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Céréales: L’Argentine vit sa pire sécheresse depuis 1929

Frappée par une sécheresse historique, l’Argentine s’attend en 2023 à des récoltes de soja, blé et maïs inférieures de 35 et 50% par rapport à l’année passée. Une catastrophe économique.

Des épis de maïs rabougris, des plants de soja grillés s’invitent ces jours-ci à Washington, où l’Argentine plaide la clémence financière internationale, après «la pire sécheresse depuis 1929» – selon les mots du président Alberto Fernandez – présage d’une récolte, donc de rentrées de devises, catastrophique pour une économie déjà fragile.

Vu du ciel, le champ de soja présente comme des lignes de calvitie, de vastes pans clairsemés. Au ras du sol, on comprend: des plantes jaunies, noircies, séchées. Parmi les vertes encore, Jaime Mestre arrache quelques-unes qu’il passe en revue: «Celle-ci… zéro gousse, celle-ci… zéro, celle-ci… trois gousses quand elle devrait en avoir au moins 8 fois plus.»

Épis atrophiés

Le maïs? Guère mieux. Les moissonneuses avalent les rangs derrière Jaime, un ingénieur agronome du secteur de Lima, dans la «pampa humide», cœur fertile de l’Argentine à 110 km au nord-ouest de Buenos Aires. Mais pour quels épis? Atrophiés, comme stoppés dans leur développement avec une infime proportion – 5% à 10% peut-être – de grains normalement formés. Diagnostic? L’ingénieur assure n’avoir «jamais vu cela» en 21 ans de récolte.

En 94 ans, en fait. «La pire sécheresse depuis 1929»: c’est ce que le président argentin Alberto Fernandez a assuré, fin mars à la Maison-Blanche, à Joe Biden, en sollicitant son appui auprès d’organismes de crédits internationaux pour une indulgence face aux échéances de l’Argentine.

Les pertes pourraient atteindre les 20 milliards de dollars

Il est tôt encore pour des bilans définitifs, mais pour l’Argentine agro-exportatrice par excellence, avec soja, blé et maïs en tête, les prévisions de récolte inférieures de 35 et 50% par rapport à l’année dernière convergent vers des pertes spectaculaires.

«Environ 15 milliards de dollars de recettes à l’export, et en comptant l’effet multiplicateur du secteur agro, près de 20 milliards de pertes au total pour l’économie, presque 3 points de PIB», analyse Tomas Rodriguez Zurro, économiste à la Bourse de Rosario, place argentine de référence pour l’agro-industrie.

La troisième économie d’Amérique latine, en manque criant de réserves de changes, est confrontée à une inflation chronique, accentuée depuis par l’impact de la guerre en Ukraine, et par une troisième année consécutive de sécheresse. Quand le phénomène cyclique «La Niña» n’en inflige généralement qu’une, à la limite deux.

«Elles ne valent pas le coût du gasoil de la moissonneuse»

Pour la troisième fois en un an, le ministre de l’Économie, Sergio Massa, a annoncé mercredi un taux de change préférentiel et temporaire à la fois pour inciter le secteur soja à booster ses exportations (donc les rentrées fiscales), et compenser les pertes de quelques 69’000 producteurs sinistrés. C’est le «dollar agro».

Les bailleurs ne lâchent pas l’Argentine – même si deux agences de notation viennent d’abaisser la note de sa dette. Mais dans les champs autour de Lima, ce sont des parcelles entières qu’on abandonne, qui ne seront pas récoltées. «Elles ne valent pas le coût du gasoil de la moissonneuse», tranche Jaime Mestre. Et l’inquiétude est déjà là pour les «secondes» cultures, avec le blé «qui devrait se semer d’ici un mois mais sans l’humidité requise dans le sol pour ensemencer».

(AFP)

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