
Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes
Lors du précédent entretien, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des modalités de fonctionnement des comptes en devises « investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance ».
Les explications fournies avaient une double portée : descriptive et analytique.
La portée descriptive réside dans la présentation de l’objet et de la logique de fonctionnement des comptes en devises « investissements et placements à l’étranger des sociétés d’assurances et de réassurance ».
Quant à la portée analytique, elle réside dans l’identification de certains dysfonctionnements des comptes précités et la proposition d’une panoplie de mesures concrètes pour pallier ces dysfonctionnements.
Dans le présent entretien, nous allons interroger Bakkou au sujet des modalités de fonctionnement d’une autre catégorie de comptes en devises, à savoir les comptes en devises des étrangers et des marocains résidant à l’étranger .
Quelles sont les modalités de fonctionnement des comptes en devises des étrangers et des marocains résidant à l’étranger ?
Préalablement à la définition des modalités de fonctionnement des comptes en devises des étrangers (résidents ou non-résidents) et des marocains résidant à l’étranger, il convient au préalable de préciser la finalité présumée de ces comptes.
Cette finalité réside essentiellement dans la facilitation des opérations des personnes non-résidentes qui réalisent des flux fréquents de transactions en capital (et également courantes).
Cette facilitation est opérée à travers la mise en place d’un cadre libéral qui permet à ces personnes de réaliser les paiements au titre de leurs transactions à partir de comptes en devises OUVERTS AU MAROC, au lieu de leurs comptes en devises ouverts à l’étranger.
Ces comptes libellés en devises ouverts au Maroc fonctionnent par conséquent de façon similaire aux comptes en devises ouverts à l’étranger par les personnes concernées.
Ces comptes fonctionnent de façon similaire aux comptes en devises ouverts à l’étranger par les personnes concernées. Pourriez-vous nous expliquer cela davantage ?
Les comptes en devises ouverts à l’étranger, par exemple dans un pays qui adopte un régime de convertibilité totale, sont des comptes qui fonctionnent sans aucune restriction.
Cela a pour corollaire que ces comptes peuvent être crédités et débités, sans restriction.
Etre crédités sans restriction, cela signifie que ces comptes peuvent être alimentés de tout flux en devises.
De même, être débités sans restriction, signifie que ces comptes peuvent être utilisés pour tout flux en devises.
Vous dites ci-dessus que ces comptes peuvent être alimentés de tout flux en devises. Mais à la lecture des dispositions relatives aux opérations pouvant être portées au crédit des comptes en devises précités, on remarque que ces opérations sont nombreuses et très détaillées. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
En fait, ces comptes peuvent être crédités de tout encaissement en devises.
Cet encaissement peut concerner des devises de source étrangère ou de source marocaine.
Concernant les devises de source étrangère, il s’agit de devises reçues auprès de non-résidents (le détenteur du compte ou une autre entité), selon différentes modalités.
Ces modalités comprennent les virements en provenance de l’étranger et les encaissements de tout moyen de paiement libellé en devises ou en dirhams convertibles(chèques, billets de banque, etc.).
Quant aux devises de source marocaine, il s’agit de devises reçues auprès de résidents, lesquelles devises doivent être achetées en vertu des dispositions de l’Instruction Générale des Opérations de Change-24(l’IGOC-24).
Cette expression signifie que ces devises doivent concerner des opérations librement réalisables en vertu de la règlementation des changes.
Donc si j’ai bien compris, les comptes en devises des étrangers et des marocains résidant à l’étranger peuvent enregistrer au crédit deux opérations : tout encaissement en devises et les achats de devises en vertu des dispositions de l’ IGOC-24.
Absolument.
Et pourtant à la lecture de l’article 157 de l’IGOC-24 relatif aux modalités de fonctionnement des comptes en devises des non-résidents et des étrangers, on remarque les opérations pouvant être enregistrées au crédit de ces comptes sont nombreuses !
En fait, il s’agit de six opérations.
Les trois premières opérations peuvent être résumées par l’opération « tout encaissement en devises »
Quant aux trois autres opérations, elles peuvent être résumées par l’opération :
« tout virement au titre d’opérations librement réalisables en vertu de l’IGOC-24 ».
Vous dites ci-dessus que les trois premières opérations peuvent être résumées par l’opération « tout encaissement en devises ». Pourriez-vous nous expliquer cela davantage ?
Oui en effet, en vertu de l’article 157 de l’IGOC-24, la première opération pouvant être portée au crédit du compte précité est la suivante : « les virements en provenance de l’étranger ». Cette opération constitue un encaissement en devises.
S’agissant de la deuxième opération pouvant être portée au crédit du compte précité, elle se présente comme suit : « les virements en provenance de comptes en devises ou en dirhams convertibles ». Cette opération constitue également un encaissement en devises.
Quant à la troisième opération pouvant être portée au crédit du compte précité, elle se présente comme suit : « les encaissements de tout moyen de paiement libellé en devises ou en dirhams convertibles, étant entendu que les versements de billets de banque étrangers doivent être effectués contre remise à la banque de certains documents justificatifs ». Cette opération constitue également un encaissement en devises.
Vous dites également ci-dessus que les trois autres opérations prévues par l’article 157 de l’IGOC-24 peuvent être résumées par l’opération : « tout virement au titre d’opérations librement réalisables en vertu de l’IGOC-24 », Pourriez-vous nous expliquer cela davantage ?
Effectivement, l’article 157 de l’IGOC-24 dispose que les comptes en devises des étrangers et des marocains résidant à l’étranger peuvent enregistrer au crédit, en sus des trois opérations précitées :
-Le montant des achats de devises en vertu des dispositions de l’IGOC-24 ou d’une autorisation particulière de l’Office des Changes ;
-Les rémunérations et remboursements, résultant des opérations en capital réalisées par les titulaires desdits comptes ;
– Les montants des pensions de retraites rapatriés par les étrangers résidant au Maroc directement dans des comptes en dirhams ordinaires ouvert en leur noms, au titre des douze (12) derniers mois, sur présentation à la banque d’une copie de la fiche de pension correspondante.
Ces trois opérations peuvent être résumées par l’opération : « tout virement au titre d’opérations librement réalisables en vertu de l’IGOC-24 ».
En effet, la première opération citée ci-dessus signifie implicitement que les devises achetées sur le marché des changes concernent des opérations librement réalisables, sinon les devises ne peuvent pas être achetées.
Par conséquent, cette opération peut être remplacée par « tout virement au titre d’opérations librement réalisables en vertu de l’IGOC-24 », car cette opération signifie qu’il y a eu un achat de devises et que cet achat concerne une opération librement réalisable.
S’agissant de la deuxième opération citée ci-dessus, il s’agit d’une opération librement réalisable en vertu de la règlementation des changes.
Quant à la troisième opération citée ci-dessus, il s’agit également d’une opération librement réalisable en vertu de la règlementation des changes.
Donc si j’ai bien compris, vous proposez la modification des dispositions relatives aux opérations pouvant être portées au crédit des comptes en devises des étrangers et des marocains résidant à l’étranger dans le sens de la suppression des six opérations prévues par l’article 157 et leur remplacement par les deux opérations que vous venez de présenter ci-dessus !
En réalité, une seule opération doit être prévue concernant les opérations devant être portées au crédit des comptes en devises des étrangers et des marocains résidant à l’étranger. Cette opération est la suivante : « tout encaissement en devises ».
Quant à la seconde opération «tout virement au titre d’opérations librement réalisables en vertu de l’IGOC-24 », elle doit être supprimée, car il s’agit d’une opération contrôlée en amont.
En fait, pour qu’un virement au titre d’une opération librement réalisable soit effectué , il faut que les documents justificatifs soient remis à la banque qui effectue le virement.
Par conséquent, il est inutile que cette opération soit portée au crédit de ces comptes.
Vous venez de nous expliquer de manière très détaillée les opérations pouvant être enregistrées au crédit des comptes précités. Pourriez-vous nous éclairer au sujet des opérations pouvant être enregistrées au débit desdits comptes ?
Les opérations pouvant être enregistrées au débit des comptes en devises des étrangers et des marocains résidant à l’étranger sont les suivantes :
-Tout règlement au Maroc ou à destination de l’étranger, y compris les retraits de billets de banque ;
-Constitution de dépôts à terme.
Avez-vous des remarques concernant les opérations pouvant être enregistrées au débit ?
Au débit, le premier paragraphe suffit : « tout règlement au Maroc ou à destination de l’étranger, y compris les retraits de billets de banque ».
Par conséquent, le deuxième paragraphe « Constitution de dépôts à terme » peut être supprimé car le premier paraphe autorise les détenteurs de ces comptes d’effectuer tout paiement au Maroc.
Or, quand on autorise les détenteurs de ces comptes à effectuer tout paiement au Maroc, cela signifie qu’on les autorise à effectuer les paiements pour la réalisation de toutes les transactions économiques, lesquelles transactions englobent les investissements étrangers dans leurs différentes composantes, notamment celles relatives aux dépôts à terme.