Croissance Verte

AGRICULTURE DURABLE: ÇA PASSE OU ÇA CASSE!

  • Article paru dans le dernier numéro:


Le Maroc a misé sur l’irrigation et les cultures de contre-saison. Cette stratégie agricole a porté ses fruits sur le plan économique, contribuant à renforcer la sécurité alimentaire du pays et à dynamiser
les exportations. Non sans soulever des questions sur sa durabilité à l’épreuve d’un contexte de
sécheresses fréquentes et accrues. Le pire c’est que cette intensification agricole s’est  opérée  à un
moment où le Maroc traverse l’une des crises hydriques les plus sévères de son histoire (six années de
sécheresses consécutives),  menaçant la sécurité alimentaire, le développement économique et la
stabilité sociale. A l’occasion de la 17ème édition du Salon International de l’Agriculture au Maroc
(SIAM),  la rédaction a porté son dévolu  sur ‘’L’Agriculture  Durable et Responsable’’, défi majeur
garantissant un équilibre entre rentabilité économique, responsabilité sociale et respect écologique.
Tout en préservant les besoins des générations futures. Tour d’horizons. 

Sous pression, la politique agricole du Maroc se trouve aujourd’hui face à un dilemme : continuer sur
la lancée du système extensif de production actuel, à ses risques et périls, ou bien rompre avec cette
tendance en s’appuyant sur des méthodes de production durables, mettant sous haute tension la
souveraineté alimentaire du pays. Trouver un équilibre entre, d’une part, la sécurité alimentaire, et
d’autre part, la rentabilité économique, la responsabilité sociale et le respect de l’environnement,
reste un défi non résolu. Faire la part des choses implique d’emprunter la voie d’une transition
progressive et d’une reconfiguration en profondeur du modèle agricole marocain — un passage
devenu inévitable. Pourquoi ?
 Au Maroc, l’agriculture intensive a connu un développement important, notamment dans les zones
irriguées comme le Souss, le Gharb ou le Haouz. Ce système de production a permis de hauts
rendements, tout en assurant une Disponibilité alimentaire accrue.  Cependant, ce modèle de
production a entraîné plusieurs effets négatifs sur l’environnement et la santé. Tout d’abord, l’usage
intensif de pesticides, d’herbicides et d’engrais chimiques a fortement contribué à la pollution des
sols, de l’air et des nappes phréatiques, mettant en danger les ressources naturelles du pays. De plus,
la monoculture pratiquée sur de grandes surfaces, sans rotation ni repos des terres, a provoqué un
épuisement des sols, réduisant leur fertilité naturelle.
Sur le plan sanitaire, la présence de résidus chimiques dans les aliments soulève des inquiétudes,
d’autant plus que l’élevage intensif utilise parfois des antibiotiques de manière excessive, ce qui peut

favoriser la résistance aux traitements médicaux. L’ensemble du système participe à l’augmentation
des émissions de gaz à effet de serre, aggravant ainsi l’impact climatique du secteur agricole
marocain.
Le pire c’est que cette intensification agricole s’est  opérée  à un moment où le Maroc traverse l’une
des crises hydriques les plus sévères de son histoire (six années de sécheresses consécutives).
Autrefois perçue comme une ressource abondante, l’eau est désormais au cœur d’un stress hydrique
structurel, menaçant la sécurité alimentaire, le développement économique et la stabilité sociale.
 Le pays a misé sur l’irrigation et les cultures de contre-saison. Cette stratégie a réussi du point de
vue économique mais interroge dans un contexte de sécheresses accrues et répétées. Dans certaines
zones comme la plaine de Marrakech, sans irrigation les arbres meurent, ce qui conduit à l’arrachage
de vergers d’agrumes ou d’oliviers.
Selon la Banque mondiale, le Maroc a plus que triplé ses surfaces cultivées sous irrigation localisée,
au goutte-à-goutte, depuis la fin des années 2000. Cette technologie a contribué à augmenter la
quantité totale d’eau consommée par le secteur agricole, plutôt qu’à la diminuer.
Des vergers d’agrumes ont été installés dans des régions où le niveau annuel de précipitations ne
dépasse pas 200 millimètres, alors que ces arbres nécessitent un minimum de 1 000 millimètres. Des
pastèques, composées à 95 % d’eau, poussent dans des zones quasi désertiques et des avocatiers,
une culture tropicale, se développent dans des zones à climat semi-aride, note un rapport.
Le Maroc est devenu, ainsi, l’un des principaux exportateurs mondiaux de pastèques et d’avocats. Il
est le troisième exportateur mondial de tomates, et de clémentines…
En somme, la combinaison de tous ces facteurs a  entraîné des effets très graves sur l’agriculture au
Maroc : baisse alarmante des ressources en eau, baisse importante des rendements agricoles (en
qualité été n volume), stress hydrique des plantes, défaut d’approvisionnement en légumes et fruits
frais, etc. ce  qui a inuit des adaptations coûteuses et peuvent  causer des arrêts ou des
déplacements des zones de production. Sans compter  ses effets sur le plan économique: inflation
alimentaire, surendettement des agriculteurs, exode rural,…
Face à une telle situation alarmante, notre pays n’est pas resté les bras croisés. A ce titre, la stratégie
« Génération Green 2020- 2030 » intègre l’approche de l’agriculture durable, responsable et
intelligente à travers plusieurs programmés et leviers comme la fertilisation raisonnée, l’usage de
produits phytosanitaires homologués, ou encore les pratiques vertueuses (ex : irrigation économe,
utilisation de l’énergie solaire, fertilisation bio, …)  et avec, toutefois, l’encouragement de
l’agriculture biologique et intégrée, comme alternatives aux intrants chimiques, en incitant au
recours aux fertilisants organiques, à la rotation des cultures et aux techniques agro-écologiques.
Aussi, développer et vulgariser des techniques respectueuses des sols, telles que l’agriculture de
conservation (cas du semis direct, empreinte carbone), l’utilisation de biopesticides ou le
compostage des déchets agricoles pour produire des amendements organiques locaux. Sans oublier
la  promotion de filières durables de sorte à  appuyer  les démarches de labellisation (Bio, IGP, etc.), à
améliorer la qualité des eaux et à réduire l’impact environnemental de l’agriculture intensive.
Depuis fin janvier 2024, le gouvernement marocain n’accorde plus d’aides permettant d’investir dans
l’irrigation localisée (creusement de puits, pompage, équipement de goutte-à-goutte).

Comment le Maroc rationalise la gestion de l’eau

Face au dérèglement climatique et à la baisse de la disponibilité de la ressource en eau, le Maroc a
lancé un plan ambitieux pour sécuriser et rationaliser la gestion de l’eau sur 30 ans. Avec 600 m3/an
et par habitant, (moitié moins que dans les années 60), le Maroc est classé par l’ONU parmi les pays
en danger de stress hydrique. Fort de ces alertes, le Maroc a pris conscience que les dérèglements
climatiques pourraient rapidement avoir des conséquences catastrophiques, notamment sur son
agriculture. Avec une politique de l’eau définie au sommet de l’État et déclinée par un ministère
dédié, le pays a totalement centralisé sa politique de l’eau. Elle est fondée sur différents axes :

  • Des économies d’eau dans tous les secteurs d’activité (notamment dans le secteur de l’industrie).
  • La réutilisation des eaux usées épurées (41 projets réalisés à l’échelle nationale).
  • La priorisation des usages : en agriculture, les cultures sous serres sont privilégiées en matière
    d’accès à l’eau au détriment de certaines cultures en plein champ.
  • La captation des eaux pluviales : les grands barrages sont les piliers de la politique de stockage de
    l’eau au Maroc, initiée dans les années 60. Le plan gouvernemental prévoit de nouvelles créations :
    30 barrages devraient s’ajouter aux 145 déjà existants.
  • Un programme massif d’investissement dans des usines de dessalement d’eau de mer.
    Cette technologie est aujourd’hui la solution prioritairement envisagée pour faire face au stress
    hydrique. En plus des 42 stations de dessalement mobiles, le Maroc compte actuellement 12 usines
    de dessalement avec une capacité de près de 118 700 m3 par jour et 7 stations en cours de
    construction ou de lancement avec une capacité de 396 200 m3 par jour10. A terme, le Maroc
    disposera d’une vingtaine d’usines qui produiront 1,3 milliard de m3 d’eau par an. 57 % de l’eau sera
    destinée aux populations et 42 % sera destinée à l’agriculture. Certaines usines seront destinées à
    100% à l’agriculture comme celle de Boudjour (mise en service prévue entre 2030 et 2035), située
    sur le littoral sud du Maroc, avec une production annuelle prévue de 60 millions de m3 /an11
    . La diminution des réserves d’eau des barrages serait compensée par le déploiement des usines de
    dessalement afin de satisfaire les besoins en eau potable, notamment à Agadir, Al Hoceima, Safi et El
    Jadida.
  • Le transfert d’eau entre les régions : le Maroc a lancé plusieurs travaux de transfert pour améliorer
    le taux d’accès à l’eau potable en milieu rural et le porter à 98,6%, ainsi que pour irriguer plus de 2
    millions d’hectares (publics et privés). Ces « autoroutes de l’eau » permettront, à terme, de
    transférer l’eau depuis les usines de dessalement jusqu’à 200 km à l’intérieur des terres.
    La création d’usines de dessalement d’eau de mer s’accompagnera inévitablement d’une
    augmentation importante du prix de l’eau pour l’irrigation des fruits et des légumes et impliquera
    une perte de compétitivité significative pour les productions sous serre telles que les tomates. L’eau
    dessalée serait produite à l’avenir pour un coût de 3 à 4 dirhams/m3, bien inférieur au coût en
    France qui est en moyenne supérieur à 4€. L’eau est actuellement commercialisée à 10 dirhams le
    m3 (soit 1€), mais est vendue aux agriculteurs à 5 dirhams le m3 soit 0,5€.
    Si le programme de dessalement de l’eau de mer est très ambitieux, il s’est largement construit dans
    un contexte où les ONG locales ou environnementales sont très peu présentes et actives. Il fait
    notamment abstraction des conséquences environnementales liées au processus de désalinisation.

La production massive de « saumures » et leurs probables rejets directement en mer, pourraient
s’accompagner de conséquences sur d’autres secteurs d’activités (on pense particulièrement à la
biodiversité marine, à la pêche, voire au tourisme). Les questions relatives au coût de l’énergie et à sa
disponibilité constituent également des points de fragilité qu’il convient de souligner, le Maroc
misant toutefois sur la production d’énergie solaire. (Source : CGAAER)

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page