LafargeHolcim Maroc contre-attaque au Cameroun face à la montée des nouveaux acteurs

Les Cimenteries du Cameroun (Cimencam), entreprise contrôlée par le groupe LafargeHolcim-Maroc Afrique (LHMA), a procédé le 12 juin 2025 à Figuil, dans la région du Nord du pays, à l’inauguration de sa filiale Cimencam Figuil (CIMFIG) et sa nouvelle ligne de production de ciment et de clinker. La cérémonie d’inauguration a été présidée par le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Nguté.
« Le chef de l’Etat m’a envoyé ici à cause de l’importance de l’évènement. C’est-à-dire l’inauguration de cette usine, qui produit non seulement du ciment mais aussi du clinker. Le clinker, comme vous le savez, est fondamental dans la production du ciment. C’est la première usine de ce type au Cameroun. (…) Je pense que c’est l’industrialisation du Cameroun qui est en marche », s’est réjoui le chef du gouvernement au sortir de la cérémonie.
En effet, la matière première stratégique qu’est le clinker est massivement importée par les différentes cimenteries en activité au Cameroun. Ces importations, qui contribuent à creuser le déficit commercial du Cameroun, sont d’ailleurs généralement pointées du doigt pour justifier la cherté du ciment sur le marché local, en dépit de la multiplication des usines depuis 2015. La production locale de cette matière première, qui induira la réduction des importations, est donc une aubaine pour l’ensemble de la filière.
Le Tchad en ligne de mire
Dotée d’une capacité de production de 500 000 tonnes de ciment par an et de 1000 tonnes de clinker chaque jour, la nouvelle ligne de production de CIMFIG participe de l’extension de la cimenterie de Figuil, vieille de 40 ans et disposant jusqu’ici d’une capacité de production de seulement 150 000 tonnes de ciment. Le coût de l’investissement réalisé dans le cadre de cette extension est d’environ 50 milliards de FCFA, apprend-on officiellement.
« Ce projet industriel majeur marque une étape décisive dans la stratégie de développement de Cimencam et de réindustrialisation du Cameroun. (…) Cette usine intégrée a été mise sur pied afin de répondre aisément au besoin sans cesse croissant dans le Grand-Nord, et également au Tchad voisin », souligne Cimencam dans le communiqué annonçant l’inauguration de CIMFIG et sa nouvelle ligne de production de ciment et de clinker.
En clair, en plus de garantir l’approvisionnement des régions du Nord, de l’Adamaoua et de l’Extrême-Nord du Cameroun, l’usine new-look de CIMFIG entend conquérir le marché tchadien. De sources tchadiennes, le marché local du ciment est très souvent en proie à des pénuries induisant des prix au consommateur très élevés.
En 2024, par exemple, en plus des difficultés de la Société nationale du ciment (Sonacim), en cours de privatisation par l’Etat tchadien, le Marocain Cimaf Tchad, principal producteur du pays, a déclaré une production de ciment en baisse de 50% en glissement annuel. La faute aux contraintes logistiques liées à l’acheminement du clinker à partir du port de Douala, explique le cimentier marocain. (Investir au Cameroun)
Ciment au Cameroun : un marché de plus en plus sous pression avec l’arrivée de Cimaco
Le marché camerounais du ciment entre dans une nouvelle phase de surchauffe concurrentielle. Dès ce mois de juin, une nouvelle marque locale, Cimaco, fait son entrée dans l’arène. Produite par Sinafcam Sarl, une entreprise chinoise basée à Édéa (région du Littoral), cette marque s’annonce avec une capacité annuelle d’un million de tonnes et trois gammes de ciments déjà disponibles : 32.5, 42.5 et 52.5.
Avec ce lancement, le nombre total de cimenteries en activité au Cameroun passe à sept, un jalon significatif atteint dix ans après la fin du monopole historique de Cimencam, filiale du groupe LafargeHolcim Maroc Afrique (LHMA), qui régnait seul sur le marché depuis 48 ans.
Une montée en puissance accélérée depuis 2015
Le paysage concurrentiel s’est brutalement transformé en 2015 avec l’arrivée fracassante du géant nigérian Dangote Cement, qui aligne aujourd’hui une capacité de 1,5 million de tonnes. Il a été rapidement rejoint par d’autres opérateurs :
- Cimaf (Maroc), passé de 500 000 à 1,5 million de tonnes grâce à l’extension de son usine ;
- Medcem Cameroun (600 000 tonnes), filiale du groupe turc Eren Holding ;
- Mira Company, qui a porté sa capacité de 1 million à 1,5 million de tonnes en 2022 ;
- Cimpor (Portugal), avec une production de 1 million de tonnes.
À cela s’ajoutent désormais les ambitions chinoises, avec deux autres cimenteries annoncées à Édéa :
- Central Africa Cement (CAC), avec une capacité projetée de 1,5 million de tonnes ;
- Yousheng Cement, qui vise 1,8 million de tonnes par an.
Face à cette intensification, les enjeux de logistique, de distribution et de différenciation technologique deviennent cruciaux pour la survie et la rentabilité des opérateurs.