
Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes
Lors du précédent entretien, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des dispositions de la règlementation des changes régissant les comptes en devises des entreprises bénéficiant du statut CFC.
Les explications fournies par l’économiste avait une double portée : descriptive et analytique.
La portée descriptive réside dans la présentation de l’objet et de la logique de fonctionnement des comptes en devises des entreprises bénéficiant du statut CFC.
Quant à la portée analytique, elle réside dans l’identification de certains dysfonctionnements des comptes précités et, partant, la proposition de quelques mesures concrètes pour pallier ces dysfonctionnements.
Dans le présent entretien, nous allons interroger Bakkou au sujet d’une autre catégorie de comptes en devises , à savoir les comptes en devises détenus dans le cadre de la régularisation des avoirs et liquidités détenus à l’étranger .
Quelles sont les modalités de fonctionnement des comptes en devises détenus dans le cadre de la régularisation des avoirs et liquidités détenus à l’étranger ?
Préalablement à la définition des modalités de fonctionnement des comptes en devisesdétenus dans le cadre de la régularisation des avoirs et liquidités détenus à l’étranger, il convient au préalable de préciser la finalité présumée de ces comptes.
Cette finalité est de faire bénéficier les titulaires de ces comptes d’un régime de convertibilité quasi- totale pour les avoirs en devises détenus dans le cadre de la régularisation des avoirs et liquidités détenus à l’étranger.
Quels sont les détenteurs de ces comptes ?
Les détenteurs de ces comptes sont les personnes ayant procédé à la régularisation de leurs avoirs et liquidités détenus à l’étranger en infraction à la règlementation des changes, dans le cadre des trois opérations de contribution libératoire adoptées par le gouvernement, à savoir celle adoptée en 2014, celle adoptée en 2020 et celle adoptée en 2024.
Ces personnes sont les suivantes :
-Les personnes physiques de nationalité marocaine ayant une résidence fiscale au Maroc ;
-Les personnes physiques de nationalité marocaine ayant une résidence fiscale au Maroc disposant de nationalité étrangère ;
-Les personnes morales de droit marocain ayant un siège social ou un domicile fiscale au Maroc et les personnes physiques résidentes au Maroc.
Qu’est-ce que vous entendez par avoirs détenus en infraction à la règlementation des changes ?
Les avoirs détenus en infraction à la règlementation des changes désignent les avoirs en devises constitués à l’étranger sans autorisation de l’Office des Changes.
Cette autorisation peut être générale ou particulière.
Une autorisation générale désigne pour rappel une autorisation par instruction ou circulaire de l’Office des Changes.
Quant à une autorisation particulière, il s’agit d’une autorisation accordée par l’Office des Changes à une personne physique ou morale.
Les avoirs précités peuvent être des biens immeubles situés à l’étranger, des actifs financiers et des avoirs liquides.
Vous dites ci-dessus que la finalité des dispositions régissant les comptes en devises détenus dans le cadre de la régularisation des avoirs et liquidités détenus à l’étranger est de faire bénéficier les détenteurs de ces comptes d’un régime de convertibilité quasi- totale pour les avoirs et liquidités précités. Pourriez-vous nous éclairer davantage sur ce que vous entendez par régime de convertibilité de ces avoirs ?
Le régime de convertibilité pour les avoirs détenus dans le cadre de la régularisation des avoirs et liquidités détenus à l’étranger signifie que les personnes qui détiennent ces avoirs peuvent en disposer librement et les mouvementer sans restriction.
La liberté de disposition et de mouvement des avoirs précités concerne les avoirs liquides, financiers et réels.
En effet, pour les avoirs sous forme de liquidités détenus à l’étranger, leurs détenteurs peuvent les garder dans des comptes en devises à l’étranger ou dans des comptes en devises ouverts au Maroc, ils peuvent également les investir au Maroc ou à l’étranger, ils peuvent disposer des revenus de ces investissements, ils peuvent réinvestir librement ces revenus au Maroc ou à l’étranger, ils peuvent également céder lesdits investissements, les réinvestir au Maroc ou à l’étranger, etc.
De même, pour les avoirs sous forme d’actifs financiers ou réels détenus à l’étranger, ils peuvent disposer des revenus de ces investissements, ils peuvent réinvestir librement ces revenus, ils peuvent également céder lesdits investissements, les réinvestir au Maroc ou à l’étranger, etc.
Vous avez ci-dessus souligné que la finalité du régime des comptes en devises détenus dans le cadre de la régularisation des avoirs et liquidités détenus à l’étranger est de faire bénéficier les personnes concernées par cette opération d’un régime de convertibilité quasi- totale pour les avoirs en devises détenus par lesdites personnes. Or, les explications présentées ci-dessus laissent entendre que ces personnes bénéficient d’un régime de convertibilité « totale » et non pas « quasi-totale » !
En fait, les personnes ne bénéficient pas d’un régime de convertibilité totale, et ce, pour les deux raisons suivantes :
-La première raison est que les avoirs liquides doivent être rapatriés au Maroc et cédés sur le marché des changes à concurrence d’au moins 25% du montant de ces avoirs.
-La seconde raison est que le produit de cession ou de liquidation des investissements réalisés au Maroc sous forme d’acquisition d’actifs , autres que les actifs financiers négociés sur un marché règlementé, ne bénéficient pas du régime de convertibilité totale.
La première raison est claire. Quant à la seconde raison, elle l’est moins, Pourriez-vous nous en éclairer davantage ?
Il s’agit d’une restriction similaire à celle établie pour les comptes Ex-MRE.
Cette question a été traitée de manière assez détaillée dans la cent soixante huitième partie de notre entretien.