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Fruits et légumes: Le rapport CGAAER cite le Maroc en matière de compétitivité avec la France

Un rapport du CGAAER s’est intéressé au potentiel de la France en fruits et légumes dans un contexte de changement climatique pour elle  mais aussi pour nos concurrents, l’Italie, le Maroc et l’Espagne. Comment la production de ces pays voisins devrait évoluer ?

Dans son rapport sur la « Relocalisation en France de certaines productions de fruits et légumes » paru le 21 mars, le Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER) analyse la possibilité pour la France de relocaliser certaines productions de fruits et légumes, dans un contexte de changement climatique , et de volonté nationale de souveraineté alimentaire.

Maroc, Italie, Espagne : principales caractéristiques des échanges commerciaux


Les échanges de fruits et légumes entre la France, le Maroc, l’Espagne et l’Italie sont fortement
liés à la saisonnalité des produits et à la complémentarité entre les périodes de production
dans ces pays et la demande en France. Les agrumes d’Espagne et du Maroc sont très présents sur le marché. Au printemps et en été, les fruits d’été, comme les melons et les pastèques, arrivent en grande quantité d’Espagne, tandis que les poires et pommes viennent d’Italie. En contre-saison, le Maroc et l’Espagne jouent un rôle clé pour fournir des tomates, courgettes et poivrons, quand la production locale
française est plus réduite.


Maroc
Les tomates, en particulier les tomates cerises et les tomates en grappe, sont les produits les
plus exportés. Clémentines, oranges, mandarines et citrons sont les principaux agrumes
exportés et les clémentines marocaines dominent le marché français, surtout durant l’hiver. Le
Maroc est également un grand fournisseur de légumes en hiver et au début du printemps
(courgettes, poivrons et concombres). Bien que moins significativement que pour les légumes,
le Maroc exporte aussi des fraises et d’autres fruits rouges vers la France, notamment en début
de saison. En 2021, la France a importé plus de 500 000 tonnes de fruits et légumes frais en
provenance du Maroc, avec une augmentation constante ces dernières années.

Le cas de la tomate


Le Maroc est le troisième exportateur mondial de tomate, derrière le Mexique et les Pays-Bas. En 2023, le Maroc a expédié 660 000 tonnes de produits après un pic à 716 000 tonnes l’année
précédente. Avec les 3/4 des tonnages destinés à l’UE, le marché européen est devenu
essentiel pour le Maroc. Les importations dans l’UE de tomates marocaines sont passées
entre 2014 et 2023 de 345 000 à 492 000 tonnes, soit plus de 40% d’augmentation.
Sur le premier semestre 2024, la France demeure le premier client du Maroc, absorbant à peu
près la moitié des exportations.

L’impact des accords douaniers sur les importations
Les accords de libre-échange entre l’UE et le Maroc sont déjà très anciens. Ainsi, l’accord de
2010 a établi un prix d’entrée de 461 euros par tonne pour les tomates marocaines. Il a posé
des réductions de droits de douanes élevées sur les tomates issues du Maroc. L’article 3 de
cet accord prévoit notamment un contingent tarifaire annuel de 285 000 tonnes totalement
exonéré de droits de douane entre le 1er octobre et le 31 mai. De plus, pour la période
s’étendant du 1er juin au 30 septembre ainsi que pour tout ce qui excède le contingent tarifaire,
les droits de douane sont diminués de 60 %.
La signature de ces accords multilatéraux successifs, conjuguée à une forte compétitivité des
filières agricoles marocaines (disponibilité et coût de la main d’œuvre, climat favorable,
réglementation en matière de produits phytosanitaires, coûts de l’énergie…) a permis un essor
considérable de la production de fruits et légumes au Maroc, en particulier de tomates, et une
augmentation importante des exportations, notamment vers la France.
Le rapport de prix entre les tomates françaises et marocaines s’élève à 2,4 pour les tomates cerises, un produit dans lequel l’agriculture marocaine s’est spécialisée (tomates
commercialisées en particulier sous la marque « AZURA ») et dont la part dans les achats des
Français est passée de 7,8 % en 2015 à 14,3 % en 2020.
De grandes quantités de tomates sont également expédiées vers le Royaume-Uni (19 % des
exportations marocaines de tomates) et les Pays-Bas (11 % des exportations marocaines de
tomates). « La croissance des expéditions vers ces deux pays a joué un rôle clé dans la
croissance globale des exportations de tomates marocaines », souligne Eastfruit

D’autre part, les expéditions vers certains pays affichent une croissance encore plus active.
Par exemple, les producteurs marocains ont réussi à exporter leurs premières cargaisons de
tomates vers la Belgique il y a seulement cinq ans, et les tomates marocaines sont apparues
sur les marchés du Danemark, de la République Tchèque et de l’Autriche la saison dernière.
En l’espace d’un an, les volumes d’expédition vers le Danemark et l’Autriche ont doublé et les
exportations vers la République Tchèque ont triplé.
Le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que « les
accords commerciaux UE-Maroc de 2019 en matière de pêche et de produits agricoles avaient
été établis sans le consentement du peuple du Sahara occidental ». Les mois à venir
permettront de mesurer la portée de cette décision quant au futur des relations commerciales
entre l’UE et le Maroc, notamment dans le secteur des fruits et légumes.
In fine, s’il ne revient pas aux missionnés d’émettre un jugement sur l’opportunité de poursuivre
dans cette voix les accords de libre-échange, il faut cependant souligner à quel point ils ont
constitué un puissant levier dans la modification de la géographie de certaines productions de
fruits et légumes en Europe et au Maroc. Le différentiel de compétitivité entre le Maroc et les
pays de l’UE en matière de production de fruits et légumes, conjugué avec des facilités en
matière d’exportation, constituent des facteurs clés dans l’accroissement ou la réduction des
surfaces cultivées, selon que l’on se situe sur l’une ou l’autre rive de la mer Méditerranée.

Des productions sous tension climatique

Le Maroc développe un modèle d’agriculture intensive qui représente 14 % du PIB et emploie
40 % de la population active, mais qui accapare aussi 85 % de la consommation nationale en
eau.
Le pays a misé sur l’irrigation et les cultures de contre-saison. Cette stratégie a réussi du point
de vue économique mais interroge dans un contexte de sécheresses accrues et répétées.
Dans certaines zones comme la plaine de Marrakech, sans irrigation les arbres meurent, ce
qui conduit à l’arrachage de vergers d’agrumes ou d’oliviers.

Selon la Banque mondiale , le Maroc a plus que triplé ses surfaces cultivées sous irrigation
localisée, au goutte-à-goutte, depuis la fin des années 2000. Cette technologie a contribué à
augmenter la quantité totale d’eau consommée par le secteur agricole, plutôt qu’à la diminuer.
Des vergers d’agrumes ont été installés dans des régions où le niveau annuel de précipitations
ne dépasse pas 200 millimètres, alors que ces arbres nécessitent un minimum de 1 000
millimètres. Des pastèques, composées à 95 % d’eau, poussent dans des zones quasidésertiques et des avocatiers, une culture tropicale, se développent dans des zones à climat
semi-aride.
Un article d’octobre 2022 de l’édition en ligne du Monde titrait : « Nous exportons sous forme
de fruits l’eau qui nous manque : le Maroc guetté par la pénurie, contraint de repenser son
modèle agricole ».
Depuis fin janvier 2024, le gouvernement marocain n’accorde plus d’aides permettant
d’investir dans l’irrigation localisée (creusement de puits, pompage, équipement de goutte-àgoutte). En remplacement des productions telles que les avocats, les agrumes ou les
pastèques, des cultures moins consommatrices en eau sont encouragées (caroubier, cactus,
amandier, câprier ou figuier).
Au nord du pays, les amandiers, les agrumes ou les oliviers peuvent pousser sans recourir à
l’irrigation, avec des rendements variables. En effet, à Fès ou à Meknès, les précipitations
annuelles sont de l’ordre de 600 mm et dans le Rif, il pleut davantage qu’à Montpellier.
L’irrigation représente une variable d’ajustement, les apports en eau pouvant garantir un
rendement minimum. Cependant, l’irrégularité accrue des précipitations nécessitera de plus
en plus d’appoint de l’irrigation.

Lire la suite du rapport sur la « Relocalisation en France de certaines productions de fruits et légumes »


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