Belgique: Une Marocaine va recevoir la prime la plus élevée jamais versée !
Ilham Kadri est née et a grandi à Casablanca avec sa grand-mère illettrée et est aujourd’hui directrice générale de Solvay. Avec une certaine efficacité, puisque la dirigeante d’entreprise de 54 ans va recevoir une prime de 12 millions d’euros, la plus élevée jamais versée en Belgique. Une ascension époustouflante qui force le respect. “Je me suis préparée à ce travail comme une athlète. Une seule fois, j’ai vraiment pensé à abandonner”, a-t-elle confié un jour. Portrait.
Belga
Ilhan Kadri est une femme qui fait habituellement parler d’elle dans les journaux économiques comme l’Écho ou son pendant flamand, De Tijd. Mais la Marocaine de 54 ans, à la tête du puissant groupe belge de chimie Solvay depuis 2019, a récemment fait l’actualité généraliste pour la raison évoquée en tête d’article. Avant de s’y attarder, revenons d’abord sur sa vie, extraordinaire et inspirante à bien des égards.
Troisième voie
Ilhan Kadri est née en 1969 à Casablanca, au Maroc, et a été élevée par sa grand-mère, une femme de ménage illettrée, confiait-elle lors d’une longue interview accordée à la chaîne Euronews en 2021. “Nous vivions dans un environnement très frugal et la conservation des aliments et de l’eau signifiait beaucoup à l’époque”, racontait Mme Kadri.
Sa grand-mère fut justement son premier modèle dans la vie. “Elle m’a appris à aimer les livres et à respecter ceux qui mettent leurs pensées et leur sagesse par écrit. En tant que femme née en Afrique, elle adorait écouter la sagesse et je tiens cela d’elle”, dévoilait-elle lors de cet entretien. C’est également son aïeule qui l’a poussée à trouver la “troisième voie”, à savoir les études. “Au Maroc, on apprend aux filles qu’il n’y a que deux voies: la première mène de la maison de leur père à celle de leur mari, la seconde mène à la tombe. Ma grand-mère ne trouvait pas ça très sexy et m’a conseillée de me diriger vers cette troisième voie.”
La jeune Ilhan Kadri s’intéressait beaucoup aux sciences. Après des études à Lyon et au Québec, elle décroche en 1997 un doctorat en physico-chimie macromoléculaire à l’école européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg (ECPM).
“L’industrie chimique est la mère de toutes les industries”, avançait Ilhan Kadri sur Euronews. “Nous fabriquons les batteries des voitures électriques, nous purifions l’eau, nous produisons du gel hydroalcoolique pour les mains, du double vitrage…, Nous améliorons la vie des gens, nous aidons à lutter contre les maladies, nous rendons le monde plus propre”, détaillait-elle.
Jeune maman, Ilhan Kadri a bien failli devoir mettre sa carrière entre parenthèses, comme elle l’a expliqué elle-même sur LinkedIn. “Lorsque mon fils était encore un bébé, mon mari (un ingénieur belge, NDLR) et moi travaillions en Suisse. Il n’y avait pas de service de garde d’enfants abordable. Nous avons fini par trouver une solution, mais ce fut une période difficile, avec des choix difficiles à faire. Ce n’est toutefois pas une fatalité”, écrivait-elle en plaidant pour de meilleures conditions de travail pour les jeunes parents. “Nous avons tous le droit à la joie d’être parent et d’avoir une carrière.”
Son fils a désormais 18 ans et sa mère a entretemps travaillé au sein de nombreuses entreprises pétrochimiques telles que Shell ou encore Dow Chemical. Depuis 2019, elle est directrice générale du groupe Solvay. Son prédécesseur, Jean-Pierre Clamadieu, ne tarissait pas d’éloges à son égard. “On sent en elle quelque chose qui va au-delà de son CV” disait-il en parlant d’Ilhan Kadri.
Et pour cause, Ilhan Kadri accorde une grande importance à des problématiques en vogue dans le monde de l’entreprise, mais peut-être plus délicates à imposer dans son secteur d’activité comme le développement durable ou encore l’inclusivité. “Le rôle d’un CEO est de laisser un certain héritage lorsque l’on passe la main”, expose-t-elle alors que du changement s’annonce chez Solvay.
Scission
En décembre prochain, l’entreprise va se séparer en deux sociétés autonomes, Solvay et Syensqo. Ilhan Kadri deviendra la CEO de Syensqo, qui se concentrera notamment sur le développement de nouvelles générations de batteries pour véhicules électriques et sur des solutions intégrant l’hydrogène vert. Solvay sera, elle, dirigée par Philippe Kehren.
La scission a été réalisée sous l’impulsion d’Ilhan Kadri, “dans l’intention de créer de la valeur ajoutée pour les actionnaires.” Reste à voir si cela sera effectivement le cas. “Les analystes ne sont pas forcément positifs », écrivent L’Écho et De Tijd, qui ont révélé l’information.
Une prime exceptionnelle
En interne, l’opération s’avère en tout cas lucrative pour Ilhan Kadri. En effet, le conseil d’administration de Solvay a proposé à ses actionnaires de verser un bonus de 12 millions d’euros brut à sa CEO, “au regard de son engagement exceptionnel dans le cadre de la réalisation du projet de scission partielle.”
Dans la note explicative, le CA précise qu’il souhaite, par le biais de cette rémunération, “saluer les années de performances exceptionnelles à la tête du groupe” de Mme Kadri “dans un environnement très volatil marqué par un contexte de forte inflation, de tensions géopolitiques majeures et d’incertitudes macroéconomiques”.
Quoi qu’il en soit, Ilhan Kadri fait déjà partie des gros salaires du Bel20. En 2022, elle a gagné 4,81 millions d’euros, dont 1,3 million en salaire fixe. Aucune femme dans cette liste ne fait mieux. “J’ai été préparée comme une athlète à assumer cette fonction. J’avais des mentors, des sponsors, des entreprises qui croyaient en moi”, déclarait l’intéressée à Euronews. “Mais briser le plafond de verre n’était pas mon objectif. Mon objectif était de vivre ma vie, de choisir mes rêves et de les réaliser. En outre, j’ai fait preuve de persévérance et j’ai travaillé dur. J’ai vu des opportunités et je les ai saisies”, concluait-elle, rapporte le site 7sur7.be