Le marché MENA se transforme entre boom et turbulences

La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) connaît une forte progression des fusions et acquisitions. Entre janvier et septembre, elle a enregistré 649 transactions pour une valeur totale de plus de 69 milliards de dollars, soit une augmentation de 23 % en volume.
Selon les observateurs régionaux, 76 % de la valeur totale provient de transactions transfrontalières, illustrant l’appétit croissant des investisseurs étrangers pour les actifs de la région. Cette hausse n’est pas un hasard : elle reflète un changement clair dans l’environnement réglementaire et politique, les gouvernements dé-risquant activement leurs marchés et signalant une stabilité à long terme aux investisseurs mondiaux.
Pendant des années, certaines parties de la région étaient considérées avec prudence par les investisseurs en raison de réglementations opaques, de procédures de licence lentes et d’un manque de clarté sur la propriété et le règlement des litiges. Mais le paysage évolue rapidement.
Par exemple, la nouvelle loi sur l’investissement en Arabie saoudite, introduite plus tôt cette année, a simplifié les procédures d’enregistrement et réduit les obstacles administratifs. L’Oman Investment Court, créé en mars, offre un traitement plus rapide et plus clair des litiges commerciaux. Les pays MENA veulent ainsi développer des marchés plus transparents, accessibles et ouverts au capital global.
Secteurs moteurs et transactions emblématiques
Les effets de ces réformes se reflètent déjà dans les secteurs attirant le plus de capitaux : chimie, technologies avancées, infrastructures industrielles et numériques.
Un exemple majeur est l’acquisition de 64 % de Borouge aux Émirats pour 16,5 milliards de dollars, l’une des plus importantes transactions chimiques mondiales de l’année.
En Arabie saoudite, la confiance des investisseurs dans l’économie numérique continue de croître :
- La facilité de dette de 2,4 milliards de dollars de Tamara au troisième trimestre montre la conviction croissante dans le secteur fintech du Royaume.
- L’achat de 40 % de Khazna Data Center à Abu Dhabi pour 2,2 milliards de dollars reflète la volonté de la région de renforcer la souveraineté numérique et la capacité en intelligence artificielle.
Les fonds souverains du Golfe jouent un rôle central, ayant mobilisé environ 21 milliards de dollars en transactions au premier semestre 2025.
L’Afrique du Nord tire aussi parti des réformes
L’Afrique du Nord bénéficie également de ce climat, bien que la vitesse et l’exécution varient selon les pays.
- En Égypte, l’autorité d’investissement affirme que la mise en place d’un portail numérique unique cette année a réduit les délais de traitement et accru la visibilité des opportunités futures.
- Le Maroc s’impose progressivement comme destination industrielle régionale, notamment dans les énergies renouvelables et la production automobile, grâce à une transparence réglementaire accrue pour les investisseurs étrangers.
Défis structurels persistants
Malgré ces avancées, la région fait face à des défis structurels :
- Mise en œuvre : Les nouvelles lois ont été adoptées rapidement, mais leur application reste inégale, certains marchés souffrant de processus administratifs lents ou incohérents.
- Concentration étatique : Les acteurs liés à l’État, bien que moteurs du cycle actuel des M&A, doivent être complétés par un écosystème privé dynamique pour soutenir l’innovation et la compétition.
Par exemple, le Public Investment Fund saoudien prévoit de coter plusieurs sociétés de son portefeuille en 2025, déchargeant des actifs matures pour réinvestir dans des secteurs prioritaires de la Vision 2030.
Consolidation liée à la détresse
Une part croissante des M&A concerne des actifs en difficulté, contraints par le renchérissement du financement et des obligations de covenants, ouvrant la voie à des acquéreurs stratégiques :
- ADNOC et OMV ont étendu leur présence pétrochimique via Borouge et Nova Chemicals.
- Le fonds souverain égyptien a cédé 39 % de sept hôtels majeurs, dont le Mena House au Caire et le Winter Palace à Louxor, dans un accord d’environ 800 millions de dollars visant à désendetter le secteur hôtelier.
Ainsi, la confiance tirée des réformes coexiste avec une vague significative de consolidation motivée par des besoins de restructuration.
Perspectives pour la région MENA
La région MENA se trouve à un point tournant. Les réformes, les stratégies souveraines et les changements réglementaires ont posé les bases d’un marché plus prévisible et régulé, attirant des capitaux locaux et internationaux.
Le défi désormais est de maintenir cet élan, en transformant les réalisations actuelles en cycle d’investissement durable, fondé sur une institutionnalité solide et efficace. arabnews



