
Entre les premiers trimestres de 2024 et 2025, le taux de chômage a légèrement reculé de 13,7 à 13,3 %, selon les dernières données du Haut-Commissariat au Plan (HCP). La baisse du chômage, bien que positive sur le papier, ne saurait masquer la hausse préoccupante du sous-emploi, qui a nettement augmenté, passant de 10,3 % à 11,8 %.
Une baisse du chômage en trompe-l’œil
La diminution du taux de chômage pourrait laisser penser à une amélioration de l’accès à l’emploi. Toutefois, cette baisse modeste masque une réalité plus nuancée. En effet, la progression marquée du sous-emploi indique que de nombreux postes créés ne répondent pas pleinement aux attentes des travailleurs, que ce soit en termes de volume horaire ou de conditions de travail. Autrement dit, une part croissante de la population active occupe des emplois précaires, à temps partiel subi ou à faible intensité de travail. Cela souligne une tendance préoccupante : la croissance de l’emploi ne rime pas nécessairement avec amélioration des conditions de vie.

Une dégradation continue depuis 2020
Le taux de sous-emploi au Maroc affiche une progression constante depuis le début de la décennie, illustrant une précarisation progressive du marché de l’emploi. Entre le premier trimestre de 2020 et celui de 2021, le taux de sous-emploi est passé de 8,8 % à 9,2 %, marquant déjà une hausse de 0,4 point, en lien avec les effets économiques de la pandémie de COVID-19 et le ralentissement de l’activité dans plusieurs secteurs.
Cette tendance s’est amplifiée au fil des années, atteignant 11,8 % au premier trimestre de 2025, selon les dernières données du Haut-Commissariat au Plan (HCP). Cette progression représente une hausse de 3 points en cinq ans, un signal fort d’un mal structurel qui dépasse la conjoncture sanitaire.
Une montée silencieuse de la précarité
Entre le premier trimestre de 2024 et celui de 2025, le sous-emploi au Maroc a connu une hausse marquée, tant en nombre qu’en proportion de la population active occupée. Deux formes principales de sous-emploi sont concernées :
Sous-emploi en raison d’un nombre insuffisant d’heures travaillées : La population concernée est passée de 576 000 à 664 000 personnes, soit une hausse de 88 000 individus (+15,3 %).
Sous-emploi en raison d’une insuffisance de revenu ou d’une inadéquation entre la formation et l’emploi occupé : Cette catégorie a augmenté de 493 000 à 590 000 personnes, soit 97 000 individus supplémentaires (+19,7 %).
Des indicateurs en nette dégradation
Cette évolution illustre une détérioration de la qualité des emplois au Maroc. Deux dynamiques préoccupantes en ressortent.
Temps de travail insuffisant : Un nombre croissant de travailleurs occupent des emplois à temps partiel subi, souvent dans des secteurs saisonniers ou instables (comme le BTP ou l’agriculture), ce qui réduit leur capacité à générer un revenu suffisant.
Inadéquation emploi/formation et revenus faibles : Beaucoup de travailleurs, notamment jeunes diplômés, se retrouvent dans des postes qui ne correspondent ni à leur niveau de formation ni à leurs attentes salariales. Cela reflète une mauvaise articulation entre le système de formation et les besoins du marché du travail.
Une aggravation dans tous les secteurs économiques
Entre le premier trimestre de 2024 et celui de 2025, le sous-emploi a progressé dans l’ensemble des secteurs d’activité au Maroc, avec des disparités marquées selon les branches. Cette évolution met en lumière la fragilité structurelle de l’emploi, particulièrement dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre.
Le BTP en tête : un secteur sous pression
Avec un taux atteignant 22,6 %, le secteur du BTP enregistre la plus forte hausse du sous-emploi (+3,6 points). Cette évolution reflète : La saisonnalité des chantiers, la précarité des contrats de travail, et une réduction ou interruption de projets liée à des contraintes budgétaires ou administratives. Les travailleurs du BTP sont souvent exposés à des emplois à temps partiel subi ou intermittents, contribuant fortement à la hausse du sous-emploi global.
L’agriculture : deuxième secteur le plus affecté
Le sous-emploi dans l’agriculture, la forêt et la pêche est passé de 12,1 % à 14,4 %. Ce secteur est historiquement sujet à : Une grande instabilité saisonnière, des conditions climatiques imprévisibles, une forte prévalence du travail informel.
Industrie & services : hausse plus contenue, mais significative
Bien que les niveaux de sous-emploi soient plus faibles dans l’industrie et les services, leur progression (+1 pt et +0,7 pt respectivement) confirme que la qualité des emplois régresse dans tous les secteurs, même ceux généralement plus stables.
En résumé, le sous-emploi n’épargne aucun secteur, et sa hausse est particulièrement préoccupante dans le BTP et l’agriculture, qui concentrent une grande part des emplois peu qualifiés et précaires.
Les chiffres publiés soulignent une réalité préoccupante : le Maroc ne souffre pas uniquement d’un chômage persistant, mais d’un sous-emploi en forte expansion, affectant la dignité, la stabilité et la productivité de sa main-d’œuvre. Cette tendance exige des réponses profondes, structurées et urgentes.
