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Canada: La pénurie de main-d’œuvre est impressionnante

Départs à la retraite, postes spécialisés difficiles à pourvoir, nouvelles expertises… Comme dans le secteur privé, les municipalités ont elles aussi du mal à dénicher les perles rares dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Pompiers, cadres, ingénieurs, techniciens, animateurs de camp de jour, moniteurs, sauveteurs, responsables en loisirs, notaires, avocats, horticulteurs, professionnels de l’administration et plus encore : la variété des postes disponibles dans le secteur municipal est impressionnante, et pour cause.

Depuis quelques années, le champ des compétences des municipalités s’est élargi, ce qui a créé de nouveaux besoins en matière de main-d’œuvre.

« Si on se compare à il y a une quinzaine d’années, on s’aperçoit que la rareté du personnel s’est répandue dans tous les corps d’emploi », souligne Vincent Proulx, directeur des ressources humaines à la Ville de Pointe-Claire et président des Gestionnaires en ressources humaines des municipalités du Québec (GRHMQ).

« Un grand défi, ce sont les ingénieurs. Tout le monde s’arrache les ingénieurs », relate la mairesse de Gatineau, France Bélisle, qui préside aussi un comité de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) pour faire des villes des employeurs de premier choix.

À Gatineau, environ 40 postes sont affichés chaque semaine, ce qui représente 1 % du personnel de la Municipalité.

Temps d’embauche et d’affichage plus longs

Les délais afin de pourvoir les postes se sont allongés, particulièrement depuis la pandémie. Et plus on s’éloigne des grands centres, moins les candidats sont nombreux pour les emplois affichés.

« Historiquement, on affichait pendant deux à quatre semaines, on réalisait les entrevues et on avait ensuite un délai de préavis du candidat à son employeur précédent. Ça donnait une période d’environ deux mois », explique Marc-André Lavoie, directeur des ressources humaines à la Ville de Matane.

Dans le contexte actuel, cette période a doublé, voire triplé, avec un délai supplémentaire d’environ 60 jours, en moyenne, pour embaucher.

« Même si on procède rapidement à l’affichage, on en a pour deux ou trois mois quand ça va bien, alors si on ajoute ces 60 jours, plus les entrevues, le préavis de deux à quatre semaines à l’autre employeur, ça prend beaucoup plus de temps », illustre M. Proulx.

À Bromont, par exemple, il faut parfois afficher un même poste à deux ou trois reprises avant de trouver le candidat idéal, souligne le maire Louis Villeneuve. « On affiche et on ne trouve pas », lâche-t-il. « Mais on ne veut pas engager quelqu’un juste pour engager, parce que sinon, c’est un coup d’épée dans l’eau. »

Le recours aux recruteurs et aux firmes externes en ressources humaines s’avère plus fréquent et ne concerne plus que des postes spécialisés.

« Avant, on avait recours à ce service pour [pourvoir] des postes de haute direction », relate France Bélisle. « On n’en avait pas besoin pour autre chose. Maintenant, on reçoit encore des CV, mais les candidats n’ont pas nécessairement les compétences recherchées. »

Services publics affectés

Plusieurs municipalités ont été contraintes de revoir à la baisse leur offre de services, faute de main-d’œuvre.

Certaines d’entre elles envisagent de se partager des ressources humaines pour combler leurs besoins. « On commence à en entendre parler, notamment dans le secteur des TI, où il manque actuellement de professionnels », indique Vincent Proulx.

Ce sont toutefois les conditions promises par le secteur privé qui rendent le recrutement de candidats qualifiés de plus en plus difficile dans les municipalités.

« On a des compagnies qui vont chercher les jeunes sur les bancs d’école », relate M. Proulx. « Elles leur offrent une bourse ou du mentorat en leur disant de revenir les voir quand ils auront leur diplôme. »

« À Gatineau, le gouvernement fédéral a vidé mon service juridique, car je n’arrive pas à offrir les mêmes conditions », poursuit-elle.

Ainsi, certains employés se livrent à un jeu de chaise musicale, passant d’une municipalité à l’autre pour améliorer leur sort. La vacance se déplace donc elle aussi.

« On s’arrache les talents », note Mme Bélisle. « Si on regarde les plus petites municipalités dans la région métropolitaine, elles ont souvent l’impression d’être une pépinière pour Montréal, car elles ne peuvent pas offrir les mêmes salaires et les mêmes possibilités d’avancement. »

Devenir un employeur attrayant

Les municipalités sont toutefois conscientes de devoir devenir plus attrayantes en tant qu’employeur pour pouvoir se tirer d’affaire.

Le comité créé par l’UMQ a pour mandat d’étudier la question; 87 % de ses membres se disent d’ailleurs préoccupés par l’attractivité des municipalités.

« Il faut se questionner, se moderniser, prendre un virage numérique là où il le faut. Il faut se moderniser de l’intérieur et se poser comme un employeur sexy, contemporain et moderne », illustre France Bélisle.

« Elles pensent à améliorer la conciliation travail-vie personnelle de leurs employés », mentionne M. Lavoie. « Elles se demandent aussi ce qu’elles peuvent changer dans leurs conditions et dans leur environnement pour rendre l’expérience de travail de l’employé plus agréable. »

L’adoption de plans de développement interne afin d’assurer un parcours professionnel satisfaisant aux employés est aussi dans les cartons pour retenir les travailleurs.

À partir des résultats de ses consultations, le comité de l’UMQ compte élaborer une « image de marque employeur » à l’instar de la Ville de Bromont, qui vient tout juste de lancer la sienne pour attirer de nouveaux talents.

« On veut aller chercher les meilleurs, alors on met des thématiques en avant pour montrer que nous sommes les meilleurs employeurs », indique M. Villeneuve.

Mme Bélisle est sûre que des travailleurs sauront trouver un lieu où s’épanouir en faisant carrière dans le monde municipal, comme elle a choisi de le faire en se présentant aux élections en 2021.

« J’ai l’impression de travailler pour mon voisin », confie-t-elle. « Pour moi, avoir sa Ville comme employeur, c’est choisir de travailler pour sa communauté. » Radio canada

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