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Afrique: Comment la Russie se fait des amis et gagne en influence

Le Maroc se classe juste après l’Égypte, en tête d’étudiants africains en Russie

Nelson Mandela disait que l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde, et il semble que le président russe Vladimir Poutine partage cet avis. Avec un nombre croissant d’étudiants africains inscrits dans les universités russes, le Kremlin considère désormais l’éducation comme un levier stratégique pour renforcer son influence en Afrique.

Lorsque Poutine accède au pouvoir à la fin des années 1990, on ne compte plus que 4 000 étudiants africains dans les universités russes — bien loin des 15 000 présents durant l’ère soviétique. Ce recul s’explique par la chute des financements publics après l’implosion de l’URSS, conjuguée à une hausse des frais de scolarité pour les étrangers, devenue un obstacle pour de nombreux Africains.

Mais sous l’impulsion de Poutine, cette tendance s’est nettement inversée : les échanges éducatifs sont redevenus un axe majeur de coopération avec l’Afrique. Le nombre d’étudiants africains est passé à 7 000 en 2007, puis 17 000 en 2017, dépassant ainsi les chiffres de l’ère soviétique.

Une répartition géographique élargie

Contrairement à l’époque soviétique où la majorité des étudiants étaient concentrés à Moscou et Saint-Pétersbourg, ces deux villes n’accueillent aujourd’hui que 25 % des étudiants africains. Ces derniers fréquentent désormais 300 universités réparties dans 90 villes différentes.

Le sommet Russie-Afrique de 2019 marque un tournant, avec un quasi-doublement du nombre d’étudiants africains en Russie, qui atteint 34 000 en 2023. C’est une hausse de 500 % en quinze ans, et l’ambitieux plan d’action 2023–2026 laisse entrevoir de nouvelles augmentations.

L’objectif est clair : former une élite africaine russophone, imprégnée de normes techniques russes, favorable aux intérêts politiques et économiques de Moscou. Ces diplômés faciliteront les affaires, renforceront la confiance et consolideront l’influence russe sur le continent.

Une dynamique en pleine accélération

Selon l’agence gouvernementale Rossotrudnichestvo, les universités russes ont reçu 14 000 candidatures d’Africains pour l’année universitaire 2024-2025 — une hausse de 27 % par rapport à 2023. Le nombre total d’étudiants africains en Russie pourrait ainsi bientôt dépasser les 40 000.

Les demandes pour les filières agricoles, en particulier, ont été multipliées par cinq en cinq ans. Cela pourrait faire de la Russie un acteur clé dans la sécurité alimentaire de l’Afrique, avec des implications politiques évidentes.

Une alternative accessible aux étudiants africains

La Russie séduit par des visas simplifiés, un coût de la vie abordable et des frais de scolarité modérés. Si les États-Unis restent en tête avec plus de 50 000 étudiants africains, la Russie comble rapidement l’écart, les Africains représentant 10 % des admissions universitaires en Russie, contre 4,5 % aux États-Unis.

En 2024, le nombre de bourses d’État russes pour les Africains a doublé, atteignant près de 5 000, contre 2 300 l’année précédente. De plus, la Russie prévoit d’étendre la procédure de candidature à d’autres langues africaines, notamment le français, pour s’adapter à ses ambitions dans les pays francophones, surtout au Sahel.

Des centres d’enseignement du russe ont aussi été ouverts en Égypte, Algérie, Mali, Nigeria, RDC, Zimbabwe et Côte d’Ivoire, et des projets similaires sont en cours pour l’Afrique du Sud et le Botswana. Objectif : faciliter l’intégration linguistique et académique des étudiants africains.

Vers plus de coopération universitaire et sectorielle

Pour l’instant, la majorité des bourses concernent les cycles master et doctorat, mais des programmes de licence sont envisagés. Cela pourrait conduire à des séjours encore plus longs en Russie.

L’Égypte, nouveau membre des BRICS, représente à elle seule près de 15 000 étudiants, soit près de la moitié des effectifs africains en Russie. Elle est suivie par le Maroc, le Nigeria, l’Algérie et le Ghana. Au total, plus de 250 000 Africains sont diplômés des universités russes – un chiffre appelé à tripler d’ici une génération.

Les disciplines les plus prisées sont la médecine, l’ingénierie, la gestion, les technologies, la finance et l’économie — des domaines clés pour le développement de l’Afrique. Face aux tentatives occidentales d’isoler Moscou, de nombreux gouvernements africains voient dans cette coopération une opportunité stratégique.

La Russie envisage également d’implanter des campus universitaires en Afrique. En 2023, le président égyptien al-Sissi a donné son feu vert à l’ouverture de succursales des universités de Kazan et de Saint-Pétersbourg. D’autres implantations sont à l’étude.

Enfin, un accord a été signé entre neuf pays africains (dont l’Afrique du Sud) et l’université des Mines de Saint-Pétersbourg, en vue de créer un réseau de formation spécialisé dans les ressources naturelles, destiné à renforcer les liens entre entreprises africaines et russes.

Clairement, Poutine veut récolter les fruits de son investissement éducatif.

Par Nicholas Shubitz est analyste indépendant spécialiste des BRICS.(businesslive)

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