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Pêche artisanale: Le Maroc soutient l’Inde à l’OMC

Dans un développement majeur au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), environ 50 pays en développement et les pays les moins avancés (PMA) – parmi lesquels la Tunisie, le Sénégal, le Bangladesh et le Maroc – se sont ralliés à la position défendue par l’Inde en faveur de règles équitables sur les subventions à la pêche.

Cette coalition soutient la demande indienne d’un cadre de subventions fondé sur une approche par habitant, ainsi que d’un traitement spécial et différencié (S&DT) afin de protéger les moyens de subsistance des pêcheurs artisanaux et de petite échelle.

L’initiative s’inscrit dans le cadre des négociations en cours dites « Fish 2 », visant à réduire les subventions contribuant à la surpêche et à la surcapacité, tout en conciliant durabilité et protection des communautés de pêche vulnérables.

Les négociations à l’OMC

Les négociations sur les subventions à la pêche ont débuté en 2001, suite au mandat de Doha, qui visait à clarifier et renforcer les règles encadrant les subventions favorisant la surpêche.

L’Accord de 2022, connu sous le nom de « Fish 1 », a marqué une étape historique en interdisant les subventions pour la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) ainsi que pour les stocks surexploités. Cependant, plusieurs sujets sensibles ont été laissés en suspens, notamment les subventions responsables de la surcapacité et de la surpêche, d’où l’ouverture des négociations Fish 2.

L’argument de l’Inde

L’Inde, qui possède une importante population de pêcheurs, supérieure à celle de 112 pays réunis, plaide pour une approche juste et proportionnelle. Le secteur halieutique indien est majoritairement traditionnel, artisanal et de petite échelle, avec des subventions s’élevant à environ 274 millions USD par an, contre 7,3 milliards pour la Chine, 3,8 milliards pour l’Union européenne, et 3,4 milliards pour les États-Unis.

L’Inde estime que les plafonds globaux de subventions désavantagent injustement les pays en développement, car ils ne tiennent pas compte des différences démographiques.

Propositions clés de l’Inde

  1. Un cadre de subventions par habitant
    • Cette approche répartirait les plafonds de subventions en fonction du nombre de pêcheurs, et non du montant global.
    • Par exemple, les subventions de l’Inde équivalent à environ 35 USD par pêcheur, contre jusqu’à 76 000 USD dans certains pays européens.
  2. Exemption de 25 ans pour les pays en développement
    • L’Inde propose une exemption de 25 ans pour les pays en développement n’exerçant pas la pêche en haute mer (au-delà de 200 milles nautiques).
    • Cette mesure permettrait aux pays comme l’Inde de maintenir les subventions au sein de leur zone économique exclusive (ZEE) pour soutenir les communautés traditionnelles.
    • En parallèle, l’Inde demande une réglementation renforcée pour les pays historiquement gros subventionneurs (pays développés avec flottes industrielles), avec un moratoire de 25 ans sur leurs subventions.

Soutien massif et principe de responsabilité commune mais différenciée

Le soutien de 50 pays en développement et PMA montre que la position de l’Inde résonne à l’échelle mondiale.
Ces pays, dont beaucoup dépendent de la pêche artisanale pour la sécurité alimentaire et les revenus, invoquent le principe de responsabilités communes mais différenciées (CBDR) :
les pays ayant historiquement surexploité les ressources marines devraient assumer une responsabilité accrue en matière de réduction des subventions.

Ce soutien renforce la posture de l’Inde face aux critiques selon lesquelles elle freinerait les progrès. Au contraire, ses propositions sont présentées comme une demande collective de justice économique.

Enjeux socio-économiques pour l’Inde

L’Inde est le troisième producteur mondial de poissons. Le secteur soutient environ 30 millions de personnes, dont les familles de pêcheurs.

Contrairement aux flottes industrielles, la pêche en Inde est largement durable, avec des mesures comme un moratoire de 61 jours chaque année. Supprimer les subventions pour les petits pêcheurs menacerait leur survie, accroîtrait la pauvreté côtière et mettrait en péril la sécurité alimentaire.

De plus, les pêcheurs indiens subissent la concurrence de flottes étrangères subventionnées, notamment en haute mer. Ces flottes réduisent les stocks disponibles pour la pêche locale. L’Inde demande donc plus de transparence et de contrôle international.

Tensions à l’OMC

Certains pays développés estiment qu’une exemption de 25 ans risque de compromettre les objectifs environnementaux de l’accord. Des experts comme Christine McDaniel (citée dans The Hindu) soulignent la nécessité de mécanismes de transparence robustes, au-delà des simples déclarations volontaires.

L’Inde répond que sans règles équitables, l’accord ne ferait que renforcer les inégalités structurelles entre pays riches et pays en développement.

Perspectives

L’Inde s’affirme comme porte-parole des pays du Sud à l’OMC, défendant une vision du commerce plus juste et durable.

Ses propositions — cadre par habitant, exemptions ciblées, responsabilisation historique — pourraient transformer les règles commerciales mondiales en matière de pêche.

Le soutien de 50 pays renforce son influence et indique un large consensus pour un système plus inclusif. indiabusinesstrade

En protégeant ses pêcheurs et ses ressources marines, l’Inde défend ses intérêts nationaux tout en posant les bases d’un nouvel équilibre commercial mondial plus équitable.

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