STMicroelectronics se fait secouer les puces en Italie

STMicroelectronics a tenté jeudi de rassurer le gouvernement italien sur sa volonté de rester engagé dans le pays, alors que Rome accentue sa pression pour obtenir le départ de son directeur général, Jean-Marc Chery. Les investisseurs, eux, ne sont pas vraiment sereins.
Le rebond de 9% de l’action STMicroelectronics lors de la séance du 10 avril 2025 est un cache-misère : le titre a perdu le quart de sa valeur en 2025, après avoir coulé de 46% en 2024. Dans un contexte sectoriel difficile pour les acteurs exposés à l’automobile, le groupe se retrouve au milieu d’une crise de gouvernance entre ses deux grands actionnaires, le France et l’Italie.
Lors d’une réunion tenue à Rome, le fabricant franco-italien de semi-conducteurs a confirmé ses projets d’investissements sur ses sites d’Agrate, en Lombardie, et de Catane, en Sicile. L’entreprise a précisé qu’elle comptait doubler les capacités de production à Agrate d’ici à 2027. Elle s’est également dite prête à engager un dialogue « constructif » avec les syndicats italiens pour éviter toute mesure unilatérale sur l’emploi. Le projet de moyen terme prévoit une réduction d’effectifs de 2800 personnes sur trois ans à l’échelle mondiale, sur un effectif de 49 600 salariés.
Ces déclarations interviennent dans un contexte social tendu. Le climat s’est encore alourdi après que le ministre italien de l’Economie, Giancarlo Giorgetti, a accusé mercredi la direction du groupe d’avoir procédé à des ventes d’actions la veille de la publication de résultats jugés décevants en janvier. Le conseil de surveillance de STMicro a formellement démenti jeudi toute accusation de délit d’initié, précisant que les ventes en question avaient été exécutées automatiquement par l’administrateur du plan d’actions de l’entreprise pendant une période dite de blackout.
Dans un autre signe des tensions croissantes entre Rome et la direction de STMicro, le ministre de l’Industrie, Adolfo Urso, a appelé à l’élaboration d’un nouveau plan industriel » qui replacerait l’Italie au cœur du développement de l’entreprise ». Il a affirmé vouloir favoriser « des investissements significatifs et une augmentation de l’emploi dans notre pays sur le long terme ».
Une non-nomination contestée
Parallèlement, Rome rencontre une vive résistance concernant la nomination de Marcello Sala, haut fonctionnaire du ministère de l’Économie, au conseil de surveillance de STMicro. Le président du conseil de surveillance, Nicolas Dufourcq, a déclaré mercredi que le rejet de la candidature du haut fonctionnaire était du au vote négatif des administrateurs indépendants et non des membres français, qui l’avaient approuvée.
« Historiquement, l’entreprise a assez bien géré les intérêts conflictuels des gouvernements italien et français, mais la pression italienne s’est accrue ces derniers temps », note Pierre-Yves Gauthier d’AlphaValue. La situation se complique quand les résultats ne suivent pas et que l’action chute, comme c’est actuellement le cas. Il faut ajouter à cela le durcissement de la position des autorités italiennes pour défendre les intérêts du pays, avec un certain succès dernièrement.
STMicroelectronics est détenu à 27,5% par ST Holding, une structure commune aux gouvernements français et italien via Bpifrance et le ministère italien de l’Economie. La nomination des dirigeants du groupe est étroitement encadrée. Les membres du directoire et du conseil de surveillance ne peuvent être désignés que par l’assemblée générale des actionnaires, sur proposition du conseil de surveillance, qui doit statuer à une majorité des trois quarts. En vertu de l’accord entre actionnaires de ST Holding, la France et l’Italie proposent chacune trois des neuf membres du conseil de surveillance, et ST Holding s’engage à voter en leur faveur. Le président et le vice-président du conseil de surveillance sont nommés en alternance tous les trois ans, chacun par l’un des deux Etats.
Un acteur européen rare, mais qui souffre de son exposition à l’automobile
Les défis de STMicro ne se limitent pas à l’Italie. Le groupe, qui emploie environ 49 600 personnes dans le monde, traverse une conjoncture difficile sur ses marchés clés de l’automobile et de l’industrie, à l’instar de ses concurrents européens. L’entreprise a revu à la baisse ses prévisions annuelles à trois reprises en 2024, provoquant une forte chute de son action, avant de repousser sine die la publication de ses objectifs pour 2025.
ST dispose de 14 sites industriels dans le monde. Les effectifs à fin 2024 sont principalement répartis entre l’Asie (36,2% des effectifs, soit 17 965 personnes), l’Italie (25,7% des effectifs, soit 12 745 personnes), la France (23,2% des effectifs, 11 528 personnes) et le pourtour Méditerranéen (10,8%)
7 sites front-end (fabrication de puces) :
- Agrate, Italie (circuits analogiques, MEMS, circuits de puissance intelligents)
- Ang Mo Kio, Singapour (circuits analogiques, MEMS, microcontrôleurs, mémoires non-volatiles, transistors de puissance)
- Catane, Italie (circuits analogiques, circuits de puissance, circuits de puissance intelligents)
- Crolles, France (capteurs optiques, circuits logiques avancés, mémoires non-volatiles, microcontrôleurs)
- Norrköping, Suède (R&D, industrialisation, substrats SiC)
- Rousset, France (microcontrôleurs sécurisés, circuits spécifiques)
- Tours, France (transistors de puissance, diodes, thyristors de protection)
7 sites back-end (assemblage et test) :
- Bouskoura, Maroc (modules discrets et standards, micro-modules, circuits de puissance, RF et sous-systèmes)
- Calamba, Philippines (circuits spécifiques et standards, MEMS)
- Kirkop, Malte (circuits spécifiques, MEMS, microcontrôleurs)
- Marcianise, Italie (microcontrôleurs sécurisés, cartes à puce)
- Muar, Malaisie (circuits spécifiques et standards, microcontrôleurs)
- Rennes, France (circuits spécifiques)
- Shenzhen, Chine (circuits spécifiques et standards, mémoires non-volatiles, capteurs optiques, modules de puissance) Source: marketscreener.com