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Libre Echange MAROC-TURQUIE : Les 200 jours du textile-habillement

200 jours. Telle est la période de transition durant laquelle une liste de produits turcs de textiles et d’habillement sera soumise à un droit additionnel provisoire à compter du 9 janvier 2018. Il s’agit des droits de douane à hauteur de 90% des droits appliqués selon le régime général sur ladite liste. Fruit des consultations du Comité mixte, cette mesure d’ajustement transitoire a été décidée suite aux réclamations continues des textiliens  marocains après la constatation de « perturbations importantes au niveau de plusieurs unités industrielles orientées vers le marché domestique » et « des pertes importantes d’emplois ». Poussant l’analyse plus loin, cette « mesure de sauvegarde » semble laisser le lecteur avisé sur sa faim. Comment?

Minimum vital

 À commencer par les 200 jours. Nous avons posé la question à plusieurs parties en charge du dossier, si cette période saurait redonner confiance aux unités industrielles orientées vers le marché domestique? Selon ce haut responsable qui requiert l’anonymat, « les consultations au sein du comité mixte sont en cours, et on ne sait pas encore si cette mesure exceptionnelle sera limitée à 200 jours ou plus?», explique-t-il. Ce qui est sûr, c’est que la partie marocaine est dans son droit de protéger sa branche de production nationale. Mais ce qu’il faut savoir en outre, c’est que l’article 17 de l’ALE Maroc- Turquie offre la possibilité de limiter les importations à une période encore plus longue, 5ans. « Ces mesures s’appliquent pour une période de cinq ans au plus, à moins que le Comité mixte n’autorise un délai plus long.  Elles cessent de s’appliquer au plus tard trois ans après l’expiration de la période de transition », note-t-on. La vérité sur les 200 jours, c’est le minimum autorisé dans le cadre du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT, en français : accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, AGETAC). Cela remet en cause la force et la valeur probante des éléments de preuve de dommages causés. De quoi parle-t-on? La bataille tourne au tour des produits finis uniquement. Le Secrétariat d’État chargé du Commerce extérieur parle, ainsi, d’«une très forte croissance des exportations turques vers le Maroc  de produits finis de textiles et habillement, enregistrant une progression de 175% entre 2013 et 2017». Quant aux emplois détruits ou au nombre des unités industrielles fragilisées, aucun chiffre officiel n’est avancé. La profession ne dispose pas de chiffres propres à elle, mais elle s’est fiée aux statistiques du Haut commissariat au plan(HCP). Et les chiffres balancés par certains organes de la presse nationale ne font pas de distinction entre les unités tournées vers le marché local et celles exportatrices. Plus encore, les chiffres du HCP englobent et le secteur formel et celui informel.

Lobbying !

Toute la question est d’interroger le fait « d’apprécier la preuve » du lobbying conduit par Karim Tazi, président de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement(AMITH). Car il y a loin entre le « Made in Morocco » destiné à l’export et celui orienté vers le marché local. Et il est hors de question que le consommateur marocain paye les frais des pots cassés au nom de la préférence nationale. Toute la question aussi est de savoir pourquoi les textiliens qui ont fait la fierté de l’industrie nationale à une époque donnée de l’histoire ont fui le secteur pour investir dans l’immobilier? Aux yeux de Stéphane Colliac, économiste senior chez Euler Hermes, « le secteur souffre particulièrement de la concurrence des autres pays producteurs, parce qu’il doit encore trouver sa différence, ce qui fera qu’on préférera acheter la marque Maroc même lorsqu’elle est plus chère».  Il faut appeler les choses par leur nom. La Turquie n’est pas le seul pays qui menace la compétitivité nationale. La Chine aussi. Chiffres à l’appui, les importations de produits de textiles et d’habillement originaires de l’empire du Milieu (4,7 milliards de dirhams à fin septembre 2017) pèsent plus lourd que celles turques (3,8 milliards de dirhams). Sachant que les droits de douane imposés à nos deux partenaires ne sont pas les mêmes. Bouclons la boucle, les professionnels marocains sont invités à miser davantage sur l’innovation et augmenter la productivité…

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