EconomieFlashLa Une

Emploi: Amzazi tance la CGEM

Saaid AMZAZI, Ministre de l’Éducation Nationale, de la Formation Professionnelle, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, ne mâche pas ses mots.  Il a adressé aujourd’hui frontalement des reproches de manière sèche au patronat du Maroc. C’était à l’occasion du Conseil National de l’Entreprise (CNE), qui s’est tenu aujourd’hui au sein de la CGEM sur le thème du capital humain et de la formation professionnelle.

Voici des extraits de son discours accablant pour Chakib ALJ, Président de la CGEM :

Fuite des cerveaux : Tout est dit!

-D’abord  «vie  active,  promotion  professionnelle»…les  sondages  l’ont montré:    nos    ingénieurs    nous    quittent  parce  qu’ils  veulent  des perspectives d’évolution concrètes dans leur carrière, de la formation continue, des horizons multiples et motivants…Il y a un grand effort à faire dans ce sens.

-Ensuite «innovation et recherche scientifique»…parce que pour parler un langage d’entrepreneur, l’innovation c’est la capacité de transformer une idée en facture….donc en richesse. Et pour cela, il faut bien sur des chercheurs, mais il faut aussi et surtout des entrepreneurs en face, et bien sur  des  investisseurs. Et  là il faut le reconnaitre, c’est un tryptique qui a encore  du  mal  à  se  mettre  en  place  au  Maroc,  et  je  vous  remercie Monsieur le Président d’avoir abordé ce point dans votre intervention.

En matière de recherche développement et d’innovation, qui sont comme vous  le  savez  les  véritables  ferments  de  la  croissance économique  à travers le monde aujourd’hui, vous avez en tant qu’entrepreneurs un rôle majeur à jouer et beaucoup à gagner. Chercheurs et industriels devraient travailler ensemble, main dans la main, avec ce fabuleux trait d’union qui est l’innovation justement. Autrement dit nous devons tout mettre en œuvre pour favoriser l’éclosion de ce véritable écosystème recherche-innovation-secteur industriel tant recherché.

Or  aujourd’hui, ce sont 30%  seulement  des  entreprises  marocaines qui déclarent avoir  une activité  R et D,  dont  60%  en  interne et  4%  seulement en partenariat avec une université ou une école d’ingénieurs (IRES 2015).

Le  classement  du  Global  Innovation Index de 2020, bien qu’il place le Maroc en 75èmeposition sur 131 pays en matière d’innovation, nous révèle également  par  ses  indicateurs  nos  points  faibles  en  la  matière…et notamment, nous sommes parmi les derniers en matière de collaboration entreprises/universités  (117èmes).  Il  y  a  donc là  un  effort  conséquent  à faire, même si, comme le disait tout à l’heure le président, des actions prometteuses  commencent  à  voir  le  jour. 

Il  vous  reste  toutefois à défendre  la  mise  en  place  de ce  fameux CIR  à  travers notamment la réforme fiscale en cours. Les  entreprises  doivent  intégrer  dans  leur  culture  le  fait  de  solliciter  les universités  et  les  doctorants  (CIDE)  pour  améliorer  leur  produit  ou  leurs performances  grâce  à  l’innovation.  L’innovation incarne vraiment   la longueur d’avance que peut avoir aujourd’hui une entreprise sur ses concurrents, je ne vous apprends rien.

Mesdames et Messieurs,

En conclusion, je dirais que des marges de progrès très concrètes existent pour améliorer la voie professionnelle au Maroc, et que nombres d’actions en ce sens ont déjà été initiées, à présent que nous avons pleinement pris consciences des enjeux vitaux de ce secteur.

Mais l’avenir de ce secteur, la réussite de ce «choc compétitif» auquel appelle le  nouveau  modèle  de  développement, restera  totalement  tributaire  de  votre implication  à  vous, entreprises  et  employeurs,  laquelle  bien  sûr  est  à  son  tour tributaire des actions facilitatrices que l’état pourra mettre en place en ce sens. De notre complémentarité et de notre aptitude à travailler en bonne intelligence dépendra la capacité du secteur de la FP de porter et de réaliser les ambitions de notre nation.

Pour cela, ce que nous devons garder à l’esprit, c’est que cela reste une stratégie gagnant-gagnant! On  a  coutume  de  dire  «Les  gagnants  trouvent  des  moyens,  les  perdants  des excuses». Alors soyons du côté des gagnants.

Formation professionnelle !

Je risque peut-être de vous surprendre en vous disant que le temps est révolu où la formation professionnelle était du seul ressort du ministère, de l’OFPPT ou des départements formateurs. La FP est aujourd’hui un secteur que VOUS devez investir, qui est de votre ressort. Car la formation professionnelle se veut d’abord, vous en conviendrez, une formation pour l’entreprise. Et dans un système idéal, elle devrait être également une formation PAR l’entreprise. Je n’invente rien!  Dans  les  pays  exemplaires  en matière  professionnelle, où le chômage sévit bien moins qu’ailleurs, à l’image de l’Allemagne  ou  la Suisse,  la formation professionnelle est un système décentralisé, financé majoritairement par l’entreprise, ou plus de 80% des stagiaires sont recrutés par l’entreprise qui les a formés….Parce  que finalement, qu’on le veuille ou non, même en construisant les meilleurs  centres  de  formation  imaginables,  même  en  recrutant  les  meilleurs formateurs   et même en nous   dotant   des meilleurs   équipements,   nous n’égalerons jamais    la    formation    en    contexte,  c’est-à-dire    en    milieu professionnel, sous forme d’alternance ou d’apprentissage. Il n’existe pas d’autre approche qui associe avec autant d’efficacité le «savoir de la pratique» et la «pratique du savoir» que celle qui se pratique «in situ».

Les   compétences   acquises   par   un   apprenti   en   formation,   ne   peuvent   se construire dans la durée et la performance qu’au terme d’une analyse d’activité en situation. Il s’agit en fait pour celui-ci tout autant «d’apprendre en faisant» que de «faire en apprenant». Sans compter que la formation en contexte facilite non seulement l’acquisition de compétences techniques actualisées sur des équipements adaptés, mais aussi de compétences non techniques liées à l’expérience réelle du travail en équipe, telles   que l’esprit  d’adaptation,  l’initiative  ou  encore  la  communication. Autrement dit, les compétences de vie. Alors comment demander aux nombreux diplômés de notre système actuel, qui n’ont jamais mis les pieds dans le monde professionnel, et qui ont effectué la totalité de leur apprentissage exclusivement au sein des centres de formation, d’être capables de répondre aux exigences concrètes des employeurs et de leur futur métier? Surtout au regard de la vitesse fulgurante de l’évolution actuelle des métiers et des technologies?

Voilà  pourquoi vous,  la CGEM, êtes en  fait NOTRE  partenaire incontournable en matière de FP. Voilà aussi pourquoi, dans une vision idéaliste, l’entreprise doit tout simplement être considérée en tant que véritable CADRE PEDAGOGIQUE pour la formation professionnelle. A titre d’exemple, en Suisse, plus de 70 % des jeunes entrent dans le marché du travail par l’alternance. Bien  qu’idéaliste,  cette  vision  est  loin  d’être  utopiste  car nous   sommes pleinement conscients qu’elle se doit, pour être viable, d’intégrer la logique entrepreneuriale, qui est bien sûr celle de l’intérêt et du bénéfice de l’entreprise. Je ne suis pas ici aujourd’hui pour pratiquer la langue de bois…

Je suis venu avec l’objectif de convaincre les entrepreneurs  que  vous  êtes  que vous devez désormais envisager la formation en alternance et en apprentissage sous  le  prisme  du  retour  sur  investissement. Et aussi pour  convaincre  les marocains  que  vous  êtes  que  vous  devez  également envisager  la  formation  en alternance et en apprentissage sous le prisme de l’engagement citoyen et patriotique. Et c’est à  partir  de là, une  fois  ce  principe  admis, que l’état peut intervenir  et proposer des solutions d’accompagnement.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page