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IGOC-24 : le régime des investissements à l’étranger des personnes physiques est-il pertinent ?

Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes

Lors des trois précédents entretiens, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des dispositions de la règlementation des changes régissant les opérations d’investissement à l’étranger des personnes physiques.

Les explications données par l’économiste nous ont permis de saisir l’état actuel de cette réglementation.

Dans le présent entretien, nous allons interroger Bakkou au sujet de la pertinence économique de ladite réglementation.

Quel regard portez-vous sur les dispositions de la règlementation des changes régissant les opérations d’investissement à l’étranger des personnes physiques ?

Les dispositions de la règlementation des changes régissant les opérations d’investissement à l’étranger des personnes physiques sont de mon point de vue trop restrictives.

Ce caractère restrictif concerne tout d’abord le cadre libéral conditionnel relatif aux opérations d’investissement à l’étranger des personnes physiques.

Il concerne également la liste des opérations d’investissement à l’étranger des personnes physiques librement réalisables en vertu de la règlementation des changes.

Vous dites ci-dessus que les opérations d’investissement à l’étranger des personnes physiques sont régies par un cadre libéral conditionnel. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet ?

Oui , en effet il s’agit d’un cadre libéral pouvant être qualifié de « conditionnel » dans la mesure où les personnes qui détiennent des actifs financiers dans le cadre de ce régime sont obligées de céder ces actifs lorsqu’elles  ne font plus partie des sociétés marocaines  ou cessent d’exercer à l’étranger les fonctions d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance.

Cette obligation peut être de mon point de vue supprimée, du fait qu’il s’agit d’opérations à très faible enjeux macroéconomiques.

  Vous dites également ci-dessus que la liste des opérations d’investissement à l’étranger des personnes physiques est trop restrictive. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Effectivement, la liste des opérations d’investissement à l’étranger des personnes physiques librement réalisables en vertu de la règlementation des changes pourra être élargie aux opérations d’acquisition de biens immeubles situés à l’étranger.

Elargissement de la liste précitée aux opérations d’acquisition de biens immeubles situés à l’étranger. Cela signifie que les personnes physiques résidentes devront être autorisées à acheter des logements à l’étranger !

Effectivement. On pourra libéraliser les opérations d’acquisition de biens immeubles situés à l’étranger de manière graduelle. 

De manière graduelle, c’est-à-dire par étapes ?

Effectivement, on peut le faire par exemple en trois étapes comme je l’avais proposé dans mon ouvrage au sujet de la convertibilité du dirham publié en 2021.

 La première étape consiste dans la mise en place d’un cadre libéral en faveur des personnes physiques ayant des enfants qui effectuent des études à l’étranger et  des personnes contraintes d’effectuer de longs séjours à l’étranger pour des raisons médicales.

S’agissant de la deuxième étape, elle consiste dans la mise en place d’un cadre libéral en faveur des personnes qui souhaiterait utiliser ledit bien immeuble à titre de résidence secondaire.

Quant à la troisième étape, elle consiste dans la mise en place d’un cadre libéral en faveur des personnes qui souhaiteraient utiliser ledit bien à des fins « spéculatives », c’est-à-dire de valorisation de leur épargnes (location et plus-value) ,et ce,  sous certaines conditions bien définies.

Est-ce que le programme que vous proposez ne risque-t-il pas d’avoir des impacts sur les avoirs de réserve ?

Préalablement à la réponse à cette question, il serait utile de rappeler que la règlementation des changes prévoit déjà un régime de convertibilité partielle en matière d’opérations d’acquisition par les résidents de biens immeubles situés à l’étranger.

Ce régime concerne les personnes ayant souscrit aux opérations d’amnistie-change initiées par le gouvernement marocain en 2014, 2020 et 2024.

En effet, les personnes résidentes ayant acquis des biens immeubles à l’étranger préalablement aux dates précitées sont aujourd’hui « dédouanées » dans la mesure où elles peuvent disposer librement de ces biens.

Ces personnes sont estimées à environ 7400 personnes d’après les chiffres ressortant des bilans de ces opérations d’amnistie-change.

Quant aux biens immeubles détenues par lesdites personnes, ils s’élèvent à environ au moins 12 milliards de dirhams.

Ce régime de convertibilité concerne également les Organismes de Placement Collectif Immobilier(OPCI).

En effet, ces véhicules d’investissement, dont le principal objet est la détention d’immeubles en vue de leur location, sont autorisés en vertu de l’article 177 de l’IGOC-24 à   effectuer des opérations de placement en devises à l’étranger.

Ces placements peuvent atteindre 10% de la valeur de l’actif net des  OPCI collectant des souscriptions en dirhams et 100% du montant des souscriptions, pour les OPCI collectant des souscriptions en devises ou en dirhams convertibles.

Ces éléments suggèrent déjà de procéder à une harmonisation de la règlementation des changes régissant l’acquisition de biens immeubles par les résidents.

Vous parlez ci-dessus d’harmonisation de la règlementation des changes régissant les opérations d’acquisition de biens immeubles par les résidents. Cela signifie-t-il que le cadre actuel est incohérent ?

Effectivement, le cadre actuel se caractérise par deux incohérences.

La première incohérence réside dans le fait que les personnes ayant réussi au préalable à contourner la règlementation des changes en achetant des biens immeubles à l’étranger bénéficie aujourd’hui d’un régime de convertibilité (leurs situations est régularisée). Alors que les personnes ayant choisi de respecter la règlementation précitée se trouve aujourd’hui désavantagées par rapport à la première catégorie de personnes.

Quant à la seconde incohérence, elle réside dans le fait que le cadre réglementaire actuel permet l’acquisition de biens immeubles à l’étranger à des fins spéculatives(opérations des OPCI), alors que ce cadre ne permet pas l’acquisition de biens immeubles à l’étranger pour les besoins de scolarisation des enfants et de soins médicaux à l’étranger.

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