Le Maroc retrouve son triple B

C’est une première depuis 2010: le Maroc vient de retrouver un triple B grâce à l’agence de notation Standard & Poor’s Par ailleurs, chez Moody’s et Fitch, le Maroc conserve une note de Ba1 et BB+, respectivement.
Fitch Ratings maintient le Maroc à « BB+ »
Les notations « BB+ » du Maroc reflètent des politiques macroéconomiques solides, un soutien fort des créanciers officiels, un profil de dette favorable et des réserves de liquidité internationale confortables. Ces points forts sont compensés par des indicateurs de développement et de gouvernance inférieurs à ceux des pairs, un endettement public élevé et l’exposition de l’économie aux conditions climatiques défavorables.
Réformes fiscales soutenant les recettes fiscales :
Fitch prévoit que le déficit budgétaire du gouvernement central (GC) se stabilisera à 3,8 % du PIB en 2025 et en moyenne à 3,1 % sur 2026-2027 (2024 : 3,8 %). Les recettes fiscales devraient se stabiliser à 18,7 % du PIB sur la période de prévision (2024 : 18,8 %). Cela reflète l’impact des récentes réformes fiscales qui ont simplifié le système et renforcé la conformité, compensé par la non-récurrence de la régularisation fiscale volontaire de 2024 et la réforme de l’impôt sur le revenu 2025 qui réduit les taux effectifs.
Les recettes non fiscales devraient diminuer à 3,6 % du PIB sur la période de prévision (2024 : 4,2 %) alors que le gouvernement réduit progressivement les « mécanismes de financement innovants » grâce à l’amélioration de la situation fiscale. Les recettes totales devraient en moyenne représenter 22,5 % du PIB (2024 : 23,3 %).
Baisse des investissements compensant la hausse des dépenses courantes :
Les dépenses devraient diminuer à 25,8 % du PIB sur 2025-2027 (2024 : 27,1 %) car la baisse des investissements (Capex) compense la hausse des dépenses courantes. Les dépenses courantes devraient en moyenne représenter 20,2 % du PIB sur la période (2024 : 19,4 %), en raison de dépenses sociales plus élevées, notamment dans l’éducation et la santé. Les investissements devraient baisser à 6,0 % du PIB en moyenne sur 2025-2027 (2024 : 7,4 %), reflétant l’achèvement progressif de grands projets comme le Programme national d’alimentation en eau potable et d’irrigation ainsi que l’aide au logement introduite dans le budget 2023.
Dette élevée mais structure favorable :
La dette du GC devrait progressivement diminuer à 67,0 % du PIB en 2025 et 65,3 % en 2027 (2024 : 68,0 %), restant nettement au-dessus de la médiane « BB » (2027 : 52,1 %). Les risques de refinancement et de change sont contenus malgré le ratio dette/PIB élevé. Fin 2024, la dette était majoritairement composée d’instruments moyen et long terme (88 %), à taux fixe (89 %) et en dirhams (75 %). La dette externe est principalement concessionnelle, avec une part multilatérale et bilatérale de 52 % et 20 % respectivement.
Risques fiscaux liés aux infrastructures :
Le Maroc a lancé un programme important de dépenses d’infrastructures en vue de la Coupe du Monde 2030 qu’il co-organisera. Les projets concernent des infrastructures sportives, aéroports, chemins de fer ainsi que l’eau et l’énergie, estimés à 18 % du PIB selon Fitch. Fitch suppose que ces projets ne pèseront pas sur le budget du GC, la plupart étant financés par des partenariats public-privé, mais il existe des risques pour les finances publiques via des garanties aux entreprises publiques ou des contributions budgétaires plus élevées.
Protestations sociales et risques de dérapage fiscal :
Le Maroc connaît des protestations sociales pour de meilleures protections sociales, services publics et infrastructures. Fitch ne considère pas ces mouvements comme une menace pour la stabilité politique, mais ils peuvent entraîner des dépenses sociales et d’investissement plus élevées, avec des effets fiscaux potentiels.
Secteur agricole plus faible limitant la croissance :
La croissance du PIB réel est restée stable à 3,8 % en 2024 (2023 : 3,7 %) en raison d’une contraction importante de l’agriculture compensant la progression du secteur non agricole. Fitch prévoit une accélération à 4,4 % en 2025 et une moyenne de 3,9 % sur 2026-2027, grâce à une pluviométrie favorable début 2025 et à la performance continue des industries exportatrices et des infrastructures.
Montée des infrastructures élargissant le déficit courant :
Le déficit du compte courant (CAD) devrait atteindre 1,4 % du PIB en 2025 et 2,4 % en moyenne sur 2026-2027 (2024 : 1,2 %), en raison de la détérioration du déficit commercial et de la stabilisation de l’excédent des services. Le déficit commercial devrait en moyenne représenter 17,7 % du PIB sur 2025-2027 (2024 : 16,9 %) avec la montée en puissance des projets d’infrastructures, tandis que l’excédent des services se stabilisera à 8,3 % (2024 : 8,7 %).
Réserves de liquidité solides :
La résilience externe du Maroc est soutenue par 45 milliards USD de réserves fin août 2025 (contre 37 milliards USD en août 2024). Fitch prévoit que les réserves resteront robustes grâce aux exportations et aux IDE nets. Elles devraient représenter en moyenne 5,3 mois de paiements externes sur 2025-2027 (2024 : 5,2 mois), supérieures à la médiane « BB » (4,8 mois). L’IMF a approuvé en avril un deuxième arrangement de deux ans sous Flexible Credit Line (~4,5 milliards USD), offrant un coussin supplémentaire.
ESG – Gouvernance :
Le Maroc a un ESG Relevance Score (RS) de 5 pour la stabilité politique et les droits, ainsi que pour l’État de droit, la qualité institutionnelle et réglementaire et le contrôle de la corruption. Ces scores reflètent le poids élevé des indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale (WBGI) dans le modèle souverain de Fitch. Le Maroc se classe 41,1 sur ces indicateurs, montrant un niveau modéré de participation politique, de capacité institutionnelle, d’État de droit et de corruption.
La stabilité politique a été préservée au cours de la dernière décennie, malgré des tensions sociales et un chômage élevé, notamment chez les jeunes urbains.
SENSIBILITÉS DE LA NOTATION
Facteurs pouvant conduire à une révision à la baisse :
- Finances publiques : augmentation significative de la dette publique/PIB.
- Macro : perspectives de croissance plus faibles ou instabilité macroéconomique accrue.
- Finances externes : augmentation des vulnérabilités externes (baisse des réserves ou des IDE).
Facteurs pouvant conduire à une amélioration de la notation :
- Finances publiques : réduction durable de la dette publique/PIB.
- Macro, structurel : croissance à moyen terme plus forte grâce aux réformes et à la diversification économique, réduisant l’exposition aux conditions climatiques extrêmes et le retard par rapport aux pairs.
MODÈLE DE NOTATION SOVÉRAINE ET AJUSTEMENT QUALITATIF
Le modèle propriétaire SRM de Fitch attribue au Maroc une note équivalente à « BB ». Fitch a appliqué un ajustement qualitatif (+1 cran) pour tenir compte de la stabilité macroéconomique et de la résilience aux chocs, aboutissant à la note finale « BB+ ».
PLAFOND PAYS
Le plafond pays pour le Maroc est « BB+ », aligné sur la note LT FC IDR, reflétant l’absence de contraintes significatives sur la convertibilité et le transfert de capitaux.
CONSIDÉRATIONS ESG
- Stabilité politique et droits : score 5, impact négatif sur la notation.
- État de droit et contrôle de la corruption : score 5, impact négatif.
- Droits humains et libertés politiques : score 4, impact négatif.
- Droits des créanciers : score 4+, impact positif grâce à une longue histoire de remboursement sans restructuration.
Les scores ESG indiquent la pertinence et la matérialité de ces facteurs pour la notation, mais ne sont pas directement intégrés dans le processus de notation.
Pour plus de détails : Fitch ESG