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CODE DE LA FAMILLE:  OUTIL D’UNE JUSTICE DE GENRE OU D’INÉGALITÉ EN MATIÈRE DE DIVORCE ?

Près de vingt ans après la réforme phare de la Moudawana datée en 2004, de nombreux dysfonctionnements et lacunes sont pointés, c’est la raison pour laquelle Sa Majesté le roi Mohammed VI que Dieu le glorifie a appelé le gouvernement et les parties prenantes (Ministère de la justice , Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et Présidence de Ministère public ) à concrétiser la décision royale annoncée dans le discours du Trône de l’année 2022 , et  réexaminer le code de la famille pour assurer, tout d’abord,  l’équité et l’égalité de genre qui est un principe fondamental garanti par la constitution de 2011 et les conventions internationales , ainsi que pour garder l’équilibre familial et préserver en priorité les droits des enfants en cas de divorce.

En effet, le Dahir n°1-04-22 du 12 Hija 1422 (3 février 2004), portant promulgation de la loi n ° 70-03 relative au Code de la famille fixe les règles applicables au divorce, à la garde des enfants (Hadana)  et aux pensions alimentaires (Nafaqa) .

Sur ce sujet de divorce, il faut savoir qu’aujourd’hui la femme marocaine a accédé à tous les domaines (médicine, enseignement, magistrature, militaire …), elle exécute les mêmes taches que celles de l’homme. Dans cet article, nous essayons d’apporter des réponses aux questions suivantes : Les nouvelles dispositions du code de la famille sont-elles en mesure de mettre sur un pied d’égalité les deux genres masculin et féminin?  Quels types de divorce sont le plus recommandés par les époux qui décident de se séparer ? Et quelles sont les principales causes de divorce ?

Les principales causes de divorce : Droit et pratique

Le divorce est prévu par les articles 70 à 141 du livre II du code de la famille, il peut être défini comme la dissolution du pacte de mariage requise par l’époux ou par l’épouse. Il existe plusieurs types de divorce en droit interne marocain. D’après des entretiens  avec des magistrats compétents en la matière, on constate que le divorce par discorde (Chiqaq) et le divorce à l’amiable ou encore le divorce par consentement mutuel sont classées dans les premiers rangs devant les tribunaux du Royaume.

En effet, les raisons pour tenter une action en divorce sont multiples, on évoque les principaux motifs:

– Les problèmes d’ordre matériel (kalat chi) ;

-La violence conjugale (l’épouse ou l’époux porte atteinte physique ou morale a son conjoint) ;

-L’infidélité et l’adultère;

-Les vices rédhibitoires chez le conjoint pouvant compromettre la vie conjugale et permettant de demander d’y mettre fin en cas de l’apparition des vices qui empêchent les rapports conjugaux, l’incapacité ou l’insatisfaction sexuelle ;

-Les maladies mettant en danger la vie du partenaire ou sa santé et dont on ne peut espérer la guérison dans le délai d’une année comme la maladie d’Alzheimar et le diabète… ;

-La polygamie est l’une des causes pour demander le divorce, en prouvant ainsi que l’islam autorise l’homme à prendre quatre femmes. Cependant, Dieu a assorti la possibilité de polygamie d’une série de restrictions sévères citées dans le Coran: « Si vous craignez d’être injuste n’en épousez qu’une seule » ; « vous ne pouvez traiter toutes vos femmes avec égalité, quand bien même vous y tiendriez» ;

-Le défaut d’entretien et l’utilisation du pronom « Je » au lieu de « Nous », l’autorité du mari ou encore l’autorité de l’épouse sur l’époux. Il faut ainsi mentionner que la domination masculine ne s’exerce pas exclusivement par l’autorité directe du mari, elle peut aussi s’exercer par la médiation de la belle-mère, ses sœurs … (l’intervention fréquente et les conflits) surtout pour ceux qui vivaient en couple avec leur famille.

-L’absence de l’époux (Lghayba), si l’époux s’absente du foyer conjugal durant une période excédant une année, l’épouse a la faculté de demander le divorce judiciaire et c’est le cas pour l’emprisonnement du conjoint.

-Le mariage des mineurs qui n’ont pas encore accompli l’âge de la majorité légale  fixé à dix-huit années grégoriennes révolues.

Révision du code de la famille : vers quelles évolutions ?

La réforme de la Moudawana a touché toutes les familles, tout le monde a commencé à discuter de ce qui va être adopté.

En droit marocain,  le régime matrimonial est réglementé par l’article 49 de la loi n°70-03, c’est un régime unique à tendance séparatiste qui a pour but de dissocier les biens des époux,  dont chacun conserve son propre patrimoine qui lui appartient au jour du mariage et qu’il acquiert pendant le mariage ;  et demeure responsable de ses dettes personnels et professionnels avant et pendant le mariage.

Suivant les rumeurs qui circulent,  les apports de la nouvelle version de la Moudawana stipulent, par exemple,  qu’en cas de divorce avec enfants, la femme et ses enfants bénéficient du domicile conjugal, duquel est expulsé le conjoint. Aussi, il est prévu un prélèvement à la source d’une partie du salaire.  

Si c’est le cas, on va se trouver automatiquement devant un régime matrimonial qui semble être séparatiste pendant la période du mariage, et communautaire lors de sa dissolution dénommé dans d’autres législations « le régime de la participation aux acquêts », un régime hybride prévus par les articles 1569 et suivants du code civil Français.

La seule distinction entre les deux régimes, c’est que le conjoint marocain ne peut pas bénéficier des biens de sa divorcée. Au contraire, la femme maman par la force de la loi peut bénéficier de ses biens, il s’agit bien évidement de l’enrichissement d’une partie sans autre. Ceci produira entre les futurs conjoints : Le manque de confiance,  le détournement de la loi, l’utilisation de la mauvaise foi, l’inscription des biens de l’époux au nom de quelqu’un de proche, l’apparition du doute, la peur de la perte des biens (…).

A cet effet, plusieurs questions qui se posent dans la principale problématique s’articulent autour de ‘’la protection des droits de l’enfant dans le cadre de la Moudawana de 2004’’.

Est-ce que,  dans la pratique, ces enfants bénéficient de tous les droits fixés par le code de la famille et les conventions internationales ? Est-ce que l’enfant d’une relation séparée vit comme les autres enfants ?

La réponse est NON dans la plupart des cas, on trouve des guerres entre époux.

Après le divorce, chacun tend à protéger ses intérêts particuliers et cherche à satisfaire ses propres besoins. Le tuteur légal qui est le père se remarie et la mère aussi se remarie, les victimes sont  donc les enfants qui n’ont pas choisi leurs parents, et qui subissent les affres d’une séparation déchirante.

S’y ajoute, une difficulté majeure que le législateur marocain doit la combler dans le nouveau texte de loi, celle de la pension alimentaire, A la lecture des arrêts rendus par les juridictions, on peut affirmer l’existence d’une catégorie de pères qui préfèrent passer la prison au lieu de verser la somme due fixée par le magistrat à ses enfants.

Recommandations

L’objectif du législature serait la construction des fondations d’une famille digne de ce nom et prévenir les effets négatifs du divorce. A ce titre, nous essayons d’apporter notre lot de recommandations.

-Les époux doivent prendre conscience des conséquences et des effets néfastes du divorce, commençant par leur santé physique et mentale, pour passer directement à la situation de leurs enfants et y arriver à l’impact de ce phénomène sur la société. Donc, ils ne peuvent mettre fin à leur relation conjugale qu’en présence d’un état de nécessité.

-Il faut prévoir dans le nouveau texte de loi des dispositions visant essentiellement à garder la balance et garantir l’équilibre des droits de toute une entité dénommée « Famille », pierre angulaire de la société, constituée de trois puzzles : « Femme, homme et enfants », sinon on serait devant une inégalité de sexe.

-La création des tribunaux de la famille comme les tribunaux spécialisés : les tribunaux de commerce et les tribunaux administratifs.

-La publication des statistiques qui relatent les causes directes de divorce avec plus de détails chiffrés, au lieu de publier que des chiffres de divorce en général.

-La création d’un Observatoire de la famille qui procédera à établir un rapport annuel sur la situation de la famille marocaine (mariage, divorce …).

-Compliquer les procédures de mariage et même de divorce pour démontrer que la constitution d’une famille n’est pas  un jeu d’enfant ; de même, faire connaître aux couples que la famille est la pierre angulaire de la société à travers des actions (de sensibilisation, de formation, d’information, d’éducation et de communication programmées par (le ministère de la solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, les universités, les écoles, les mosquées, la radio, la société civile…).

-Se référer et rester fidèles à la Charia islamique (coran et sunna) au lieu d’appliquer des dispositions étrangères qui ne s’adaptent pas avec la réalité de notre pays.

-Le législateur marocain dans la nouvelle réforme du code de la famille doit prévoir des termes précis et les mettre en relief, il s’agit principalement de « la confiance entre époux » ; « la mauvaise foi » tant que le mariage est un contrat, l’une des parties peut utiliser sa mauvaise foi pour détourner la loi », « la répartition et le partage des biens ».

-Opter pour le terme « pacte » comme définition du mariage dans la traduction française de la nouvelle réforme de la Moudawana comme prévu dans sa version originelle en langue arabe « Mithaq » au lieu de laisser le vocable contrat qui peut se résilier à tout moment.

-Déterminer et cerner le champ d’application de divorce par discorde, en précisent ainsi la cause directe qui poussera l’un des époux à procéder à la demande de ce type de divorce, au lieu de laisser libre cours à chacun.

-Le changement de la culture, le changement de mentalité d’une génération dès le premier âge à travers des dessins animés, émissions, films, cours, notamment, sur l’importance du mariage et les conséquences du divorce.

-A l’heure actuelle, on remarque que l’intervention de la famille complique de plus la vie des époux qui frappent les portes du tribunal. C’est pour cette raison, il faut renforcer les mécanismes de conciliation, en faisant intervenir que le magistrat compétent en la matière.

Conclusion

Le mariage prend sa source dans le droit musulman (le coran) qui le décrit comme « mithaq ghalid » et dans le code de la famille comme un pacte, un contrat par lequel deux parties ‘’femme et homme’’ ont des droits et à l’interface des obligations. Et c’est dans cette optique, qu’on peut dire que le mariage est avant tout une responsabilité, il faut qu’il y ait des sacrifices de chacune des parties « Tadhiyat wa Tanazolat ». Il requiert bien encore la solidarité, la confiance, la communication, la transparence et le respect mutuel ainsi que d’autres qualités, ces valeurs qui fondent l’éthique musulmane, le ciment d’une relation conjugale saine, forte et bien construite.

Aujourd’hui nous sommes devant une crise sociale profonde, deux constats s’imposent : Les chiffres de divorce éloquents et inquiétants, ainsi que l’augmentation croissante du nombre de célibat.

Nous  souhaitons, enfin, que le législateur marocain dans le nouveau texte de loi relatif au code de la famille évite de recourir à une imitation aveugle de telle ou telle législation étrangère. C’est normal de s’inspirer, d’aborder les normes reconnues à l’international, mais tout en prenant en considération le contexte du Maroc qui est un pays musulman.

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