
Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes
Le chapitre V de l’Instruction Générale des Opérations de Change-24(l’IGOC-24) consiste en un ensemble de dispositions visant à établir un cadre libéral pour la réalisation des opérations d’importation et d’exportation des instruments de paiement.
Ces dispositions concernent les instruments de paiement libellés en devises (section 1) et ceux libellés en dirhams (section 2).
Dans le présent entretien, nous allons interroger Omar Bakkou au sujet des dispositions de la première section indiquée ci-dessus.
La section 1 relevant du chapitre V présentée ci-dessus comprend six articles. Le premier article est intitulé « importation d’instruments ou moyens de paiement libellés en devises ou négociables au porteur ». Pourriez-vous nous parler de cet article ?
Cet article a pour objet d’autoriser les personnes physiques résidentes ou non-résidentes à importer librement au Maroc des instruments de paiement libellés en devises et/ou d’instruments négociables au porteur, sans limitation de montant.
Pourquoi l’IGOC-24 prévoit un article qui autorise les personnes physiques résidentes ou non-résidentes à importer librement au Maroc des instruments de paiement libellés en devises et/ou d’instruments négociables au porteur ?
Car l’article 9 de l’IGOC-24 dispose que cette instruction a pour objet de définir les opérations de change librement réalisables.
Or ces opérations comprennent, selon l’article 2 de l’IGOC-24, les mouvements de fonds entre le Maroc et l’étranger.
Ces mouvements peuvent s’effectuer « virtuellement » (à travers les banques et les établissements de paiement) ou matériellement à travers l’exportation et l’importation de fonds par les personnes physiques.
Les dispositions de la règlementation des changes relatives aux mouvements « virtuels » de fonds ont été traitées lors des précédents entretiens, notamment dans la dix-huitième, la trente neuvième, la quarantième, la quatre-vingt onzième et la quatre-vingt douzième parties de notre entretien.
Quant aux dispositions relatives aux mouvements matériels de fonds, ils sont traités dans le chapitre V de l’IGOC-24.
Ce chapitre comprend comme indiqué ci-dessus deux sections : une première relative aux mouvements matériels de fonds en devises et une seconde relative aux mouvements matériels de fonds en dirhams.
La première section relative aux mouvements matériels de fonds en devises comprend elle-même deux parties : une première relative aux importations matériels de fonds (mouvement dans le sens étranger-Maroc) et une seconde relative aux exportations matériels de fonds (mouvement dans le sens Maroc-Etranger).
Pour revenir à votre question, l’IGOC-24 prévoit un article qui autorise les personnes physiques à importer au Maroc des instruments de paiement en devises, car cette opération est une opération de change.
Par conséquent, cette autorisation est nécessaire, car dans le cas contraire les importations précitées seraient interdites en vertu des dispositions réglementaires régissant les opérations de change.
La section 1 relevant du chapitre V présentée ci-dessus comprend un deuxième article intitulé « Déclaration aux services douaniers à l’entrée du territoire assujetti, des billets de banque et des instruments financiers négociables au porteur ». Pourriez-vous nous éclairer au sujet du contenu de cet article ?
Cet article est lié au précédent. En effet, le cadre libéral établi en matière d’importation d’instruments de paiement libellés en devises et/ou d’instruments négociables au porteur demeure soumis à des conditions déclaratives.
Ces déclarations peuvent être soit obligatoires, soit facultatives.
Quand est-ce-que les déclarations précitées sont obligatoires ?
La « déclaration aux services douaniers à l’entrée du territoire assujetti, des billets de banque et des instruments financiers négociables au porteur » est obligatoire lorsque leur valeur est égale ou supérieure à 100.000 dirhams.
Et quand est-ce-que les déclarations précitées sont facultatives ?
La « déclaration aux services douaniers à l’entrée du territoire assujetti, des billets de banque et des instruments financiers négociables au porteur » est facultative lorsque leur valeur est inférieure à 100.000 dirhams.
Pourquoi l’IGOC-24 prévoit une disposition relative aux déclarations facultatives.
La déclaration constitue une preuve que les devises sont rentrées au Maroc.
Cette preuve peut être utilisée par les personnes comme document justificatif pour la réalisation de certaines opérations, notamment :
– L’alimentation des comptes en devises ou en dirhams convertibles des non-résidents et des étrangers ;
-L’alimentation des comptes en devises en dirhams convertibles des exportateurs ;
-la réexportation desdites devises par les non-résidents et les étrangers.
La section 1 relevant du chapitre V présentée ci-dessus comprend un troisième article intitulé « Détention et échange d’instruments ou moyens de paiement libellés en devises au Maroc ». Pourriez-vous nous parler de cet article ?
Cet article comprend deux parties.
La première partie(a) concerne la détention de devises par les résidents.
Quant à la deuxième partie(b), elle concerne la détention de devises par les non-résidents.
Quelles sont les dispositions prévues en matière de détention de devises importées par les résidents ?
En vertu de l’article 9 de l’IGOC-24, les résidents ne peuvent pas détenir des devises en billets de banque ou en d’autres instruments paiement, à moins qu’ils ne soient autorisés par une disposition explicite de cette instruction.
Par conséquent, le troisième article de la section 1 relevant du chapitre V encadre cet aspect en permettant aux personnes résidentes ayant importé des devises de garder ces devises pendant trente jours. Passé ce délai, les personnes résidentes ayant importé des devises sont tenues de les céder aux banques ou aux opérateurs de change manuel ou aux sous-délégataires
Toutefois , des dispositions dérogatoires sont prévues à ce titre en faveur des étrangers résidents et des exportateurs de biens et de services.
En effet, les étrangers résidents peuvent dans un délai de 30 jours procéder au versement des billets de banque dans leurs comptes en devises ou en dirhams convertibles ouverts auprès d’une banque marocaine conformément aux dispositions de l’article 157 de l’IGOC-24.
Ils peuvent également détenir, sans restriction de délai, des devises sous forme de chèques de voyage, chèques bancaires ou postaux, lettres de crédit, carte de paiement ainsi que tout autre moyen de paiement libellé en devises émis à l’étranger.
De même, les exportateurs de biens et de services peuvent dans un délai de 30 jours procéder au versement des billets de banque dans leurs comptes en devises ou en dirhams convertibles ouvert auprès d’une banque marocaine conformément aux dispositions de l’article 66 de l’IGOC-24.
Et quelles sont les dispositions prévues en matière de détention de devises importées par les non-résidents ?
Les non-résidents sont autorisées à détenir les devises importées durant toute la période de leur séjour au Maroc.
Ils sont également autorisés à échanger les devises importées en dirhams au moment qui leur convient.
La section 1 relevant du chapitre V présenté ci-dessus comprend un quatrième article intitulé « Règlement de dépenses au Maroc ». Pourriez-vous nous parler de cet article ?
Cet article dispose ce qui suit : « Pour leurs dépenses au Maroc, les personnes physiques non-résidentes doivent échanger leurs devises contre des dirhams auprès des banques, des opérateurs de change manuel ou des sous-délégataires ».
Ces dispositions ont deux principales implications.
La première implication concerne le fait que les personnes physiques non-résidentes ne peuvent pas payer leurs dépenses au Maroc en devises.
Quant à la deuxième implication elle concerne le fait que les personnes physiques non-résidentes ne peuvent pas « ne pas payer » leurs dépenses au Maroc. Autrement dit, les non-résidents qui acquièrent une marchandise au Maroc sans l’avoir payé serait en infraction à la règlementation des changes.