
Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes
Lors du précédent entretien, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des dispositions de la règlementation des changes régissant les comptes en dirhams convertibles « dotation voyages d’affaires ».
Les explications fournies par l’économiste nous ont permis de comprendre les modalités de fonctionnement de ces comptes.
Ces modalités soulèvent des questionnements concernant leurs pertinences.
Ces questionnements feront l’objet du présent entretien.
Quel regard portez-vous sur les dispositions de la règlementation des changes régissant les comptes en dirhams convertibles « Voyages d’affaires » ?
A mon avis le régime des comptes en dirhams convertibles « Voyages d’affaires » n’a aucune raison d’être.
Pourquoi ?
Pour bien répondre à votre question, il est nécessaire de comprendre la logique derrière la mise en place de comptes en dirhams convertibles par les règlementations des changes des différents pays du monde.
Cette finalité découle de la volonté de ces règlementations d’accorder des avantages particuliers en matière de convertibilité de la monnaie nationale à des entités qui génèrent des recettes en devises.
« Accorder des avantages particuliers », cela signifie que les entités en faveur desquels ces avantages sont accordés seront en principe autorisées à effectuer les opérations en question et non pas obligées de les effectuer.
Alors que dans le cas d’espèce, les entités concernées sont tenues de détenir des comptes en dirhams convertibles pour effectuer leurs opérations de voyages professionnels.
Cette obligation pourrait avoir une seule explication, c’est que ces comptes sont conçus comme instrument de traçabilité des opérations de voyages.
Or, cette traçabilité peut être établie à travers la disposition relative à l’obligation de domiciliation des paiements en devises auprès d’un guichet bancaire donné.
La domiciliation, pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
La domiciliation est une formalité qui consiste à obliger une entité donnée à exécuter un certain nombre d’opérations auprès d’un seul guichet bancaire choisi par l’entité concernée.
Cette formalité est généralement conçue pour les opérations qui donnent lieu à une série de paiements concernant une même opération économique, sur la base des mêmes documents justificatifs, telles les opérations d’importation et celles relatives aux voyages, etc.
Cette spécificité requiert la mise en place d’une disposition réglementaire qui oblige les opérateurs concernés à effectuer l’ensemble de leurs paiements en devises relatifs à l’opération concernée auprès d’un même guichet bancaire.
Cette disposition permet en effet de centraliser les informations relatives à une série de paiements afférents à une même opération, laquelle centralisation permet d’assurer la traçabilité de l’ensemble paiements en devises, et ce, afin de pouvoir vérifier à postériori la conformité des opérateurs concernés aux dispositions de la règlementation des changes.
Donc si j’ai bien compris, aucune raison logique ne justifie l’institution de comptes en dirhams convertibles dédiés à la réalisation d’opérations relatives aux « voyages d’affaires » ?
Absolument, particulièrement si on normalise les dispositions de la règlementation des changes régissant les voyages professionnels.
Normalisation des dispositions de la règlementation des changes régissant les voyages professionnels, comment ?
La normalisation désigne l’alignement des dispositions de la règlementation des changes régissant les voyages professionnels à celles relatives aux opérations de services.
Car ,comme je l’ai suffisamment expliqué lors de la trentième partie de notre entretien, les voyages professionnels constituent des opérations de services qui doivent logiquement bénéficier d’un cadre libéral similaire à celui réservé aux opérations des services.
Ce cadre consisterait à permettre aux personnes morales résidentes d’effectuer les paiements en devises , quel que soit leur montant , pour la réalisation d’opérations de voyages.
Cette permission serait accordée, à l’instar des autres catégories de services, sur présentation d’un document qui justifie « l’effectivité présumée » du voyage, à savoir :
-La facture (réservation d’hôtel, etc.), pour les paiements au titre des dépenses de voyages effectuées par virement bancaire ;
– Tout document délivré par l’entité dont relève la personne effectuant le voyage (ordre de mission, etc.) précisant l’objet et les frais liés au voyage, pour les paiements au titre des dépenses de voyages effectuées en billets de banque ou par carte de paiement internationale.
Ainsi , l’adoption de ce système permettrait de simplifier les formalités bancaires documentaires relatives aux voyages professionnels, et partant, de remédier à la complexité précitée.