AfriquePlus

L’économie mauritanienne fortement monopolistique, les profits concentrés dans des groupes familiaux

Une étude du projet “Megatrends Afrika” décrit l’économie mauritanienne comme hautement monopolistique, où les profits se concentrent entre les mains d’un petit nombre de groupes familiaux, qui possèdent également leurs propres banques, et restent sous l’influence des mêmes factions élitistes qui dominent la politique.

Les banques : un rôle central pour l’élite

Selon l’étude menée par le chercheur allemand Wolfram Latscher, la fonction principale des banques en Mauritanie consiste à recycler les recettes d’exportation en importations. La distribution des dépôts issus de ces revenus entre les entités gouvernementales constitue un axe central de la politique de l’élite.

Les entretiens avec des membres de l’élite à Nouakchott et Nouadhibou révèlent que les ressources supplémentaires de l’État alimentent principalement le détournement de fonds par des acteurs politiques et économiques influents, reflet des liens étroits entre hommes d’affaires, banques et sphère politique.

Corruption et concentration des profits

L’étude souligne que, contrairement à l’ère du président Mohamed Ould Abdel Aziz (2008-2019), où les grandes opérations de détournement étaient concentrées au sein de son cercle familial, la période du président Mohamed Ould Ghazouani a vu une distribution plus large des profits illicites au sein de l’élite restreinte.

Le rapport note également que très peu de responsables ont été poursuivis pour corruption, et que le favoritisme dans l’attribution des marchés publics et le détournement de fonds restent impunis, ces gains constituant une source essentielle de financement électoral et d’achat de loyautés.

Le secteur aurifère : un monopole sous protection

Le rapport pointe le secteur de l’or artisanal, en forte croissance depuis dix ans, où une poignée d’acteurs proches du pouvoir capte l’essentiel des profits depuis 2022.

Avec l’arrêt des achats d’or par la Banque centrale, la société Maaden Mauritanie aurait dû délivrer plusieurs licences pour acheter l’or aux mineurs. En réalité, les forces de sécurité ont imposé un monopole à une seule société, qui a pu pratiquer des prix très bas. Cette société serait liée à un proche du président.

Même si le monopole a été levé fin 2024 à la suite des plaintes des mineurs, aucun système équitable n’a été instauré. Entre 2022, environ 11,2 tonnes d’or traditionnel ont été exportées clandestinement, soit plus de quatre fois les exportations officielles, suggérant une concentration des profits dans un cercle restreint.

Réseaux étroits et tensions sociales

L’étude indique que la croissance du secteur extractif bénéficie de manière disproportionnée aux réseaux liés au business, à la politique et à l’armée, accentuant les tensions sociales et économiques.

Bien que les statistiques semblent montrer une baisse relative des inégalités, la réalité mauritanienne est marquée par des divisions sociales et politiques profondes, différentes de celles observées au Sénégal ou au Mali.

La population aisée appartient majoritairement aux Bidan (Arabes), tandis que les Haratin constituent la majorité des pauvres. Les Peuls, Soninké et Wolofs forment le troisième groupe, dont l’histoire est marquée par des épisodes de déportation, expropriation et répression (1989-1992).

Une gouvernance paternaliste

Selon un politicien proche de la présidence cité dans l’étude : « Les Bidan détiennent la force militaire, la richesse et l’éducation ». L’étude note que malgré les appels à réformer cette structure sociale rigide, aucune initiative sérieuse de réforme n’a été lancée, ni sous Ghazouani ni sous son prédécesseur.

Le gouvernement privilégie des programmes sociaux d’apaisement (santé, logement, revenu) pour les populations pauvres, mais une partie importante des fonds est siphonnée par le népotisme. De même, les victimes des événements de 1989-1992 ont bénéficié de compensations discrétionnaires, sans processus public de vérité ou d’attribution de responsabilités.

Un système social source de frustration

L’étude conclut que de larges segments de la population ont des motifs légitimes de ressentir un profond mécontentement face à un système jugé fondamentalement injuste. Toute croissance économique risque de renforcer les tensions politiques si elle profite aux mêmes cercles restreints.

Le projet “Megatrends Afrika”

Lancé fin 2021 et financé par plusieurs ministères allemands, le projet étudie les grands mouvements structurels (méga-trends) en Afrique, tels que la violence, le changement climatique, la démographie, la numérisation, l’urbanisation, et leur impact sur la gouvernance, les conflits et la puissance globale, ainsi que sur la coopération Europe-Afrique. Le projet se termine à la fin de 2025. alakhbar.info


Articles similaires

Bouton retour en haut de la page