doivent être allégés. Cela signifierait-il que certains documents doivent être supprimés ?
Pour mieux répondre à votre question, il est nécessaire de faire un rappel de la logique implicite globale adoptée par l’IGOC-24 en matière de conception des formalités documentaires bancaires.
Cette logique est fondée, comme je l’avais expliqué lors des précédents entretiens, sur le principe de « l’effectivité présumée ».
Ce principe symbolise l’idée que les documents devant être remis aux banques, préalablement à la remise par ces dernières de devises aux personnes concernées, sont des documents qui attestent « l’effectivité présumée » des opérations et non pas leurs « effectivités réelles ».
L’expression « effectivité présumée » est utilisée de manière délibérée pour mieux illustrer la différence qui existe entre l’effectivité des paiements en devises au titre des marchandises importées au Maroc et l’effectivité des paiements en devises au titre des autres opérations librement réalisables en vertu de la règlementation des changes.
En effet, pour les paiements relatifs aux marchandises importées au Maroc, leur effectivité n’est pas présumée, mais réelle, et ce, en raison du fait que la valeur des marchandises qui rentrent au Maroc a été préalablement vérifiée par l’Administration des Douanes et Impôts Indirects au moment de l’entrée des marchandises au Maroc.
Ceci n’est pas le cas de la majorité des paiements en devises relatifs aux opérations librement réalisables en vertu de la règlementation des changes ( importations de marchandises avant l’entrée sur le territoire national, importations de services, etc.).
Ces paiements donnent lieu au transfert de devises sans contrepartie réelle prouvée, puisqu’elle n’existe aucune entité en charge de la vérification de la valeur de ces opérations préalablement à la livraison de devises par les banques, comme il est indiqué ci-dessus.
En effet, la vérification de l’effectivité s’opère, dans ce genre d’opérations, à postériori, à l’occasion des contrôles éventuels effectués par l’autorité en charge de cette question.
Ainsi, les éléments présentés ci-dessus suggèrent que le critère adopté par la règlementation des changes en matière de livraison de devises destinées à la réalisation de bon nombre d’opérations économiques internationales est celui de « l’effectivité présumée ».
Ce critère peut être appliqué aux opérations relatives aux investissements à l’étranger selon des modalités plus « smart » que celles adoptées actuellement.
Comment ?
En principe, les documents devant être remis aux banques préalablement à la réalisation d’une opération économique donnée doivent être conçus de façon à attester autant que possible l’effectivité réelle ou à défaut celle présumée expliquée ci-dessus.
Dans le cas d’espèce, les documents devant être remis aux banques doivent attester qu’il s’agit d’une opération d’investissement à l’étranger qui correspond à la définition de l’article de l’IGOC-24, c’est-à-dire une opération réalisée par une personne morale inscrite au registre de commerce( dans un secteur en rapport avec l’activité de la personne morale résidente concernée) , ayant au moins trois années d’activité et ayant une comptabilité certifiée par un commissaire aux comptes .
Pour la mise en œuvre de cet objectif, les banques doivent en principe exiger deux principaux documents.
Le premier document est un document qui atteste que l’entité qui envisage d’effectuer l’investissement à l’étranger est une personne morale inscrite au registre de commerce ayant au moins trois années d’activité et ayant une comptabilité certifiée par un commissaire aux comptes.
Ce document consiste dans l’attestation émanant d’un commissaire aux comptes certifiant la comptabilité de l’investisseur, au titre de l’exercice précédant l’année où l’investissement sera réalisé.
Quant au second document, il s’agirait d’un document devant attester que l’investissement est réalisé dans un secteur en rapport avec l’activité de la personne morale résidente concernée.
Ce document ne peut pas en principe être remis aux banques au moment de la réalisation des transferts de devises à l’étranger pour la réalisation des opérations d’investissement à l’étranger.
Cette contrainte matérielle suggère par conséquent la conception par la règlementation des changes d’un document justificatif de l’effectivité présumée explicitée ci-dessus.
Ce document consiste dans le « plan d’affaires » de l’investissement à réaliser.
Donc si j’ai bien compris, seuls deux documents justificatifs sont nécessaires comme formalités pré-règlements des opérations d’investissement à l’étranger. Cela signifie-t-il que les autres documents doivent-être supprimés ?
Absolument.
