Economie

Logistique: Chercher l’erreur!

ENTRETIEN Mustapha El Khayat Président de l’Association Marocaine pour la Logistique (AMLOG)

 « Les PME ne recourent que de manière très limitée à l’externalisation »

 

Le dernier rapport de la banque mondiale sur l’indice de performance logistique classe le Maroc au 109e rang au lieu du 86e et  62e rang en 2016 et 2014 respectivement. Comment expliquez-vous cette contreperformance ?

Cette dégradation a été constatée depuis 2016. Des questions sont à poser sur cette tendance de baisse continuelle de la performance logistique au Maroc: comment un pays qui a une politique de développement volontariste de la logistique depuis la publication du rapport de la banque mondiale en 2006 auquel j’ai contribué  se trouve dans de telles situations?  À quoi sert l’AMDL? Pourquoi n’a-t-elle pas réagi en 2016 pour renverser cette  tendance.  Pourquoi la douane se trouve-t- elle un des obstacles à  la performance logistique du Maroc. Pourquoi le passage portuaire s’est graduellement  dégradé malgré la présence de l’ANP et de TMPA à Tanger Med ?  Une dynamique s’est engagée après 2007 pour résoudre ces problèmes avec de très bons résultats, mais malheureusement les choses se dégradent à partir de 2016 et même avant. La création de l’agence pour le développement de la logistique  apparaît pour certains comme la réponse à  la compétitivité des chaînes logistiques internationales au Maroc. Pourquoi des pays qui n’ont pas d’agence pour le développement de la logistique sont toujours mieux classés que le Maroc? Le Maroc a une agence,  un contrat  programme en logistique et une infrastructure routière et portuaire développée, mais il a  une performance logistique médiocre. Pourquoi? La réponse à cette question est la clé du problème. Nous croyons que le manque de bonne gouvernance et d’éthique sont les causes de la faible compétitivité de la logistique au Maroc. La crise  du système logistique marocain est due aux facteurs humains et institutionnels. Les lourds investissements en infrastructures sont indispensables, mais pas suffisants pour réaliser des performances logistiques. La formation en logistique est aussi indispensable, mais ne donne pas de résultats satisfaisants dans un environnement non incitatif et motivant. La compétitivité logistique est le résultat d’un tout cohérent. Elle s’insère  dans une logique de transparence et d’éthique sociale, individuelle et managériale. Les parties prenantes des chaînes logistiques doivent adhérer à cette logique.

 

Les experts de la banque mondiale taxent du doigt les services douaniers, le suivi et la traçabilité, la qualité des services logistiques…Qu’en pensez-vous ?

L’indice de performance logistique est apprécié par rapport à l’efficacité du processus douanier, la qualité des infrastructures, l’habilité qui caractérise l’organisation et la gestion des flux des échanges internationaux, la qualité des services logistiques, le niveau d’opérer la traçabilité des expéditions et la rapidité de leur exécution. Dans l’édition 2018 de la banque mondiale relative à cet indice, le Maroc arrive à la position 109 soit un recul de 23 positions par rapport à l’édition précédente. Par rapport à ce classement, le détail des notes relatives aux critères d’appréciation de l’indice incrimine essentiellement, et pratiquement au même titre, le processus douanier (115e rang), la rapidité d’exécution des expéditions (114e rang) et la traçabilité (112e rang).  Même si le classement des autres critères est relativement meilleur, la performance y relative est quand même très modeste. Les rangs occupés en témoignent ; 103e pour les livraisons internationales ; 101e pour la qualité des services logistiques et 93e pour les infrastructures. Globalement, cette pâle figure de la prestation logistique nationale trouve une explication dans l’offre logistique inadaptée, la faible réactivité des industriels et l’implication insuffisante des investisseurs. Cette conclusion se base sur : le comportement vis-à-vis de l’externalisation de la logistique qui est limitée, le niveau de l’offre logistique intégrée qui n’est pas assez développé et le problème relatif à un foncier rare et onéreux. Si le manque des ressources humaines et matérielles, en raison respectivement d’actions en formation inadaptées aux besoins réels du secteur logistique au Maroc et de la précarité financière et structurelle des prestataires nationaux en logistique, est identifié comme élément explicatif de cette situation, d’autres facteurs spécifiques peuvent être cités dont :

– L’insuffisance des politiques de communication (transparence) auprès des investisseurs locaux par rapport aux procédures d’octroi et d’attribution du foncier et l’absence d’une politique de sensibilisation auprès des opérateurs économiques visant l’implication du tissu industriel dans la vision logistique décidée.

– Problèmes liés aux transports internes. Quoi que son offre soit abondante, le transport interne par camion souffre d’insuffisances importantes au niveau de la qualité du service et continue d’être dominé par l’informel affectant ainsi la qualité de la prestation logistique et des livraisons.

– Les coûts relativement élevés des prestations portuaires impactent négativement les coûts logistiques.

– Au lieu de constituer la locomotive du développement du secteur et de tirer la qualité opérationnelle vers le haut, les investisseurs logistiques internationaux se sont contentés, une fois installés au Maroc, de s’adapter à la réalité opérationnelle et managériale nationale. La compétitivité en termes de coûts de la prestation justifie leurs comportements.

 

Quid des plateformes logistiques?

Les principales caractéristiques qui concernent le développement des plateformes logistiques au Maroc sont les suivantes :

– Les réalisations en termes des ZLMF sont en deçà des prévisions.

– Les zones réalisées ne répondent que partiellement aux attentes des opérateurs commerciaux.  Majoritairement, elles se contentent de proposer des prestations traditionnelles du stockage alors que l’objectif était de mettre à la disposition des utilisateurs un package de services axés autour du groupage, dégroupage, étiquetage et autres activités logistiques visant la valorisation des produits.

– Les opérateurs, et plus particulièrement les PME, ne recourent que de manière très limitée à l’externalisation.

– Les efforts d’encouragement de la massification n’aboutissent toujours pas à atteindre les objectifs. M.M

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