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Comment la Chine s’impose dans la course mondiale à la robotique

Malgré les tensions commerciales et les hausses de droits de douane, la Chine continue de renforcer sa position dans la course mondiale à la robotique. Sur le terrain industriel comme dans la recherche avancée, l’Empire du Milieu affiche une résilience et une capacité d’innovation qui interpellent les observateurs.

Bien avant les affrontements commerciaux déclenchés par l’administration Trump, la Chine avait déjà amorcé une profonde transformation industrielle. Le plan stratégique « Made in China 2025 », lancé il y a près d’une décennie, fixait des objectifs précis pour faire émerger des champions nationaux dans des secteurs comme la robotique, les véhicules électriques ou l’intelligence artificielle.

Interrogé par le New York Times, He Liang, fondateur de Yunmu Intelligent Manufacturing, l’un des principaux producteurs chinois de robots humanoïdes, souligne que Pékin cherche désormais à faire de la robotique « une industrie à part entière », comparable à ce que fut le développement de l’automobile électrique​. Cette ambition est soutenue par des investissements colossaux et une mobilisation de l’écosystème éducatif: en tout, près de 350’000 diplômés en génie mécanique sortent chaque année des universités chinoises, contre seulement 45’000 aux États-Unis​.

Industrie et automotisation

Le recours massif à l’automatisation permet aux usines chinoises de réduire leurs coûts tout en améliorant leur compétitivité. Selon la Fédération internationale de robotique, la Chine compte désormais plus de robots industriels pour 10’000 travailleurs du secteur manufacturier que tout autre pays, à l’exception de la Corée du Sud et de Singapour.

Dans les usines chinoises les plus modernes, l’automatisation ne se contente pas d’assister les travailleurs: elle les remplace dans des pans entiers de la production. À l’image de l’usine Zeekr à Ningbo, décrite par le New York Times, des centaines de bras robotisés soudent les carrosseries de voitures dans ce qu’on appelle des « usines sombres », car elles sont capables de fonctionner sans intervention humaine ni lumière.

Les robots, actifs 24 heures sur 24, transportent, fondent et assemblent les matériaux sans interruption, augmentant la productivité tout en réduisant les coûts fixes. Ce modèle d’automatisation intensive permet aux industriels chinois de rester compétitifs malgré la hausse du coût du travail et les pressions extérieures liées aux barrières commerciales.

La Foire de Canton, miroir des ambitions technologiques chinoises

À la Foire de Canton, la plus grande exposition commerciale de Chine, les innovations robotiques chinoises se démarquent désormais par leur efficacité et leur coût imbattable. Le média hongkongais South China Morning Post rapportait le 24 avril que Dolphin Robot Technology, une entreprise chinoise spécialisée dans le développement et la fabrication de technologies robotiques avancées, a engrangé plus d’un million de dollars de commandes en seulement deux jours grâce à son café automatisé.

Han Zhaolin, fondateur de l’entreprise, souligne que malgré les tensions commerciales, « la demande des clients américains est rigide » et qu’il n’existe pas d’équivalent à leur produit sur le marché américain, allemand ou japonais ».

Dans la plupart des cas, l’immense majorité des composants sont d’origine locale. Les entreprises chinoises échappent donc en partie aux hausses tarifaires. C’est par exemple le cas de Zheijiang Qiangnao Technology, qui commercialise aux États-Unis des prothèses bioniques intelligentes certifiées par l’agence gouvernementale américaine chargée de la protection de la santé publique (FDA) et disponible à un prix cinq à sept fois inférieur à leurs concurrents occidentaux.

L’entreprise continue donc ses efforts pour commercialiser ses jambes et ses mains bioniques sur le marché américain et ce, malgré les tensions. La guerre commerciale n’a donc pas totalement fragilisé l’innovation chinoise. Dans certains cas, elle semble même avoir renforcé une dynamique d’autonomie industrielle.

Robotique humanoïde: la Chine accélère

Au-delà de l’automatisation industrielle et des innovations médicales présentées à la Foire de Canton, la Chine affiche de grandes ambitions dans un autre domaine: la robotique humanoïde.

Pour illustrer ses avancées, Pékin a organisé en avril 2025 un événement spectaculaire: un semi-marathon à Pékin où 18 robots humanoïdes ont participé aux côtés de coureurs humains. «  »Des gadgets? Certainement. Mais aussi une métaphore irrésistible – et clairement intentionnelle – de l’ambition de la Chine dans sa compétition technologique avec l’Amérique », rapporte The Economist.

Mais, derrière le symbole, une stratégie de fond se dessine. Le Premier ministre Li Qiang a récemment affirmé que le développement des robots intelligents serait « vigoureusement soutenu » par l’État et un fonds national de 137 milliards de dollars a été mis en place pour financer la robotique avancée et les technologies associées. Un fonds qui s’ajoute aux prêts de 1900 milliards de dollars des banques d’Etat en faveur d’emprunteurs industriels au cours des quatre dernières années.

Le secteur privé accompagne cet élan: Tencent, Huawei ou BYD investissent désormais massivement dans des start-up spécialisées dans la robotique.

Un écosystème de plus en plus souverain

Un autre facteur déterminant de l’avance chinoise réside dans sa maîtrise des composants critiques pour la robotique, notamment les capteurs, les caméras, les moteurs et les actionneurs.

Selon The Economist, parmi environ soixante fabricants spécialisés dans les « yeux » robotiques (caméras et capteurs) et les « muscles » (actionneurs pour mains et articulations), 48 sont chinois. Leur capitalisation boursière combinée atteint 217 milliards de dollars et a progressé de 56% depuis septembre, malgré les secousses provoquées par l’augmentation des droits de douane américains.

Cette puissance industrielle permet aux fabricants chinois de réduire fortement les coûts de production de robots avancés. Bank of America estime ainsi que le coût des matériaux nécessaires à la fabrication d’un humanoïde chinois pourrait être divisé par deux d’ici 2030, pour tomber à environ 17’000 dollars.

À l’inverse, les États-Unis restent très dépendants de fournisseurs étrangers pour ces composants stratégiques, et notamment de la Chine. Une dépendance qui est devenue un frein dans le contexte actuel de tensions commerciales. Elon Musk, PDG de Tesla, a notamment averti que les restrictions chinoises sur l’exportation d’aimants en terres rares menaçaient la production de ses robots Optimus.

Les faiblesses américaines dans la course aux robots

Malgré des avancées notables dans l’intelligence artificielle, les États-Unis peinent à suivre le rythme imposé par la Chine dans la robotique. La guerre commerciale, loin de protéger l’industrie, déstabilise les chaînes d’approvisionnement et alourdit les coûts de production.

Jeff Cardenas, PDG de la société américaine d’automatisation Apptronik, expliquait à Bloomberg que l’instabilité créée par les nouveaux droits de douane — portés à 145% sur certains produits chinois — rendait presque impossible toute planification stratégique à long terme pour les fabricants américains.

Une incertitude persistante qui menace désormais de rendre plus difficile pour les États-Unis de mener la course mondiale à l’innovation robotique.

rts

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