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Microentreprises : Les disparitions dépassent les créations, une première!

Pour la première fois depuis 2018, le Maroc a enregistré en 2023 plus de disparitions que de créations de microentreprises. Avec 70 055 fermetures estimées  contre 66 004 créations, le solde net devient négatif, marquant un tournant inquiétant dans l’évolution du tissu entrepreneurial national.

D’un point de  vue méthodologique, les 70 055 disparitions (ou sorties) de microentreprises en 2023 peuvent inclure des entreprises qui ont évolué en taille (par exemple, qui sont passées au statut de PME). Au vu de l’incomplétude  des données fournies par le rapport annuel de l’Observatoire Marocain de la TPME (OMTPME), nous avons essayé de travailler avec les éléments  de  bord disponibles  en  croisant les données sur les disparitions d’entreprises avec l’évolution du chiffre d ‘affaires (CA), sachant que les données sur l’évolution de l’emploi ne sont pas aussi livrées. Résultat : Une croissance du CA moins dynamique que celle des créations.  Sur la période, les créations ont crû de 58,5 %, contre 31,9 % pour le CA cumulé  (de 76,8 à 101,3 MMDH). Cela traduit une baisse du chiffre d’affaires moyen par entreprise.

Ainsi, le chiffre de 70 055 disparitions  en 2023 reflète majoritairement des cessations d’activité estimées, et non des transformations positives (comme une montée en taille). Il s’agit donc d’un signal d’alerte sur la viabilité des microentreprises, et non d’un indicateur de croissance structurelle.

Calcul des disparitions annuelles de microentreprises (2018–2023)

AnnéeTotal entreprises année N-1Créations année NTotal entreprises année NDisparitions
2018231 80748 187247 43232 562
2019247 43251 858256 06343 227
2020256 06356 501278 61033 954
2021278 61070 465300 32248 753
2022300 32264 170307 60756 885
2023307 60766 004303 55670 055

Un tiers des microentreprises au Maroc disparaît chaque année

2023 marque une rupture structurelle : non seulement les radiations atteignent un pic inédit, mais elles dépassent les nouvelles immatriculations. Cette bascule survient après cinq années de hausse quasi continue des disparitions. En 2018, celles-ci étaient estimées à 32 562, un niveau encore modéré. Mais dès 2019, elles bondissent de 32 % pour atteindre 43 227, reflétant la fragilité des jeunes entreprises face à un environnement concurrentiel.

En 2020, la crise sanitaire provoque une accalmie trompeuse : les disparitions reculent à 33 954, freinées par les aides d’urgence et les retards administratifs. Cette pause n’est que temporaire. En 2021, avec la levée des mesures exceptionnelles, les radiations repartent à la hausse à 48 753, puis grimpent à 56 885 en 2022.

Cette inversion de tendance pose la question de la pérennité du modèle entrepreneurial marocain, centré depuis une décennie sur la création de TPE. Près de 99% des entreprises PM créées entre 2017 et 2023 sont des microentreprises. La forte mortalité traduit la précarité des projets lancés, l’accès limité au financement, et une concurrence parfois destructrice sur des marchés saturés.

Taux de renouvellement explosif 

Entre 2018 et 2023, le taux de renouvellement moyen des microentreprises au Maroc est resté élevé, oscillant entre environ 35 % et 44 %. Ce taux traduit une forte dynamique d’entrée et de sortie d’entreprises chaque année, caractéristique d’un tissu entrepreneurial très mouvant.

En 2018, le taux s’établit autour de 35 %, indiquant qu’un tiers environ des entreprises a été renouvelé cette année-là. Ce taux augmente progressivement pour atteindre près de 38,5 % en 2019, signe d’un accroissement des flux entrants et sortants, donc d’un turnover plus marqué.

En 2020, malgré la pandémie, le taux redescend légèrement à 35,3 %, ce qui peut s’expliquer par un certain ralentissement des disparitions lié aux mesures de soutien ou à un effet de « gel » des radiations administratives.

En 2021, le taux de renouvellement culmine à près de 43 %, reflétant une reprise très active de la création d’entreprises mais aussi une augmentation des disparitions, témoignant d’une période d’intense renouvellement structurel.

Les années 2022 et 2023 conservent un niveau élevé, supérieur à 40 %, ce qui confirme que la mobilité des microentreprises reste importante, avec de nombreuses entrées compensant les sorties, bien que la pression sur la pérennité demeure forte.

En résumé, ce taux élevé de renouvellement met en lumière un environnement entrepreneurial dynamique mais également instable, où la création rapide d’entreprises s’accompagne d’une forte mortalité. Cette situation souligne la nécessité d’accompagner davantage la pérennisation des microentreprises pour consolider ce tissu économique vital.

Boom entrepreneurial jusqu’en 2021, puis stabilisation

Entre 2017 et 2023, la dynamique de création de microentreprises au Maroc a connu une évolution marquée par une phase de croissance soutenue suivie d’un palier de stabilisation.

En 2017, 41 651 microentreprises ont vu le jour. Ce chiffre a progressé de 15,7 % en 2018 pour atteindre 48 187 créations, traduisant un environnement entrepreneurial favorable, stimulé par des programmes d’accompagnement et un engouement croissant pour l’auto-entrepreneuriat. En 2019, la tendance s’est poursuivie avec une hausse de 7,7 %, portant les créations à 51 858 unités.

En 2020, malgré le choc économique provoqué par la pandémie de COVID-19, les créations ont étonnamment continué d’augmenter, atteignant 56 501, soit une hausse de 8,9 %. Cette résilience s’explique sans doute par l’essor de nouvelles formes d’activités, notamment digitales, et les dispositifs de soutien déployés en urgence.

L’année 2021 a marqué un pic historique avec 70 465 créations, en hausse de 24,7 %, porté par la reprise économique post-COVID et un regain d’intérêt pour l’entrepreneuriat comme réponse aux incertitudes du marché de l’emploi.

Cependant, à partir de 2022, une inflexion s’est manifestée. Les créations ont reculé à 64 170, soit une baisse de 9 %, avant de repartir timidement à la hausse en 2023, avec 66 004 nouvelles microentreprises, soit une progression modeste de 2,9 %.

Cette trajectoire traduit un fort dynamisme entrepreneurial jusqu’en 2021, puis une phase de stabilisation, probablement marquée par un essoufflement partiel du modèle de microentreprise, face à des défis structurels croissants (concurrence, financement, pérennité). AB

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