L’Académie du Royaume fait place à cinq intellectuels
L’Académie du Royaume du Maroc a tenu, ce mercredi à Rabat, une séance solennelle d’accueil et d’investiture de cinq nouveaux membres, dans le cadre de sa récente réorganisation. Cette cérémonie marque une nouvelle étape dans l’enrichissement intellectuel de cette prestigieuse institution.
Les personnalités investies sont : Daniel Rivet, Mohamed Kenbib, Mohamed Sghir Janjar, Mohamed Loulichki et Ali Benmakhlouf.
La séance a été ouverte par le Secrétaire perpétuel de l’Académie, Abdeljalil Lahjomri, qui a souligné que ces nominations s’inscrivent dans la volonté constante de l’Académie de s’entourer de compétences scientifiques et intellectuelles de haut niveau, afin de nourrir le débat académique et culturel au Maroc.
Des interventions de haut niveau marquant les investitures
Lors de son investiture en tant que membre associé, l’historien français Daniel Rivet a présenté une leçon intitulée « Être européen malgré tout ». Il y interroge la notion d’Europe, tiraillée entre ses héritages coloniaux et ses idéaux des Lumières. Loin d’une vision figée, il a montré que l’Europe se construit à travers ruptures, réinventions et débats, et que son universalisme ne peut plus être pensé comme un modèle unique, mais comme un dialogue interculturel en perpétuel mouvement.
Spécialiste reconnu de l’histoire du Maghreb, Daniel Rivet a enseigné à l’Université Lyon 2 et à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en consacrant ses recherches notamment au protectorat français au Maroc et aux mondes musulmans contemporains.
L’historien marocain Mohamed Kenbib, dans sa leçon intitulée « Le métier d’historien », a insisté sur le rôle fondamental de l’Histoire dans la construction de l’identité des peuples. À travers des exemples tirés de l’histoire du Maroc et de l’évolution du monde, il a mis en lumière la mission essentielle des historiens dans la compréhension des sociétés et de leur mémoire, notamment à l’ère numérique.
Professeur émérite à l’Université Mohammed V de Rabat et docteur d’État de Paris 1 – Sorbonne, M. Kenbib a enseigné dans des universités prestigieuses comme Princeton, Harvard ou Oxford, et est l’auteur de nombreuses publications sur les minorités, les relations internationales et les rapports interreligieux au Maroc.
Le chercheur en sciences sociales Mohamed Sghir Janjar a, quant à lui, proposé une réflexion sur « Penser l’éducation à l’ère du numérique ». Il y a analysé les bouleversements induits par la transformation digitale, soulignant la nécessité de repenser le rôle de l’école dans un monde en constante recomposition, notamment face à l’émergence de l’intelligence artificielle et la saturation informationnelle.
Président de la Commission de renouvellement des curricula au Conseil supérieur de l’éducation, M. Janjar a aussi été directeur-adjoint de la Fondation du Roi Abdul-Aziz Al Saoud. Ses recherches portent sur les sociétés civiles et la production intellectuelle dans le monde arabe.
L’ancien diplomate Mohamed Loulichki a présenté une intervention intitulée « La promesse brisée du multilatéralisme », dans laquelle il a analysé les tensions actuelles entre droit et puissance dans les relations internationales. Il a mis en garde contre l’instrumentalisation des normes et le délitement des institutions multilatérales, appelant à une gouvernance mondiale plus équitable et moins soumise aux rivalités.
Ambassadeur du Maroc à l’ONU à Genève et à New York, M. Loulichki a présidé le Conseil de sécurité, participé aux négociations sur le droit de la mer et présidé plusieurs comités sur les droits de l’Homme et les questions nucléaires. Il enseigne aujourd’hui à l’UM6P et est Senior Fellow au Policy Center for the New South.
Enfin, le philosophe Ali Benmakhlouf a proposé une réflexion sur « Normes logiques et normes éthiques », interrogeant notre rapport aux règles, à la vérité et à la responsabilité. Il a souligné la nécessité d’un regard anthropologique et éthique sur les cadres normatifs qui régissent nos sociétés.
Professeur de philosophie à l’UM6P, agrégé et membre honoraire de l’Institut universitaire de France, M. Benmakhlouf est reconnu pour ses travaux sur la logique, la philosophie arabe classique et l’éthique contemporaine. MAP