Il n’y a pas qu’Elon Musk qui inquiéte du grand projet de loi fiscale de Trump

Il n’y a pas qu’Elon Musk qui s’affole du grand projet de loi fiscale de Donald Trump, intitulé — on se pince pour y croire — « Une Grande et Belle Loi », ou « One Big Beautiful Bill Act » en Anglais dans le texte, volontiers abrégé « OBBBA » outre-Atlantique.
Entre autres polémiques, un article du projet déjà approuvé par le congrès, dit section 899, fait souffler un vent de panique tant à Wall Street — qui voit le risque de flux internationaux subitement s’assécher — que chez les grands gérants d’actifs et investisseurs institutionnels étrangers, en particulier les européens.
Ladite section 899 infligerait en effet une augmentation brutale du prélèvement à la source sur les dividendes distribués par des entreprises américaines à leurs actionnaires étrangers, si toutefois ces derniers sont résidents de pays qui ont adopté une taxation qualifiée par le texte « d’injuste » envers les entreprises américaines, notamment les géants du numérique.
Déjà qualifié d’impôt vengeur — « revenge tax » — par les fiscalistes, les politologues et les analystes avertis, cette mesure est en apparence fidèle à la diplomatie façon Trump : brutale, outrancière, sans égard pour les traités fiscaux précédemment signés, et bien sûr sans aucune once de considération pour les alliés traditionnels des Etats-Unis.
En réalité, sa nature progressive — la retenue à la source augmenterait par échelons annuels — et le risque qu’elle fait peser sur les flux de capitaux entrants aux Etats-Unis laisse penser qu’il s’agit surtout d’un coup de bluff qui vise à tout de suite tordre le bras de la partie adverse.
C’est par ailleurs une technique typique de la diplomatie façon Trump. D’aucuns pourraient déjà se consoler en observant que la méthode de l’intéressé ne produit pour l’instant aucun résultat, et qu’en bout de ligne TACO : « Trump Always Chickens Out », autrement dit « Trump se dégonfle toujours ».
Cela étant dit, si elle était adoptée par le Sénat — à majorité républicaine — cet été, la section 899 impliquerait un manque à gagner immédiat et conséquent pour les actionnaires concernés, institutionnels comme particuliers. Pas étonnant donc que les grands lobbies du secteur financier soient tous montés au créneau.
Techniquement, et sous réserve qu’aucune provision ne soit passée en ce sens, les grandes entreprises américaines avec des filiales non-consolidées à l’étranger pourraient également être impactées. Même s’il est probable qu’elles trouveraient rapidement des parades ou des voies de contournement, on peut espérer que cela fera réfléchir à deux fois les sénateurs.
Dans tous les cas, l’adoption de la section 899 enverrait une secousse sismique sur les marchés financiers mondiaux. Elle ferait immédiatement chuter l’attractivité des marchés américains, et par extension la valeur du dollar, déjà en baisse prononcée depuis quelques mois face à la situation catastrophique du budget fédéral.
Certains observateurs spéculent qu’une autre motivation que le simple levier diplomatique pourrait se cacher derrière la section 899 : une volonté de rediriger les flux de capitaux étrangers entrants aux Etats-Unis vers le marché obligataire souverain, c’est-à-dire les bons du trésor, justement exemptés de la punition fiscale envisagée.
La demande étrangère de dette souveraine américaine est en baisse continue depuis la grande crise des subprimes. En revanche, les flux étrangers vers les marchés actions américains sont eux en croissance continue. Peut-être y a-t-il ici une volonté d’inverser ces tendances, et de stimuler la demande de bons du trésor avant que le Trésor n’entreprenne de nouveaux refinancements, forcément rendus délicats dans un tel contexte budgétaire.
On soulignera que le projet de loi du président Trump instaure de nouvelles baisses d’impôts pour les citoyens et les entreprises américaines, en dépit d’un déficit qui se creuse de manière toujours plus abyssale, a noté zonebourse.America First : Il y aurait possiblement ici une volonté toute « trumpienne » de vouloir prendre dans la poche des uns ce qu’on accepte de laisser dans celle des autres.
Pour l’anecdote, le taux des obligations à dix ans du Trésor américain évolue actuellement autour de 4.3%, après avoir atteint un pic de 4.6% le mois dernier. La dernière fois qu’il avait atteint ce niveau était juste avant la crise des subprimes ; quelques temps plus tôt, l’administration Bush avait elle aussi instauré d’importantes baisses d’impôts.