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Par Omar Bakkou, économiste spécialisé en politique de changes.
Lors du précédent entretien, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des aspects conceptuels concernant la section 2 du chapitre IV de l’Instruction Générale des opérations de Change-24(l’IGOC-24).
Les précisions apportées par Bakkou nous ont permis de saisir deux éléments essentiels.
Le premier élément concerne la définition universelle des opérations objets de cette section : « les opérations en capital des résidents ».
Quant au second élément, il concerne les raisons pour lesquelles lesdites opérations font l’objet de dispositions de la règlementation des changes.
Ces éléments sont extrêmement utiles pour appréhender le périmètre effectif des opérations en capital des résidents, et partant, mieux cerner « le cadrage règlementaire » adopté par l’IGOC-24 en la matière.
Dans le présent entretien, nous allons interroger Bakkou sur un aspect non moins important concernant la section 2 du chapitre IV, à savoir le découpage de cette section.
On remarque à première vue en parcourant la section 2 du chapitre IV que cette section est structurée de manière assez différente de la première. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
Absolument, l’analyse du découpage opéré au niveau des deux sections du chapitre IV de l’IGOC-24 permet de faire ressortir une asymétrie de forme.
En effet, la section 1 « opérations en capital des non-résidents » comprend seulement deux sous-sections intitulées respectivement « les investissements étrangers au Maroc » et « les financements extérieurs ».
Quant à la section 2 « opérations en capital des résidents », elle comprend cinq sous-sections, à savoir : « les investissements à l’étranger des personnes morales », « les placements à l’étranger des institutions financières », les prêts au profit des non-résidents », « les investissements à l’étranger des personnes physiques » et « les autres opérations en capital ».
Et à votre avis, ce découpage est -il pertinent ?
A mon avis, ce découpage est un peu éclectique dans la mesure où il utilise trois concepts à la fois, à savoir : l’investissement, le placement et les opérations en capital.
Qu’est-ce que vous entendez par concept de l’investissement ?
Le concept de l’investissement est le concept utilisé au niveau des normes d’établissement des statistiques de la balance et des paiements et de la position financière extérieure globale.
Ce concept regroupe toutes les opérations en capital citées lors du précédent entretien, à savoir les créances financières, celles réelles et celles monétaires.
Ces créances sont différenciées au niveau des normes précitées en trois catégories : les investissements directs, les investissements de portefeuille et les autres investissements.
Cette différenciation est opérée selon le critère de l’objectif de l’investissement : établissement d’une relation durable(investissement direct) ou plutôt une relation à court terme (investissement de portefeuille).
Ces trois catégories d’opérations en capital ( ou ce qui revient au même d’opérations d’investissement)peuvent bien évidemment pour chacune d’elles être effectuées par les personnes physiques, les personnes morales (autres que les institutions financières) et les institutions financières.
En effet, un investissement direct peut être effectué par des personnes physiques, des personnes morales (autres que les institutions financières) et des institutions financières.
De même, un investissement de portefeuille peut être effectué par des personnes physiques, des personnes morales (autres que les institutions financières) et des institutions financières.
Et également, les autres investissements peuvent être effectués par des personnes physiques, des personnes morales (autres que les institutions financières) et des institutions financières.
Ce mode de classification correspond à peu près à celui adopté par l’IGOC-24.
En effet, la sous-section 1 relative aux investissements à l’étranger des personnes morales édicte les dispositions relatives aux investissements directs à l’étranger des résidents.
Pour ce qui est des sous-sections 2 et 4 , elles édictent les dispositions relatives aux investissements de portefeuille à l’étranger des résidents ( successivement les institutions financières et les personnes physiques).
Quant aux sous-sections 3 et 5 , elles édictent les dispositions relatives aux autres investissements des résidents
Il convient de signaler , toutefois, que ce mode de classification est trop abstrait pour être adopté au niveau de la règlementation des changes.
En effet, la majorité des pays du monde adopte la distinction des opérations en capital par catégorie de personnes résidentes : personnes morales (autres que les institutions financières), les institutions financières et les personnes physiques.
Cette catégorisation peut être aisément être adoptée par le Maroc.
Concrètement, comment cette catégorisation pourrait-t-elle être appliquée dans le cas du Maroc ?
Cette catégorisation pourra être appliquée dans le cas du Maroc à travers :
-Le regroupement de la sous-section « investissements à l’étranger des personnes morales » et d’une partie de la sous-section « prêts au profit des non-résidents » (crédits commerciaux pouvant être accordés par les exportateurs à leurs clients non-résidents) dans une sous-section qui sera intitulée « opérations en capital des personnes morales »;
-Le regroupement de la sous-section « placements à l’étranger des institutions financières » et de deux autres parties relevant de la sous-section « prêts au profit de non-résidents » dans une sous-section qui sera intitulée « opérations en capital des institutions financières » ;
-Le regroupent des deux sous-sections « investissements à l’étranger des personnes physiques » et « autres opérations en capital » dans une sous-section intitulée « opérations en capital des personnes physiques ».