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Auto-entrepreneur marocain : L’insaisissabilité légale de la résidence principale

  • Meryem AMIMI
  • Professeur de droit et Chercheur

La protection de la résidence principale de l’auto – entrepreneur paraît être un des pivots de la loi n° 114-13. C’est un sujet ayant fait l’objet de nombreuses discussions parlementaire et doctrinale.

Au Maroc, la loi n° 114-13 a introduit dans notre droit positif un apport très intéressant celui de « l’assouplissement de la domiciliation », c’est-à-dire que tout auto – entrepreneur peut exercer, à titre individuel, une activité industrielle, commerciale ou artisanale dans sa résidence principale, l’habitation où il vit.

Malheureusement, on remarque l’absence d’une définition claire, concise et précise du terme technique (résidence principale). Il est regrettable de constater que cette loi n’a pas encadré la notion.

Mais si on se réfère à d’autres textes législatifs, on trouve que c’est une question de droit déjà traitée et réglementée par l’article 519 et suivants du code de la procédure civile, l’article 2 alinéa 1 de la convention fiscale entre le Royaume du Maroc et la République Française, par la pratique judiciaire….

En effet, on entend par résidence principale énoncée dans la loi 114-15, tout bien appartenant à l’auto – entrepreneur, personne physique et non pas au dirigeant de la société, utilisée pour usage professionnel (lieu du siège de l’entreprise) et personnel (lieu d’habitation permanent).

Aux termes de l’article 3 de de la loi n° 114-13 : « L’auto – entrepreneur peut exercer son activité dans un local à usage professionnel, commercial, industriel ou artisanal, ou destiné à la prestation de service.

En l’absence d’un local, l’auto – entrepreneur peut, toutefois, domicilier son activité dans sa résidence ou dans les locaux exploités en commun par plusieurs entreprises à condition d’exercer ladite activité conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et la législation environnementale ».

Cet article est la consécration pure d’un principe fondamental, celui de la liberté d’entreprendre garantie par la constitution marocaine de 2011 dans son article 35 et cette fois-ci, on découvre la conformité de la législation avec la constitution, dont l’auto – entrepreneur est totalement libre d’exercer son activité à domicile, chez lui.

Est-ce que l’insaisissabilité de la résidence principale de l’auto – entrepreneur nécessite une autorisation administrative pour l’exercice d’une activité?

Depuis le 19 février 2015, date de l’entrée en vigueur de la loi 114-13, l’auto – entrepreneur n’a pas besoin de procéder à une déclaration ou de demander une autorisation administrative pour utiliser par exemple son rez – de – chaussée en tant que local professionnel. Il s’agit au sens strict de « l’insaisissabilité légale de la résidence principale ». C’est une véritable protection d’ordre public économique et social nommée : « droit au logement et d’exercice de commerce ».

Au Maroc, seul l’auto – entrepreneur qui peut bénéficier de l’insaisissabilité étant automatique, gratuite et sans démarche particulière à accomplir. Ce qui veut dire que sa résidence principale est insaisissable de plein droit, dès son inscription au registre national auprès des agences Al-Barid Bank, en indiquant ainsi que le siège de son entreprise est sa résidence principale. Cet instrument juridique vise essentiellement à préserver son patrimoine personnel des risques et des imprévus qui pourraient entraver son activité en cours. C’est le cas de la crise pandémique Covid19 qui a touché aussi bien la santé du chef d’orchestre (l’entrepreneur) que la santé de l’entité (l’entreprise).

Est-ce que l’auto – entrepreneur qui connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de son entreprise peut bénéficier des procédures collectives édictées par la loi n°73-17 ?

L’auto – entrepreneur en difficulté ne peut pas déclencher les procédures de prévention et de traitement parce qu’il n’acquiert pas la qualité de commerçant. En cas de déficit et de dettes, sa résidence principale ne peut être saisie par les créanciers (fournisseurs, distributeurs, établissements de crédit, banques …), dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle. Le reste de ses biens personnels comme celui du véhicule n’est pas à l’abri !

En vertu de l’article 4 de la loi n°114-13 : « en aucun cas la résidence principale de l’auto – entrepreneur ne peut faire l’objet de saisie à raison des dettes, dont il est redevable, liées à l’exercice de son activité professionnelle ».

Cette disposition permet à l’auto – entrepreneur exerçant à titre individuel sans associés de préserver ce qui représente bien souvent la majeure partie de ses biens privés : son local d’habitation.

Initiative législative louable

Aujourd’hui, l’auto – entrepreneur marocain peut domicilier et exercer son activité chez soi. On ne peut que féliciter le législateur pour cette mesure phare de la loi n°114-13 qui permet de limiter le risque patrimonial et d’offrir à cette catégorie d’entrepreneurs beaucoup plus de sécurité et de stabilité face aux aléas du monde des affaires.

Néanmoins, les parties concernées(doctrine , jurisprudence , législation , médias…) devront ouvrir le débat et déclencher le clignotant sur la situation difficile et désespérée des entrepreneurs individuels qui demandent le secours en silence, en déclarant ainsi l’insaisissabilité de la résidence principale et pourquoi pas la protection des biens personnels du gage des créanciers professionnels comme d’autres pays étrangers , c’est le cas de la législation française qui a opté pour des mécanismes juridiques favorables à la séparation des patrimoines  personnels et  professionnels. Un sujet qui fera l’objet de notre prochain article!

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